Le projet de canal Seine-Nord Europe se concrétise dans les territoires

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Malgré le contexte sanitaire, la société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE), maître d’ouvrage, poursuit l’avancement du projet qui compte des phases d’études, de concertations, d’instructions réglementaires, de lancement et d’attribution de marchés… Avant de parvenir à de premiers travaux préparatoires fin 2021 et ceux pour l’infrastructure proprement dite fin 2022. Le point avec Jérôme Dezobry, président du directoire de la SCSNE. « L’activité de la société du canal Seine-Nord Europe s’est adaptée au contexte de la crise sanitaire dès mars 2020. Les équipes sont toujours en télétravail, ce qui n’empêche pas le projet de continuer à avancer. Nous nous adaptons à la situation en interne comme en externe. Nous savons que nous devons être au rendez-vous de ce grand projet pour la profession fluviale et les chargeurs », explique Jérôme Dezobry, président du directoire de la SCSNE. S’adapter à la situation sanitaire signifie, par exemple, pour des concertations sur le secteur 2 dans le Pays Noyonnais à la mi-décembre 2020, la programmation d’une réunion en ligne plutôt qu’en présentiel pour tenir compte du couvre-feu à 18 heures. Autre exemple : l’enquête publique environnementale pour le secteur 1 a été prolongée de 7 jours en novembre dans le contexte du deuxième confinement et des restrictions de déplacement. Cette mobilisation de l’équipe de la société du canal Seine-Nord Europe, qui compte à ce jour un total de 55 personnes, en théorie basées à Compiègne, doit être saluée, d’autant plus qu’elle a perdu l’un de ses membres, emporté par le Covid-19, Cyr Denis Nidier en avril 2020. A terme, la SCSNE devrait compter un total de 70 à 80 personnes. Le nombre peut varier en fonction de la stratégie qui sera choisie notamment pour l’AMO (assistance à maîtrise d’ouvrage), l’idée étant plutôt de l’internaliser. Quelques tâches ont toutefois été décalées dans le temps : il s’agit des acquisitions foncières, les visites aux propriétaires devenant compliquées voire impossibles plus particulièrement lors du deuxième confinement à l’automne 2020. Beaucoup d’autres éléments du projet ont progressé.

Arrêté d’autorisation environnementale en avril 2021 pour le secteur 1

Depuis avril 2020, la SCSNE est devenue, comme prévu, un établissement public local. La région Hauts-de-France, les départements du Nord, de l’Oise, du Pas-de Calais et de la Somme pilotent la concrétisation de ce grand projet et fixent les orientations stratégiques de la SCSNE, avec le soutien de l’Union européenne, toujours bien présente, et la participation de l’État.

Parmi les récentes avancées, il y a eu la réalisation de l’enquête publique environnementale pour le secteur 1 c’est-à-dire la partie entre Compiègne et Passel dans l’Oise.

« Elle s’est conclue positivement en décembre 2020, indique Jérôme Dezobry. La commission a notamment souligné le dossier très complet que nous avons fourni. Nous attendons l’arrêté d’autorisation environnementale de la part de l’administration, sans doute en avril 2021. C’est un texte assez inédit compte tenu de l’ampleur du projet sur le premier secteur et sa rédaction prend du temps. Une fois publié, il nous permettra de lancer les premiers travaux « réels » qui seront d’abord modestes et porteront sur la préparation du territoire ».

Ces premiers travaux préparatoires concernent des mesures compensatoires de boisement et reboisement, la création de deux giratoires et de deux quais pour approvisionner le chantier par la voie fluviale. Les dates pour ces opérations ne peuvent être indiquées précisément pour l’instant car elles sont conditionnées à la publication de l’arrêté d’autorisation environnementale mais l’objectif est que les travaux débutent en 2021.

Les travaux de l’infrastructure du canal proprement dit sur le secteur 1 (excavation des terres, terrassement, rescindement de la rivière Oise, construction des ouvrages d’art et de l’écluse de Montmacq, etc.) sont prévus à partir de la fin 2022. Cette date peut varier en fonction de l’avancement des déboisements nécessaires et qui ne peuvent être réalisés qu’entre mi-mars et mi-septembre.

Adoption d’une « politique d’achat »

Une autre avancée a été la validation de la « politique achat » de la SCSNE par le conseil de surveillance le 1 octobre 2020. « Toutes les entreprises qui veulent participer aux marchés et aux travaux ont ainsi à disposition toutes les informations sur des critères qui nous importent », précise Jérôme Dezobry.

Un dépliant récapitule cette politique achat. Ce document précise : « En qualité d’acheteur public, la SCSNE a engagé une démarche d’achat responsable : elle veille à la régularité et à l’efficience de l’achat public, aux performances techniques et environnementales, et à l’optimisation des retombées économiques et sociales pour les habitants et les entreprises des territoires ».

Selon ce dépliant, la politique achat de la SCSNE repose sur 3 grands principes d’action : transparence, dialogue avec les entreprises, développement durable. La transparence concerne, par exemple, les plannings des marchés qui sont disponibles en ligne sur le site internet de la SCSNE (rubrique « marchés ») le plus en amont que possible afin de permettre aux entreprises de se préparer suffisamment à l’avance pour répondre en temps et en heure. Cette transparence s’applique également aux décisions.

La SCSNE dialogue avec les entreprises ou leurs fédérations le plus en amont possible également pour anticiper les freins qu’elles peuvent rencontrer ou les suggestions qu’elles peuvent avoir. Une fois le marché attribué, la SCSNE « privilégie une approche partenariale ».

Par « développement durable », il faut comprendre qu’une « attention particulière est apportée à la limitation des nuisances supportées par les riverains et à la résolution des problématiques qui n’auraient pas pu être anticipées ». Cela se traduit par la valorisation, en phase de sélection, des propositions des entreprises pour atteindre les objectifs de la démarche Grand Chantier.

Cette politique achat se décline en 10 objectifs opérationnels. Parmi ceux-ci : être attentif à l’accès des TPE/PME aux marchés, favoriser l’insertion des publics cibles éloignés de l’emploi, l’insertion du chantier dans la vie économique et sociale des territoires, l’incitation à l’utilisation des modes de transports alternatifs à la route pendant le chantier, le recours à la valorisation des matériaux dans une démarche d’économie circulaire.

Des marchés continuent d’être proposés et attribués

Parmi les marchés attribués en 2020, il y a celui sur la « maîtrise d'œuvre des écluses et des systèmes transversaux du projet de construction » à Egis, mandataire du groupement One (Ingérop, ISL, SBE, Michel Desvigne Paysage et AEI Architecture).

Le canal comporte six écluses de grand gabarit, dont les hauteurs de chute varient entre 6,5 et 26 m. Selon Egis, ces ouvrages, « qui deviendront les plus hautes écluses de France, permettront d’acheminer des convois depuis la région parisienne au Sud vers le réseau fluvial du Nord de la France, puis l’Europe ». Pour cinq de ces écluses, Egis et ses partenaires vont réaliser les études de conception (prévues sur 3 ans) et assurer la supervision en phase travaux (sur 6 ans).

Egis précise que « la hauteur maximale des écluses du canal Seine-Nord Europe a été limitée pour que le temps de franchissement de chaque écluse n’excède pas 30 minutes, cette durée de passage conditionnant le nombre de bateaux éclusés dans la journée et donc la capacité d’écoulement de trafic du canal ». Une septième écluse complémentaire de gabarit intermédiaire, également conçue par le groupement One, sera nécessaire au niveau de Allaines (Somme) pour permettre le raccordement du canal du Nord à la nouvelle infrastructure.

En décembre 2019, le même groupement Egis avait été désigné pour  les marchés de maîtrise d’œuvre pour la conception et le suivi de réalisation des travaux de terrassements, ouvrages d’art et rétablissements de communication (ponts routiers et ferroviaires) du futur canal pour les secteurs 2 (de Passel à Allaines) et 4 (de Etricourt-Manancourt à Aubencheul-au-Bac). Le secteur 3 (de Allaines à Etricourt-Manancourt) a été attribué au groupement conduit par Arcadis ESG allié à Sweco Belgium et Explorations Architecture.

Pour les secteurs 2 à 4, ces attributions ont ouvert la voie au lancement des études d’avant-projet sur les 89 kilomètres concernés. Une version 2 de ces études d’avant-projet est actuellement en cours d’étude par la SCSNE. Cette phase d’études d’avant-projet en 2020 et 2021 s’accompagne d’une période de concertation permettant de préciser le projet avec les territoires.

Le dossier d’enquête publique environnementale pour ces secteurs devrait être prêt pour la fin de l’année 2021 ce qui permettra la suite des procédures d’autorisations administratives et foncières en 2022. Sur les 89 km des secteurs 2 à 4 du futur canal, il est prévu que les travaux commencent à l’automne 2023.

Des concertations et études en cours

En 2020, la SCSNE a engagé un vaste travail autour de la gestion des déblais, le positionnement des dépôts. Une concertation a été mise en place avec différentes parties prenantes (agriculteurs, élus, riverains) dans la suite de ce qu’avait entamé Voies navigables de France (VNF). Les échanges ont fait évoluer l’emplacement des sites de dépôts et orientent vers une remise en culture autant que possible. Un document récapitulatif des évolutions sera établi à l’issue des concertations.

Le devenir des canaux actuels une fois Seine-Nord Europe en service constitue un autre sujet important et il revient à VNF de mener la concertation à laquelle la SCSNE est associée. « Toutes les hypothèses sont sur la table, indique Jérôme Dezobry. Il faut juste prendre en compte qu’il y a des sections qui vont être utilisées pour le futur canal. D’autres vont servir, par exemple dans la Somme, pour restaurer la rivière La Tortille que la création du canal du Nord a fortement dégradé. A l’époque de la construction de ce canal, les impératifs environnementaux étaient différents de ceux d’aujourd’hui. Il y a des sections pour lesquels rien n’est décidé actuellement, la concertation sert à déterminer quelles sont les orientations possibles ».

Le devenir des canaux actuels se pose sur le temps long, la mise en œuvre des décisions ne se fera qu’après l’entrée en service de la nouvelle infrastructure. Il faut toutefois anticiper, notamment pour savoir si une partie des terres déblayées doit être conservées pour d’éventuels remblais des canaux actuels ou pas.

Une étude autour de la « fluvialisation » des flux du chantier du futur canal est conduite par la SCSNE avec un appui financier de VNF. La volonté est de favoriser l’utilisation des deux modes massifiés fluvial et ferroviaire aussi bien pour les déblais que pour les approvisionnements en matériaux. Parmi les premiers travaux préparatoires sur le secteur 1, la réalisation de deux quais fluviaux constitue un élément allant en ce sens.

Pour Jérôme Dezobry : « Les équipes de la société du canal Seine-Nord Europe sont au travail et je tiens à saluer leur mobilisation constante. Cela fait que le projet avance calmement mais sûrement, malgré le contexte sanitaire. Nous relevons tous les défis d’un tel projet d’ampleur qui sont notamment d’ordre techniques ou environnementales. L’instabilité normative pourrait compliquer certains aspects du projet, je veux parler de nouvelles normes administratives en général. Il faut toutefois savoir que la convention de financement a prévu des mécanismes pour tenir compte d’éventuels nouveaux impératifs réglementaires qui pourraient survenir ».

Tout est ainsi mis en œuvre pour qu’à partir de la fin 2028, les bateaux naviguent sur les 107 km du canal Seine-Nord Europe, partie majeure de la liaison Seine-Escaut, et relient le bassin de la Seine aux grandes voies fluviales du Nord de la France et de l’Europe.

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