Antoine Berbain : Parler du tourisme fluvial et des conditions de son développement dans le contexte actuel, qui est dramatique pour la grande majorité des opérateurs, prend une dimension particulière. La filière a fait l’objet de très importantes chutes d’activités par la baisse durable de la fréquentation et les différentes interdictions administratives d’exploitation.
Nous n’avons, un an après le premier confinement, encore aucune certitude sur le calendrier et les modalités de redémarrage de l’activité et le port est bien évidemment en soutien aux entreprises qui font l’activité.
Concrètement, dès le premier confinement et tout au long de cette crise inédite, Haropa-Ports de Paris a accompagné les entreprises fluviales du secteur du tourisme, de l’évènementiel et des loisirs dans le cadre de mesures commerciales spécifiques. Le second confinement a encore dégradé la situation de ces entreprises mettant un coup d’arrêt total aux activités de restauration embarquée ou à quai, événementielles et de transport de passagers...
Dans ces conditions, Haropa-Ports de Paris a souhaité confirmer son soutien à cette filière et a proposé à l’approbation du conseil d’administration en novembre 2020 un nouvel ensemble de mesures :
- La prolongation automatique de la durée des titres d’occupation de 24 mois pour faciliter le refinancement des entreprises,
- De nouvelles mesures de réduction tarifaire des redevances du premier semestre 2021 à l’instar de celles adoptées en 2020 (-90 % pour le premier trimestre 2021 et -50 % pour le deuxième trimestre 2021),
- L’annulation de la redevance variable sur le chiffre d’affaires 2020.
Cet accompagnement s’est construit en concertation avec les représentants des entreprises et de la filière. Au-delà d’aider autant que possible le secteur durant cette crise économique, ces mesures commerciales exceptionnelles visent à faciliter le redémarrage de l’activité dès que les conditions sanitaires le permettront. A ce moment-là, nous serons aussi au rendez-vous, aux côtés de nos clients.
N.P.I. : Le tourisme fluvial est une activité importante pour l’axe Seine, quelles sont les récentes actions d’Haropa pour favoriser son développement à l’avenir ?
A.B. : Le tourisme fluvial est une activité très importante le long de l’axe Seine. De nombreuses compagnies opèrent sur nos ports et proposent des offres variées qu’il s’agisse de croisières fluviales avec hébergement entre Paris, Rouen, Honfleur ou encore Le Havre ; ou bien de croisières-promenade et de dîners-croisière dans Paris. On oublie d’ailleurs parfois que Ports de Paris est le premier port mondial pour le tourisme avec près de 8 millions de passagers transportés chaque année. C’est un secteur avec un gros potentiel de développement, notamment grâce aux infrastructures que nous développons en complémentarité sur les ports de Paris, de Rouen et du Havre.
Il s’agit, par exemple, de la création de nouvelles infrastructures d’escales (Issy-les-Moulineaux, Beaugrenelle, La Roche-Guyon) -37 escales au total en Ile-de-France- et de la mise en place d’actions en partenariat avec les différents offices de tourisme le long de l’axe Seine ou avec les comités régionaux du tourisme d’Ile-de-France ou de Normandie.
Autre exemple, Haropa-Port de Rouen, avec l’important soutien des conseils départementaux de l’Eure et du Calvados, a réalisé la réfection de 5,6 km de chemin de halage entre Berville-sur-Mer et le pont de Normandie. Une superposition d’affectation de cette chaussée permettra d’accueillir une véloroute complétant ainsi La Seine à Vélo reliant Paris au Havre.
Enfin, nous pouvons citer, au niveau de l’axe Seine, le déploiement de 78 nouvelles bornes de distribution eau/électricité à destination du fluvial en collaboration avec VNF, qui constitue un projet unique en Europe.
N.P.I. : Les croisières fluviales avec hébergement sont à l’arrêt mais qu’en est-il du schéma de développement les concernant ?
A.B. : L’activité de la croisière avec hébergement est en effet totalement à l’arrêt du fait de la crise sanitaire, et, encore une fois, nous n’avons pas de visibilité sur la date de redémarrage.
Dans ce que certains appellent « le monde d’après », les impératifs environnementaux et de transition écologique et énergétique prendront une importance encore renforcée. Ils étaient déjà présents dans le « schéma directeur pour le développement de la croisière fluviale avec hébergement », élaboré en collaboration avec Voies navigables de France, les professionnels du secteur et les territoires concernés, sous le pilotage du préfet François Philizot.
Il vise à répondre à plusieurs enjeux pour les 10 prochaines années :
- Réduire la saturation de certaines escales,
- Apporter une stratégie de réseau à l’échelle de la Seine à l’aval de Paris pour la répartition des capacités d’accueil et d’équipement en services aux escales,
- Accompagner l’arrivée de nouveaux bateaux de 125 m et 135 m sur la Seine,
- Moderniser les escales existantes et offrir des services à quais (eau, électricité…) par des bornes standardisées.
L’une des réalisations les plus significatives est l’installation en cours de bornes le long de la Seine, qui fourniront du courant électrique aux bateaux à quai. À plus long terme, il s’agira d’équiper de recharges les escales pour les futurs bateaux électriques.
Pour la croisière avec hébergement, les besoins en puissance sont importants lorsque les bateaux sont à quai. Haropa-Ports de Paris a déjà installé deux bornes électriques de 240 kVA au port de Javel. Une troisième borne au port de Javel Bas sera opérationnelle en 2023. Plus en aval, une borne a été posée à La Roche-Guyon et une autre sera opérationnelle au Pecq en 2023. En 2025 ou 2026, la totalité des escales de paquebots en Île-de-France devrait être équipée.
D’ailleurs, Haropa-Ports de Paris complète ce dispositif dans le bief parisien par un dispositif de postes de recharge pour les bateaux électriques. Une première borne test de 125 A est en cours d’installation au port de Grenelle, au pied de la tour Eiffel, et sera opérationnelle en avril 2021. Suivront, d’ici 2023, 7 bornes supplémentaires sur les escales les plus fréquentées, pour, à terme, équiper les 30 escales du bief de Paris d’ici 2028.
Haropa accompagne donc le verdissement de la flotte et des escales (avec les prochaines escales de Javel et Grenelle, notamment), les nouvelles motorisations (électrique, notamment avec deux types de bateaux déjà en service, le Ducasse en Seine, et la flotte de Green River, et dans le cadre d’un nouveau dispositif « 0 émission à quai et en navigation » voté lors du dernier conseil d’administration du port) et en gardant une attention particulière sur les opportunités de développement de la filière hydrogène avec le projet européen H-2-Ship, dont Haropa-Ports de Paris est partenaire. Autant d’exemples qui témoignent de l’engagement de Haropa dans la transition écologique.