« Ce sont les plateformes qui sont stratégiques, pas de regarder passer les bateaux »

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La Société du canal Seine-Nord Europe construit le canal lui-même, y compris les ouvrages de navigation et les quais des quatre plateformes multimodales prévues le long du nouvel itinéraire. Mais l’aménagement des plateformes, en arrière des quais, sera l’affaire des régions et intercommunalités. Leurs caractéristiques doivent être décidées avant la fin de l’année, explique Franck Dhersin, vice-président de la région Hauts-de-France en charge des transports et des infrastructures.

NPI : Les travaux préparatoires au chantier du canal avancent-ils comme prévu ?

Franck Dhersin : Les études, l’achat des terrains et la définition des mesures de compensations environnementales sont désormais terminés. Nous finissons à présent les procédures administratives relatives à l’eau et à la protection de l’environnement. Les choses suivent leurs cours en vue d’une mise en service que nous espérons pour 2028. Les premiers appels d’offres sont en cours pour deux giratoires et des quais fluviaux, dont les travaux devraient débuter fin 2021. Les premiers gros marchés sont également en préparation pour des premiers coups de pelleteuse en 2022.

NPI : De quelle façon favoriser le recours au transport fluvial pendant le chantier ?

F.D. : Nous allons essayer de développer au maximum l’utilisation du fluvial et du ferroviaire pendant le chantier pour le transport des déblais et des matériaux de construction ; c’est autant de camions en moins sur les routes. Il est possible juridiquement d’insérer dans les appels d’offres des clauses allant dans ce sens, mais techniquement ce n’est pas toujours simple à mettre en œuvre sur le terrain. 

NPI : Où en sont les études concernant les plateformes multimodales le long de Seine-Nord ?

F.D. : Nous étions jusqu’à présent mobilisés sur le canal Seine-Nord lui-même.  Les ports intérieurs, appellation que je préfère à celle de plateforme, n’étaient pas la priorité mais font maintenant l’objet de toute notre attention. Leur localisation et leur superficie ont été déterminées dans le cadre de la déclaration d’utilité publique. 

Du nord au sud, on prévoit 156 ha à Marquion-Cambrai avec la communauté d’agglomération de Cambrai et la communauté de communes de Marquion, 36 ha à Péronne avec la communauté de communes de la Haute-Somme, 93 ha à Nesle avec la communauté de communes de l’Est de la Somme et 45 ha à Noyon avec la communauté de communes du Pays noyonnais. Des ajustements doivent encore être faits : sur le bord à quai, sur les emprises foncières, ou encore sur les liaisons ferroviaires qui devraient concerner Marquion-Cambrai et Nesle. 

Nous envisageons également de faire de ces ports des démonstrateurs de la troisième révolution industrielle, avec des études d’opportunité à lancer sur ce point. Il s’agit, par exemple, de faire du réseau portuaire un écosystème des carburants alternatifs. 

Les études de conception ont été lancées pour les quatre ports par la région Hauts-de-France, maître d’ouvrage. Nous bénéficions, pour nous aider à concevoir l’aménagement de ces ports intérieurs, de l’assistance de la société publique locale Delta 3 dont l’expertise est reconnue dans la gestion de plateformes multimodales avec le site de Dourges. Des réunions doivent encore avoir lieu, en particulier avec le monde agricole pour qu’il y ait le moins possible de terre cultivable utilisée. Nous devrions avoir terminé à l’automne. Les choses seront alors fixées et nous pourrons effectuer l’ensemble des études et procédures propres à ce type d’opérations, avec l’objectif de lancer les premiers travaux en 2024-2025 pour être au rendez-vous de 2028. C’est serré, mais tenable. Disons que nous avons encore le temps de faire les choses bien.

NPI : Qu’en est-il du financement de la construction de ces plateformes?

F.D. : À ce stade, seul le financement des études, d’un montant estimé à 15 M€, a été arrêté dans le cadre d’un protocole d’accord avec les intercommunalités. Et encore une fois, l’intervention massive de l’Union européenne a permis d’avancer, puisqu’elle a nous accordé une aide de 50 % fin 2020. La région apporte 25 % et les 25 % restants sont répartis entre les cinq intercommunalités concernées par les quatre ports. 

Pour le plan de financement des travaux, nous avons encore un peu le temps. Il y aura sans doute encore une grosse intervention publique et nous espérons encore une fois le concours précieux de l’Europe. Une autre partie sera financée par l’emprunt, remboursé par les recettes liées à l’installation d’entreprises sur ces ports intérieurs. Car le canal en lui-même ne rapportera pas d’argent, et ne remboursera pas par les péages le coût de sa construction. 

Ce sont les plateformes qui sont stratégiques, pas de regarder passer les bateaux. La précédente mouture du projet, qui prévoyait le recours à un partenariat public-privé, intéressait les grands groupes privés uniquement parce que les ports intérieurs étaient inclus dans le périmètre du PPP. Sans les plateformes, Seine-Nord n’aura de sens qu’à Anvers, le Havre ou Dunkerque. Or ce que nous voulons, c’est développer l’activité localement, sur la région.

NPI : Quelle exploitation prévue pour les zones portuaires et l’exploitation des quais ?

F.D. : Nous n’en sommes pas encore à déterminer le mode d’exploitation. La région et les intercommunalités concernées vont créer une entité juridique pour chapeauter ces plateformes. Il reste encore à déterminer s’il s’agira de quatre entités séparées ou d’un seul syndicat pour les quatre ports intérieurs, solution qui a ma préférence. Il n’est pas exclu que les départements y disposent d’un siège. Même s’ils n’interviendront pas directement dans la création et la gestion de ces ports, les départements participent au financement du canal et espèrent des retombées économiques pour leurs territoires grâce aux ports intérieurs. 

Car l’objectif poursuivi est de constituer un ensemble portuaire qui s’inscrit dans le réseau économique à l’échelle régionale. C’est pour cela que nous voulons faire les choses nous-même, à notre manière, afin de choisir les activités qui s’implantent. Il s’agit, par exemple, de ne pas avoir que du stockage sur ces ports intérieurs, mais aussi de la transformation pour créer de la valeur ajoutée. De très nombreux emplois peuvent être créés sur ces quatre sites, qui sont un des lieux de la ré-industrialisation. Nous avons déjà interrogé les entreprises pour savoir quels sont leurs besoins et plusieurs nous ont fait part de leur intérêt pour s’installer sur les futurs ports intérieurs. 

À Noyon par exemple, un nouveau silo va s’implanter. Une fois tous ces choix stratégiques effectués, je pense que naturellement nous nous tournerons vers une délégation de service public car nous aurons besoin à ce stade de toutes les expériences et des capacités de la sphère privée pour développer ce programme ambitieux.

La DT de VNF assure la gérance du GEIE Seine Escaut

La directrice territoriale Nord-Pas-de-Calais de VNF, Marie-Céline Masson, assure la gérance du groupement d’intérêt économique européen (GEIE) Seine-Escaut qui regroupe 4 entités exécutantes, soit la Flandre, la Wallonie, la Société du canal Seine-Nord Europe et VNF. Le GEIE se réunit tous les mois. Son objectif est de faciliter la réalisation de la liaison Seine-Escaut, notamment sur les secteurs transfrontaliers, et de préparer les réunions de la commission intergouvernementale (CIG), instance politique qui regroupe les mêmes entités. « Le GEIE fait tout le travail nécessaire sur la coordination des financements, des études, des procédures. C’est travailler de manière partenariale et bienveillante sur un seul et même projet et savoir où en est chaque entité exécutante dans la réalisation de la partie du programme qui est le sien », précise Marie-Céline Masson. Par exemple, actuellement, il s’agit de préparer les demandes de financement pour le nouvel appel MIE 2023-2027. C’est clôturer les financements du MIE actuel ou encore coordonner les comptes-rendus pour l’Union européenne.

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