Réduire de 20 % les coûts opérationnels, les émissions de gaz à effet de serre et le taux d’échec à la livraison d’ici 2026. Les objectifs de l’Extrême Défi Logistique sont ambitieux. Depuis mars, ce programme initié par l’ADEME « vise à déployer et à concevoir des solutions d’optimisation en logistique urbaine », expliquait Tristan Bourvon, chargé de le piloter lors de son lancement. Trois solutions ont été retenues : le Centre de distribution urbain mutualisé (CDUM), le micro-hub et les systèmes de consolidation et de mutualisation pour circuits courts. Toutes ont fait l’objet d’une étude rétrospective dont les conclusions ont été rendues le 9 décembre.
Minima à atteindre
Avec l’adhésion des commerçants, « le nombre de remettants » est stratégique au regard de la finalité du CDUM : consolider les flux de plusieurs transporteurs pour optimiser les coûts et les émissions sur le dernier kilomètre. Plus de 20 remettants semblent la bonne jauge. Les volumes remis par ces derniers conditionnent aussi son modèle économique et sa pérennité. Selon Jérôme Libeskind du bureau d’études Logicités, ils doivent représenter « entre 20 à 30 % des flux logistiques de la ville ».
La diversification des fonctions (distribution, stockage, réserve déportée, reverse…) apparaît comme un autre facteur de succès et de longévité. Laquelle est meilleure aussi lorsque le CDUM est spécialisé, conçu pour une filière donnée : BTP, presse-livre, au service d’un centre commercial, d’un aéroport… Enfin la localisation doit être « dans ou en périphérie immédiate de la ville avec un accès direct aux rocades et autoroutes pénétrantes ». A l’entrée d’une zone dense, « sa distance par rapport au centre-ville doit être suffisamment incitative à son utilisation », insiste l’étude. Si le volume à traiter est suffisant, cette distance renforce la pertinence d’une massification et contribue à absorber le coût de la rupture de charge.
D’autres conditions semblent importantes sans être déterminantes. La taille moyenne observée est de 1 400 m2 et la flotte du dernier kilomètre est largement décarbonée (VUL gaz et électriques, vélo-cargos puis VUL diesels). L’exploitation des CDUM est à 90 % assurée par des transporteurs, gérés de façon privée, en majorité, publique ou mixte. Si une levée de fonds a permis sa création, elle s’élève à 1,15 M€ en moyenne. La longévité est d’ailleurs souvent corrélée à l’existence de subventions d’exploitation, de surcroît lorsque le centre est déficitaire.
Elcidis, anatomie d’un échec
Composées de colis, palettes et de logistique retour, 133 tonnes par semaine sont traitées en moyenne par les CDUM soit, dans la plupart des cas, une petite partie des flux d’une agglomération, reconnaît l’étude. Entre 2001 et 2018, le cas d’Elcidis à La Rochelle confirme l’importance des remettants et des volumes traités par rapport aux autres facteurs. En plus de subventions d’études et au démarrage, son exploitation déficitaire a été renflouée chaque année à hauteur de de 290 000 € ! Portage public-privé, opérateur neutre professionnel avec offre diversifiée, réglementation locale restrictive, toutes les conditions semblaient réunies pour un succès, pourtant. Sauf la part de marché d’Elcidis dans les flux distribués à La Rochelle. Elle n’a jamais dépassé 5 % avec 7 remettants au mieux. Du coup, l’équilibre économique n’a jamais été trouvé. Un rapide tour d’horizon montre que les volumes demeurent un facteur critique pour écraser les coûts et tendre vers la rentabilité d’un Centre de distribution urbain en France comme à l’étranger.
Règles à clarifier
Fixe ou mobile, le micro-hub est une forme de CDUM à une échelle plus réduite, souvent au quartier desservi par modes doux comme le vélo. Ses petites surfaces peuvent servir plusieurs intérêts en revanche : pallier un déficit foncier, répondre à un événement exceptionnel, tester la pertinence d’un site pour des aménagements futurs (comme un CDUM), soutenir la cyclo-logistique.... Avec sa localisation, les conditions de succès d’un micro-hub sont le partage des données entre transporteurs et la coordination des parties prenantes. Là encore, cette « bonne gestion » ne vaut que si un minimum de volume et de remettants s’associe au projet.
Comparée à un CDUM, l’approche « Asset light » du micro-hub permet de trouver l’équilibre plus facilement. Récent, son cadre réglementaire est en revanche perfectible, sur le stationnement fixe ou temporaire dans l’espace public ou les moyens pour les sécuriser. Qu’ils soient portés par des initiatives privées, publiques ou mixtes, « les collectivités locales ont un rôle déterminant dans leur pérennité », souligne l’étude.
Success-story de La Petite Boucle
La distribution et l’enlèvement des colis, voire de palettes parfois, sont les fonctions principales des micro-hubs. Elles sont souvent complétées par une activité « reverse » de déchets tels que des emballages. La plupart sont exploités par des cyclo-logisticiens. Leur longévité, supérieure à trois ans pour la moitié du panel étudié (18), semble confirmer la pertinence et la robustesse de leur modèle économique. En témoignent La Petite Boucle à Saint-Malo et ses micro-hubs créés à partir de conteneurs maritimes 20’.
Avec « DB Schenker, Dachser, Heppner et Les Triporteurs Français comme principaux remettants », confie Alexandre Euzenat, La Petite Boucle traite 10 à 15 tonnes par semaine, représentant plus de 100 positions à 90 % BtoB. A l’exception de subventions d’études et au démarrage en 2023, son fondateur et dirigeant affirme être à l’équilibre dès la première année. Issue d’un portage mixte public-privé, la jeune pousse propose des livraisons décarbonées dans un environnement réglementaire malouin restrictif pour les poids lourds incitant au report vers la cyclo-logistique. A l’étude, une diversification dans les flux alimentaires.