Damien Robillard : Tout a commencé en janvier 2018. Thierry Hernert, le cofondateur, lui-même transporteur depuis vingt-cinq ans, connaissait très bien le secteur des travaux publics. Moi-même, avec un passé de directeur de projets, j’avais l’habitude de piloter des projets. En réfléchissant au fait que des grands travaux allaient avoir lieu et généreraient de l’activité – JO 2024, Grand Paris, etc. – nous avons décidé de créer une solution digitale en réponse aux problématiques du secteur. Parmi celles-ci nous en avons identifié six principales : le manque de véhicules de chantier qui génère des retards, les délais de livraison de véhicules pour les transporteurs (qui peuvent dépasser un an), le trafic routier engorgé, le prix du carburant qui augmente, le prix du transport vers le bas par les entreprises de travaux publics, et la pénurie de conducteurs. Il existe un certain nombre de véhicules de chantier mais ceux-ci sont mal répartis. L’idée est donc d’optimiser les transports en réduisant le transport à vide. Afin d’éviter qu’un camion traverse une région pour rejoindre un chantier, mais au contraire que les camions les plus proches soient utilisés, il fallait une application pour les répartir intelligemment. C’est une solution qui répond à chacune des six problématiques. Elle crée un cercle vertueux. Une première version de l’application est sortie en septembre 2018, après cinq mois de développement, qui nous a permis de montrer la solution aux agences (Eiffage, Colas, etc.). À partir de leurs retours, nous avons affiné les processus techniques, administratifs, avons effectué des mises à jour, et le premier transport a été effectué en octobre 2018. Nous avons travaillé avec des PME et des transporteurs, mais également des directeurs de l’innovation de grands groupes, des directeurs transports en recherche d’optimisation. Cela nous conforte dans la direction que nous prenons. Nous avons déjà intégré plus de 200 véhicules de chantier dans l’application, et nous visons les 3 000 avant l’été.
D. R. : C’est son cœur de métier historique, mais elle ne s’adresse pas qu’à ce secteur. Nous avons récemment été approchés par des acteurs du traitement des déchets. Des pistes de développement sont toujours envisageables.
D. R. : Beaucoup de gens nous disent que Digitruck est « juste une application ». Je préfère qu’on nous voie comme un acteur de la digitalisation du secteur permettant que des camions soient loués à l’heure. Cela évite de louer des véhicules à la demi-journée. Si le coût à l’heure est plus élevé, le fait d’utiliser un véhicule moins longtemps permet de réaliser des économies. Les entreprises de TP paient moins cher leur coût de transport, et les transporteurs génèrent davantage de chiffre d’affaires. C’est dans l’air du temps que d’utiliser des applications pour optimiser des activités qui jusqu’alors subissaient des dysfonctionnements, à l’instar des taxis.
D. R. : Il y a en ce moment quatre grands chantiers qui gravitent autour de Paris : les Jeux olympiques, le Grand Paris, la rénovation de la ville, et Disneyland. Notre présence ici est nécessaire puisque ces chantiers vont générer des achats d’engins et aggraver les six problématiques que j’ai évoquées.
D. R. : Nous proposons deux applications. La première, Digitruck, permet aux entreprises de construction de réaliser une demande pour un ou plusieurs véhicules de chantier, en l’espace de trois minutes maximum. Il renseigne les informations nécessaires (type de véhicule désiré, lieu de chargement et de déchargement, la marchandise à transporter, le tonnage, etc.). Ensuite, l’application recherche tous les véhicules proches du chantier. Le premier chauffeur à accepter la mission de transport est validé. La seconde application, Digitruck Driver, s’adresse, comme son nom l’indique, au conducteur. Il y reçoit des notifications dès qu’une demande correspond à son type de véhicule (benne, balayeuse, etc.). Il ne reçoit par ailleurs que les demandes émanant de chantiers situés à moins de trente minutes de lui, avec des informations sur le trafic actualisées en temps réel. En effet, le but étant de décongestionner les routes, c’est un point qui nous tenait à cœur. La contrepartie, c’est d’avoir davantage de réactivité sur certains endroits par rapport à d’autres. Pour répondre à cela, un gérant transporteur, peut, après deux heures sans réponse à une commande, placer ses véhicules. Enfin, sur le plan administratif, Digitruck permet de générer des bons de commande, des lettres de voiture, etc. en direct et de manière instantanée.
D. R. : Les entreprises de construction n’ont pas de coût d’entrée. Elles créent leur compte, indiquent leurs coordonnées et réalisent des demandes. Si un transport est effectué via Digitruck, elles paient un coût de transport, sur lequel nous prenons une commission de 10 %. Au minimum, le transport est payé pour une heure. Au-delà, le décompte se fait à la minute. Côté transporteur, nous fonctionnons avec un coût fixe de 29,90 euros par véhicule et par mois. Actuellement, l’inscription est gratuite pour les transporteurs, qui ne paient que s’ils réalisent un transport. Tous nos tarifs sont affichés de manière transparente dans nos CGV. Nous ne sommes pas commissionnaires, car nous n’intervenons pas dans la facturation. Le client et le transporteur se paient en direct. Nous sommes simplement une plateforme d’intermédiation qui accélère les processus.
D. R. : Pas à l’heure actuelle. Nous sommes ouverts à tout, et nous pouvons y songer. Nous effectuons beaucoup de mises à jour sur l’outil, pour ajouter des fonctionnalités (prise de photo du bon de commande, etc.). S’il faut s’adapter à des éditeurs de logiciels métier, nous saurons le faire, nous avons cette approche digitale souple et travaillons avec une agence spécialisée, efficace et proactive. Notre application évolue donc au fur et à mesure, elle n’est pas du tout figée.