Première décision, séparer les opérations portuaires des parcours à moyenne et longue distance, de façon à ne pas perturber la gestion des tracteurs routiers et de leurs conducteurs avec les contraintes du ramassage et de la livraison en local. L'agence du Havre est installée dans la zone portuaire sur un terrain de 2,5 ha et permet d'entreposer des « boîtes » pour le compte des sociétés maritimes. S'il y a une soixantaine de conteneurs au sol, il y a aussi en moyenne 80 départs par jour. Mertz possède son propre « cavalier », un engin de manutention qui se positionne au-dessus des conteneurs pour les soulever, les déplacer et les empiler. Le transfert des caisses entre les opérateurs du port du Havre et le parc Mertz s'effectue avec des tracteurs Scania en deuxième vie, généralement des P 112 ou P113, qui affichent leur million de kilomètres. La partie routière est assurée par les modèles les plus récents, R 113, R 124 et R 114, qui reçoivent leur chargement au moment de partir. Gérard Blondel, directeur de l'agence précise : « Le choix de la cabine R est dicté par deux préoccupations : la prise au vent des conteneurs et le confort du conducteur puisque la couchette est régulièrement utilisée. Le déflecteur de toit d'une cabine R s'aligne mieux avec l'angle supérieur du conteneur standard - sans parler du "High Cube" - que dans le cas d'une cabine P ». Pour le confort, le capot intérieur de la cabine R, moins proéminent, donne un peu plus de volume habitable et facilité l'accès à la couchette.
Autre choix stratégique : transporter tous les conteneurs maritimes, les simples comme les complexes. C'est ainsi que Mertz s'est spécialisé dans le conteneur « matières dangereuses » toutes classes sauf les radio-actifs et qu'il charge aussi les 45', les « High Cube » (hauteur 2,90 m) et les hors-normes, en dimensions comme en poids. Il faut aussi pouvoir assurer de gros contrats comme cet hôpital préfabriqué qui allait de Suisse en Corée - via Le Havre - dans 250 conteneurs !
Franck Goblot, responsable commercial de l'agence, résume l'évolution de Mertz Conteneurs : « Le premier axe de développement a été la région parisienne, qui reste encore le marché le plus important ». Mais à côté du classique 40' la demande en 20' a augmenté, pour une question de volume à expédier. Ce qui a obligé Mertz à s'équiper de semi-remorques châssis extensibles, de trains doubles et de trains B. Les liaisons avec l'agence Mertz de Bordeaux ont amené la création d'un dépôt à Tours (à égale distance du Havre et de Bordeaux) pour travailler en relais avec échange de semi-remorques. Il devenait alors logique de prospecter la Touraine pour créer un courant d'affaires qui se concrétise aujourd'hui avec du vin dans un sens et de l'outillage coréen dans l'autre sens. Le tout en conteneurs de 20'...Le Havre-Tours et retour est devenu une destination quotidienne, un chauffeur se chargeant ensuite de la livraison et du regroupement en régional.
Dernière initiative développée en 2000, des « norias » de conteneurs pour des industriels de l'automobile (exemple Renault à Rouen) et de l'électroménager. Mertz garantit la capacité de transport et met à disposition des semi-remorques avec conteneur pour faciliter le chargement et permettre à l'industriel de travailler en flux tendu avec des navires pour envoyer des voitures en kit vers des chaînes d'assemblage lointaines.
Le parc roulant se compose de 120 tracteurs et de 280 châssis porte-conteneurs, soit 2,33 semi par tracteur, ce qui montre la souplesse dont il faut faire preuve pour transporter des modules normalisés... Le parc de tracteurs qui était à 100 % Scania, comporte maintenant 20 % de Renault Premium 385 et 400, conséquence du contrat passé avec le constructeur. La fidélité à Scania tient à la fiabilité des matériels et aux niveaux de consommation. Les tracteurs sont commandés avec la cabine R standard, une couchette, sans climatiseur mais avec l'option chauffage autonome. Le réservoir de gazole de 600 litres est de série. Les autres options montées d'usine sont l'équipement pour le transport des matières dangereuses, y compris les explosifs - sur 80 % des tracteurs - le ralentisseur hydraulique Scania et le déflecteur de toit. Il n'y a pas de roue de secours. Chaque tracteur est affecté à un chauffeur et effectue 110 000 à 120 000 km par an.
La durée d'exploitation des tracteurs chez Mertz est longue, très longue même ! Première raison : les Scania peuvent vivre vieux, effectuer une première vie en longue distance (au-delà de 700 000 km) puis passer en régional et local. Les tracteurs dépassent le million de kilomètres et atteignent parfois un million et demi. Une gestion peu courante déjà trouvée chez Robin Chatelain (L'OT Magazine de novembre 1998). Il semble aussi que, quel que soit son âge et son kilométrage, on trouve toujours un acheteur pour un Scania.
Les consommations de gazole sont particulièrement surveillées, d'autant plus qu'elles varient de façon sensible avec le type de conteneur transporté. La consommation moyenne de 35 l/100 km qui est la référence de Gérard Blondel, s'entend pour un tracteur équipé d'un déflecteur transportant un conteneur de 40'.standard qui n'est déjà pas un modèle d'aérodynamisme avec ses angles vifs et ses flancs nervurés. Pour le directeur de l'Agence, il s'agit du cas le plus favorable. « Avec un conteneur de 20' centré sur le châssis de 40' - c'est-à-dire distant de la cabine d'environ 3,70 m - la consommation augmente de 2 à 3 l. La plus mauvaise configuration est le conteneur plate-forme qui ne comporte que deux panneaux verticaux de 2,60 m de haut, l'un à l'avant l'autre à l'arrière. Avec une telle prise au vent, la surconsommation peut atteindre 5 l/100 km ». Même ordre de grandeur pour un train double ou pour un train B avec lesquels la barre des 40 l/100 km est franchie. Les consommations sont aussi « saisonnières » : les mois d'hiver sont plus gourmands de 2 à 2,3 l/100 km que les mois d'été. Le suivi des consommations est particulièrement précis chez Mertz. L'essentiel des ravitaillements est effectué dans les agences Mertz. Le conducteur et son camion sont identifiés par badge. Les prises extérieures se font chez AS 24 ou avec une carte de pétrolier. Les relevés des ravitaillements et les prises en agence sont collationnées par une seule personne à Pont-l'Evêque et communiquées au responsable d'agence. Parallèlement chaque conducteur doit remplir une « feuille de consommation » qu'il rend à son responsable chaque mois. Les intéressés peuvent ainsi suivre leur consommation au jour le jour et le chef d'agence dispose d'un moyen de recoupement de la compilation informatique centralisée. Les conducteurs sont largement dotés en cartes diverses pour ne pas avoir à débourser d'argent : en plus du badge pour le ravitaillement maison, cartes de péage pour l'autoroute et les ponts de Tancarville et Normandie et cartes de pétroliers pour la France et l'étranger.
Un moniteur officie pour les deux sociétés, qui forme sur route les nouveaux embauchés et fait passer la FCOS pour laquelle il est agréé.
La maintenance est partagée entre les ateliers intégrés des deux sociétés : Transports Mertz s'occupe de tous les tracteurs - 280 au total - et des 200 citernes sur son site de Pont-l'Evêque. Mertz Conteneurs entretient les semi-remorques châssis dans son atelier du Havre. Les tracteurs passent à la vidange tous les 40 000 km. Scania préconise 60 000 km mais, de toutes façons, les tracteurs doivent passer pour le graissage, notamment de la transmission. L'atelier a une activité importante en mécanique : changement des éléments de frein, des embrayages et des synchros de boîte (vers 1 million de km), réfection des moteurs vers 1 200 000 km - il est rare de toucher à un moteur avant 1 million de km. Aucune intervention à ce jour sur les freins à disques, ce qui ne surprend pas puisque les véhicules sont équipés de Retarder. Les semi-remorques doivent être particulièrement suivies parce qu'elles passent de tracteur en tracteur et effectuent environ 60 000 km par an. La méthode est simple : plan d'entretien préventif et révision totale avant le passage en visite technique.
Les 280 semi-remorques de Mertz sont exclusivement des châssis porte-conteneurs, de tous les types : classiques 40' et 2 x 20'' ; courtes à deux essieux pour les 20', qui peuvent être assemblées en train double à l'aide d'un avant-train (dolly) ; modèles pour 20' avec châssis coulissant vers l'arrière, découvrant une sellette pour y atteler une deuxième semi 20' et constituer un train B ; modèles extensibles ; modèles 40' polyvalents à châssis coulissant pour centrer un 20' ou un 30' et le faire glisser jusqu'à l'aplomb arrière pour le chargement ; châssis basculants pour le vrac ; surbaissés pour les 30' chimiques ; spéciales pour les chargements de dimensions exceptionnelles. Pour Gérard Blondel, les solutions trop sophistiquées dans les extensibles sont à éviter parce que les semi changent trop souvent de chauffeur. Les fournisseurs sont Fruehauf, Asca et Pierre Trouillet. Les trains B sont au nombre de 30 chez Mertz. Cette formule que la France est la seule en Europe à autoriser, risque d'être remise en question par la couronne d'inscription qui figure maintenant dans le Code de la Route.
Jusqu'alors les semi-remorques étaient toutes à suspension mécanique avec des freins à tambours. L'orientation pour les prochains achats va vers la suspension pneumatique qui permet d'ajuster plus facilement la hauteur du plancher du conteneur avec le quai de chargement, et bien entendu les freins à disques.