La fin des surcoûts de manutention pour le fluvial dans les ports du Havre et de Marseille-Fos pour les conteneurs acheminés par CMA CGM a été annoncée par le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebarri, en visite au port d’Arles le 1 mars 2022. La mesure va prendre effet au 1 avril 2022, « s’inspire du système mis en place il y a quelques années sur le port de Dunkerque et demeurera ».
Il est ajouté : « Les acteurs du fluvial disposent ainsi de conditions économiques substantiellement améliorées dont ils sont invités à se saisir en renforçant les services offerts et leur régularité. Un suivi de cette initiative sera effectué par l’observatoire de la performance portuaire ».
C’est le pas en avant de CMA CGM qui permet d’avancer, enfin, sur le sujet. Le groupe français, l’un des trois leaders du transport maritime mondial, montre ainsi la voie en décidant de prendre à sa charge le surcoût de manutention pour ses conteneurs, devenant ainsi un acteur de la compétitivité pour le mode fluvial.
Il reste à voir comment vont évoluer et se positionner les autres armements maritimes, « débiteurs naturels des coûts de manutention », dans les temps à venir.
Des réactions positives… Evidemment !
Cette décision survient suite à la mission conduite en 2021 par le préfet François Philizot et qui lors d’une réunion mi-décembre avec les acteurs fluviaux et portuaires, l’administration et des membres du cabinet du ministre, avait indiqué souhaiter/espérer aboutir en 2022 à une solution.
La fin des surcoûts de manutention pour le fluvial dans les deux grands ports du Havre et de Marseille-Fos est une demande de longue date de la profession, d’autant plus depuis 2016, année où la situation a été réglée à Dunkerque (voir encadré plus bas). Dans ce grand port du Nord de la France, la part du fluvial a augmenté depuis 2016.
Bien évidemment, les réactions sont positives. Il en va ainsi du côté d’Entreprises fluviales de France (E2F) : « Le report modal ne se décrète pas, il se construit avec et pour les entreprises. L’annonce de CMA CGM de prendre en charge directement les frais de manutention des marchandises sur barge fluviale revêt un caractère décisif pour le développement fluvial de la filière conteneurs. Afin de donner son plein effet à cette pratique, il conviendra que l’ensemble des armements maritimes qui escalent dans les ports français suivent le mouvement et que la pratique s’ancre sur le long terme ».
Du côté de Voies navigables de France (VNF), les mots « décision historique » sont lâchés et l’établissement ajoute : « Effacer le surcoût de la manutention des conteneurs fluviaux à Fos-Marseille ainsi qu’au Havre, mesure que nous prônons depuis de nombreuses années est essentiel pour donner à ce mode ses chances d’être aussi compétitif que les autres modes de fret sur le marché du conteneur. L’annonce de CMA-CGM ouvre la voie d’une compétitivité renforcée ».
Le projet de grand port fluvio-maritime Marseille-Lyon avance
Annoncé par le président de la République Emmanuel Macron lors de sa visite de 4 jours dans la cité phocéenne en septembre 2021, le projet d’un grand port fluvio-maritime et d’un axe intégré de Marseille à Lyon fait partie des autres points abordés par le ministre des Transports : « Nous essayons de réaliser entre Marseille et Lyon, et donc sur l’axe fluvial, ce que nous avons déjà réalisé entre Le Havre et Paris en passant par Rouen. Il s’agit d’intégrer beaucoup plus les axes avec des grands ports qui sont les portes d’entrée sur les différentes façades maritimes et en se donnant les moyens de faire plus de trafic de marchandises par les fleuves. Nous avons à cœur de discuter avec toutes les parties concernées le long de l’axe » Rhône-Saône-Méditerranée pour faire aboutir ce projet.
Depuis le début novembre 2021, une mission a été confiée par le Premier ministre au préfet Pascal Mailhos sur ce projet de transformation du grand port maritime de Marseille (GPMM) en port fluvio-maritime allant de Marseille à Lyon et intégrant l’ensemble de l’axe fluvial Rhône-Saône Méditerranée.
Ce préfet pilote sa mission en coordination avec deux directeurs de projet : Elisabeth Ayrault, ancienne présidente de la CNR et vice-présidente du conseil de surveillance du GPMM, et Hervé Martel, président du directoire du GPMM. La première est chargée de proposer plusieurs schémas d’organisation du futur ensemble, le deuxième d’établir un projet industriel, logistique et économique sur un périmètre couvrant l’ensemble de l’axe, de Marseille à Pagny.
Une période de concertation est en cours avec certaines parties prenantes. Un rapport est attendu à la fin du premier trimestre 2022 dont les conclusions doivent permettent d’identifier des actions concrètes à court et moyen termes et une vision à long terme. Une autre période de concertation est ensuite prévue.
Si le modèle de ce qui a été fait sur l’axe Seine avec la fusion des trois ports Haropa est souvent cité, la situation sur l’axe Rhône-Saône est toutefois différente. Par exemple, le port de Lyon-Edouard Herriot relève de la CNR et non pas de l’Etat comme Le Havre, Rouen et Paris. Et, si elles sont membres de l’association Medlink Ports, les places portuaires de l’axe Rhône-Saône ne sont pas associées dans un GIE comme l’ont été les trois ports de l’axe Seine plusieurs années avant leur fusion.
Le modèle de la fusion Haropa sur l’axe Seine ne peut donc pas se décliner tel quel sur l’axe Sud qui nécessite alors d’imaginer une solution adaptée à ses spécificités...
En espérant que cela ne va pas prendre autant de longues années ni autant de missions et de rapports successifs allant remplir puis caler des armoires que le sujet des surcoûts de manutention du fluvial…
C’est quoi la facturation des coûts de manutention ?
La manutention des conteneurs entre le navire et le moyen de transport terrestre est une opération technique indispensable au transfert intermodal. Elle est facturée par les terminaux aux compagnies maritimes.
Pour le mode fluvial, la rupture de charge induisant des coûts plus élevés par rapport à la route en raison du matériel spécifique requis, les opérateurs de terminaux facturent un surcoût de manutention aux opérateurs de transport fluvial ce qui affecte directement leur compétitivité dans un contexte très concurrentiel.
En 2016, sur le port de Dunkerque, les acteurs portuaires ont accepté de mutualiser ces coûts en les intégrant dans les THC : ceci s’est traduit par une répartition uniforme du coût engendré par la manutention fluviale, sur l’ensemble des conteneurs en transit sur le terminal.
Preuve de l’efficacité d’une telle mesure, la part du fluvial à Dunkerque était en moyenne de 2 % entre 2010 et 2015. Depuis 2016 et la mutualisation des coûts de manutention, la part fluviale oscille entre 6 et 8 %.