Les sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont lancé le 1 décembre 2021 un travail sur la gestion des risques autour des ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux qui a débuté par une audition de deux des auteurs du rapport sur ce sujet. NPI a publié un compte-rendu de ce rapport.
Michel Pascal et Jérôme Goellner ont rédigé ce document à l’issue d’une mission qui leur avait confiée par les ministres de l’Economie et de la Transition écologique dans la suite de la catastrophe du port de Beyrouth en août 2020.
Le rapport a été publié en mai 2021 sur le site internet du CGEDD et, depuis, il n’y a pas encore eu de suite données du côté du gouvernement ou de l’administration, ont indiqué les deux auteurs.
Ils ont ajouté qu’il y avait eu trois réactions : une de la part de France Nature Environnement (FNE), une autre de Robin des Bois. La troisième est venue de l’Association française des ports intérieurs (AFPI qui était d’ailleurs citée dans le rapport) indiquant qu’elle allait se mobiliser en interne avec ses adhérents sur le sujet.
Les échanges entre les deux auteurs et les sénateurs dont la vidéo est visible sur le site de l’institution ont surtout porté sur comment améliorer la situation dans les ports fluviaux où la gestion des risques liés à la présence d’ammonitrates (c’est-à-dire des engrais et produits à base de nitrate d’ammonium) apparaît moins bien maîtrisé que dans les ports maritimes, selon le rapport.
« Les ports fluviaux, c’est plus artisanal »
« Les ports fluviaux, c’est plus artisanal. Il y a une grande diversité de ports », a expliqué Michel Pascal, revenant sur ce qui a été découvert par la mission à Elbeuf où il y a « un quai de 150 mètres de long et un hangar » et « c’est là que sont déchargées et transitent 17 000 tonnes de produits » et dont aucune administration (préfet) n’avait connaissance contrairement à ce qui est prévu par l’ADN. Il a souligné que l’entreprise qui s’occupait des produits « connaissait son métier » mais agissait tout de même « en dehors de tout encadrement ».
La Dreal intervient seulement s’il y a une ICPE. La situation ne relève pas non plus de VNF. Concernant la partie transport fluvial jusqu’à Elbeuf de ces produits classés « marchandises dangereuses », « l’obligation d’annonce, prévue dans les textes, n’est pas respectée voire pas connue », a dit Michel Pascal.
Jérôme Goellner a indiqué que les ammonitrates de haute concentration sont autorisés sous la forme vrac en France, alors que c’est interdit dans d’autres pays européens. « Les normes européennes disent qu’il faut un conditionnement en big bag pour ces produits mais en France, on applique une norme française qui n’oblige pas à conditionner. Donc jusqu’à Elbeuf, par exemple, il y a du transport d’ammonitrates de haute concentration en vrac. D’autre part, en France, la réglementation française sur le transport maritime interdit le vrac pour ces produits. Mais comme Elbeuf n’est pas un port maritime, cette réglementation ne s’applique pas. Et le passage par le transport fluvial jusqu’à Elbeuf y permet le déchargement en vrac de ces produits. C’est subtil ».
VNF plusieurs fois cité
Autre point mis en avant par Jérôme Goellner : « Il n’y a pas d’équivalent des capitainerie dans les ports fluviaux », même dans ceux plus importants comme Metz ou Strasbourg ce qui n’aide pas à une connaissance précise des marchandises dans les bateaux, ni sur les chargements/déchargements.
Ce point ne relève pas non plus des missions de VNF, ont relevé les auteurs du rapport qui ont détaillé en réponse à une question des sénateurs : « Nous avons beaucoup travaillé avec cet établissement, surtout dans l’Est. Nous leur avons présenté nos préconisations mais nous n’avons eu aucun retour malgré plusieurs relances. Il est dommage de ne pas avoir pu aller plus loin car VNF est bien placé pour imposer l’obligation d’annonce, pour introduire une vigilance sur les lieux de chargement et déchargement compte tenu de ses connaissances et de ses autres missions sur le réseau fluvial. Il serait logique que VNF soit en appui auprès des préfets pour ces questions-là, pour aller dans le sens d’une amélioration de la gestion des risques ».
Un sénateur a souligné que les ammonitrates (engrais et produits à base de nitrate d’ammonium) étaient également des « bombes » climatiques avec des émissions de gaz à effet de serre représentant 10 % du total des GES en France. Le pays étant par ailleurs engagé dans une réduction de ces émissions.
Le sénateur Jean-François Longeot, président de la commission, a indiqué que des visites étaient prévues à Elbeuf, à Metz et à Strasbourg, dans le cadre du travail lancé sur les ammonitrates dans les ports fluviaux. Diverses administrations, établissements publics et autres interlocuteurs seront également auditionnés. Le travail des sénateurs va se dérouler jusqu’en février 2022.