Où en est la filière biométhane française, lancée en 2011 ? Le cabinet de conseil en stratégie énergétique Enea Consulting s'est penché sur la question, en collaboration avec plusieurs acteurs industriels du secteur, forcément intéressés au développement de la filière : Biogaz Vallée, Cryo Pur, GRDF, GRTgaz, Meridiam, TIGF et TOTAL. Voici les trois éléments clés des conclusions de leur étude intitulée "État des lieux du biométhane en France et pistes de réflexion pour le développement de la filière" :
1. Un décollage qui a besoin de soutien
La filière biométhane française est une filière jeune, dynamique "et déjà compétitive", qui a permis à la France de se hisser fin 2016 à la 5e place des producteurs européens. De fait, l’étude signale qu’en juin 2017, la filière comptait 35 sites injectant du biométhane dans l’ensemble des réseaux de gaz et que 297 projets supplémentaires sont inscrits en file d’attente de raccordement, soit une capacité d’injection de 6,5 TWh/an ou 2% de la consommation française de gaz naturel (contre 0,3 TWh en 2016).
Les auteurs de l’étude estiment que les "bonnes perspectives" de demande de biométhane en provenance du secteur transport (bioGNV) et combustible (bâtiment) pourraient permettre d’atteindre l’objectif fixé par la France de 10% de gaz renouvelable dans la consommation française en 2030 (soit 30 TWh). Il faudrait pour cela un volume de financement de l’ordre de 10 milliards d’euros et des assouplissements réglementaires et administratifs (les temps de montage d’un dossier s’étalent actuellement entre 1,5 et 6 ans).
2. Un marché soutenu par les subventions et les taxes
Le développement du bio gaz permet l’émergence d’une filière industrielle française, productrice d’emploi et de revenu pour le domaine agricole, avec une réduction des émissions du gaz à effet de serre. Mais hors subvention, la filière du biométhane n’aurait jamais décollée. Son émergence en 2011 coïncide en effet avec la mise en place de tarifs d’achat bien supérieurs au prix du marché gaz naturel. "À titre d’exemple, une modélisation économique d’une unité de production de biométhane agricole autonome représentative de la filière française montre que les coûts de production actuels sont de 95 €/MWh pour un tarif d’achat de 120 €/MWh", pointe l’étude, alors que le prix de marché de gros du gaz naturel se situe à environ 17 €/MWh. La production est actuellement encore embryonnaire, peu standardisée. Les auteurs de l’étude estiment que les prix de production pourraient baisser de 30% d’ici 5 à 10 ans au fur et à mesure que la filière gagnera en maturité (augmentation du rendement de production, la diminution des coûts d’épuration, standardisation des compétences, méthodes et équipements…). Dans le même temps, le prix en hausse de la taxe carbone pèsera sur le prix du gaz naturel et le prix des deux énergies devrait se rapprocher en 2030 autour de 50 et 60 €/MWh.
3. De 150 à 300 stations dont la moitié en bioGNV
L’étude observe que l’évolution du parc de stations GNV affiche une croissance constante, avec un taux de plus de 50% de stations offrant du bioGNV à fin 2017. Le plan CANCA (Cadre d’Action National pour le développement des Carburants Alternatifs) élaboré par le gouvernement prévoit d’atteindre 140 stations GNV en 2025, alors que les acteurs professionnels, par le biais de l’AFGNV (Association Française du Gaz Naturel pour Véhicules), tablent sur un objectif beaucoup plus ambitieux de 300 stations GNV en 2025.
© Enea Consulting
"La réalisation des plans de déploiement de flottes roulant au bioGNV annoncés par les transporteurs publics et les acteurs de la grande distribution est un point clé de l’émergence attendue", conclut l’étude.