S.V. : Sur le VL, ils sont tiraillés entre les besoins clients – grand public, plutôt axés sur la connectivité et l’infotainment liés au conducteur – et le côté BtoB, qui ne ressent pas du tout les mêmes besoins. Ce sont plutôt les gestionnaires de parcs, qui souhaitent disposer d’informations en vue de réduire le coût d’utilisation de ces véhicules, et en optimiser l’usage. Dans ce cas, nous allons faire remonter des informations produites par le véhicule et l’ordinateur de bord.
S.V. : Nous répondons à des impératifs de sécurité. Le constructeur souhaite éviter qu’au travers de la télématique, des personnes mal intentionnées soient en mesure de prendre le contrôle des véhicules, ou de s’introduire dans les systèmes embarqués. Nous nous apercevons qu’il existe certains soucis de sécurité avérés, parce que l’informatique a évolué beaucoup plus vite que la connaissance des ingénieurs du secteur automobile, donc nous constatons que des générations passées de véhicules pourraient être facilement « hackables ». Or, nous avons une bonne maîtrise de cet aspect et sommes en mesure de maintenir l’inviolabilité des véhicules. C’est un point important qui explique notre succès vis-à-vis des constructeurs.
S.V. : Dans le PL, les constructeurs sont à un stade plus avancé. Il existe une véritable frontière technologique entre ces familles de produits. Souvent, il s’agit de solutions très coûteuses, notamment parce que les volumes sont moins importants que ce que l’on retrouve sur les voitures. De plus, les systèmes vont beaucoup plus loin dans l’intégration électronique, puisque historiquement les constructeurs de PL se sont entendus sur un standard commun, FMS (fleet management system), qui permet de partager des informations communes pour des opérateurs tiers qui ont besoin de récupérer des données. Ils ont, par ailleurs, déployé ces solutions télématiques pour leur propre usage : réaliser des études, récupérer des données pour faire de la maintenance préventive, analyser les comportements de conduite. Des acteurs comme Volvo, qui ont entre 500 et 600 000 véhicules connectés, sont importants. Ils gèrent une masse de données considérable, et disposent même d’une division qui récolte celles de certains concurrents, tels que Mercedes.
S.V. : Nous ne nous situons pas sur le marché de la première monte. À plus forte raison depuis cette prise de participation, puisque Valeo est un acteur de première monte pour lequel le PL représente un chiffre d’affaires non négligeable. Ces produits-là s’intègrent dans des processus de vente extrêmement longs. En général, ils couvrent une génération de véhicules au minimum. Valeo dispose déjà des compétences et des équipes techniques pour cela. Nous nous positionnons plutôt comme un acteur d’aftermarket (marché secondaire). Nous mettons en place des partenariats avec des constructeurs quand le véhicule a déjà été produit. Nos produits peuvent être installés en bout de chaîne, comme nous le faisons dans le VL avec PSA et Renault. Le constructeur garde la responsabilité de l’assemblage. Sur le PL, notre positionnement par rapport au constructeur est le suivant : s’il a des clients multimarques, aux tonnages hétérogènes, donc pas intéressés par de la première monte, qui ont plutôt besoin d’une solution flexible, ouverte et interopérable – dans la mesure du possible –, ils peuvent faire appel à nous. Typiquement, les très gros parcs préfèrent des solutions dédiées, avec des systèmes d’informations plus complexes, connectés aux clients. Nous proposons un boîtier qui agit comme une passerelle entre le boîtier télématique du constructeur et le client final. Nous récupérons les données via l’interface FMS, et nous les transférons vers notre portail, unique quelle que soit la marque.
S.V. : Nous sommes assez généralistes, donc nous avons affaire à beaucoup de profils de gestionnaires de parcs différents. Des groupes comme Veolia, Engie, etc. exploitent des PL dans leurs parcs mais ne ressentent absolument pas les mêmes besoins que des transporteurs qui font tourner leurs véhicules quasiment en permanence. Nous constatons que l’éco-conduite devient un thème concernant toutes les sociétés, quel que soit leur secteur d’activité. Nous sommes donc partenaires de Bemobi (anciennement Mobigreen), une filiale de La Poste. L’équipe a une véritable expertise sur le PL, grâce à l’ADN du groupe La Poste. Comme nous savons que les transporteurs accordent une attention particulière à leur consommation de carburant, nous nous sommes lancés avec eux dans un projet pour adapter un véritable algorithme d’éco-conduite dédié au PL. À l’heure actuelle, notre système est le même quel que soit le type de véhicule.
S.V. : Il est évident que lorsque les véhicules seront complètement autonomes, la formation à l’éco-conduite ne revêtira plus la même importance. Mais nous n’y sommes pas encore. Pour l’instant, le facteur reste primordial. Il y a moins de révolution au niveau technologie de motorisation que ce que l’on voit sur le véhicule léger. A priori, on reste sur du diesel, donc les bonnes pratiques de conduite ne changent pas. Sur le GNV, nous n’avons pas encore énormément de recul, et préférons attendre de l’expertise, notamment en provenance de Valeo.
S.V. : Encore une fois, le secteur PL est important pour Valeo (+ 10 % du CA). Ils travaillent avec tous les constructeurs. Il y a un véritable intérêt économique et industriel à y participer. Ils montraient sur le stand une application directe de la télématique. Nous sommes donc complètement impliqués. Il s’agit de solutions de carsharing (autopartage). Valeo croit beaucoup, pour demain, à la dématérialisation de l’accès au véhicule. La technologie – InBlue – existe déjà depuis quelques années, il s’agit de la version première monte. Nous proposons également la version aftermarket : Mov’InBlue. Celle-ci est complètement adossée à notre solution technologique. Il y a là encore une véritable complémentarité industrielle et technologique entre Valeo et nous. L’avantage et la raison d’être de notre boîtier, par rapport à un boîtier d’usine, c’est sa versatilité, et sa capacité à répondre à des besoins clients que le constructeur n’aura pas identifiés en amont, dans la conception du véhicule. Typiquement, le carsharing ne deviendra intégré en natif que dans une dizaine ou une quinzaine d’années. En aftermarket, la solution est d’ores et déjà prête pour les PL, nous avons d’ailleurs fait une démonstration sur le stand avec un véhicule Renault Trucks.
S.V. : En termes de bilan, il y a eu un intérêt de la part des clients constructeurs, mais il est tôt pour se prononcer. Il convient de procéder à des phases de test, de déploiement chez des clients pilotes, etc. À l’IAA, nous cherchons plutôt à faire connaître les technologies et percevoir l’intérêt des différents publics. Mais il est évident que certains secteurs d’activité se verront complètement chamboulés par cela, comme par exemple la location courte durée. Tous les véhicules des loueurs pourront demeurer dans la rue. Plus besoin de parking fermé, d’une personne pour vous amener les clés, etc. Cela représente des économies potentielles. Sur le plan de la cybersécurité, s’il existe toujours un risque (inhérent à la technologie), la solution est codéveloppée avec Capgemini, qui apporte une sérénité au sujet de l’informatique.
S.V. : Par le biais de notre système, nous faisons remonter les alertes moteur qui s’affichent sur le tableau de bord, afin de permettre au gestionnaire de parc de savoir quelle est la prochaine échéance de maintenance, telle qu’elle est calculée par l’ordinateur de bord. Il est difficile de pousser plus loin la prédiction des pannes puisque les constructeurs gardent jalousement certaines données. Ils ont la main sur le véhicule et savent même le réparer à distance. En cela, le PL jouit d’un train d’avance sur le VL, puisque les constructeurs ont intégré la télématique comme un outil de productivité. Certains lient des contrats de maintenance grâce à ces systèmes, en garantissant un temps d’immobilisation réduit du véhicule parce qu’ils savent mieux anticiper les pannes. Nous ne venons pas du monde du diagnostic et n’avons pas vocation à changer la donne. Nous cherchons à rendre l’information disponible.
S.V. : Essentiellement les temps d’utilisation (nous récupérons également les données du chronotachygraphe), donc le responsable de parc sait si ses chauffeurs restent dans la réglementation en cas de contrôle inopiné. Ensuite, les distances parcourues, les amplitudes horaires, et les coûts générés par les véhicules. Le gestionnaire dispose de tableaux de bord lui permettant d’évaluer le TCO (total cost of ownership ou « coût total de possession ») du véhicule, par rapport à ce qu’il génère comme dépense. Nous ne lui proposons pas en revanche de l’aider à mieux optimiser cette utilisation. Dans ce domaine, trop de paramètres entrent en compte, et cela constitue un autre métier. Notre intérêt principal est de disposer d’un système ouvert. Nous sommes interfacés ou interfaçables avec la plupart des systèmes en place dans les entreprises. Nous proposons un véritable Web-service. À titre d’exemple, un transporteur qui souhaite encapsuler un module Kuantic dans son TMS pour consulter les données entre dans notre savoir-faire. Ainsi, il consulte par exemple le kilométrage effectué sur une mission, non pas sur la mesure effectuée en amont, théorique, par le TMS, mais bien grâce à la donnée remontée par le boîtier. Il peut mesurer, depuis ses outils « métier », la rentabilité de sa mission. Cela évite de multiplier les plateformes, les accès, etc.
S.V. : Non, parce qu’en fait, l’essentiel du travail est à faire du côté des systèmes qui récupèrent l’info. Ce sont eux qui développent les lignes de code. Faire l’inverse n’aurait tout simplement pas été logique. Si nous devions développer à chaque fois des connecteurs avec X ou Y partenaires, avoir l’intégralité des outils dans l’intégralité des métiers nous serait impossible. Il y aurait toujours un client requérant du sur-mesure. Notre système n’est pas un système fermé pour lequel nous serions les seuls à disposer du savoir-faire pour l’ouvrir. N’importe quel éditeur de logiciel est capable, à condition que son outil fonctionne sur le même mode (en temps réel, avec des requêtes, etc.), d’aller intercaler des instructions afin de récupérer les informations dans notre documentation API (application programming interface). Il s’agit du même fonctionnement que pour intégrer une carte Google Maps à un programme. C’est le Web 2.0, qui paraît une évidence pour les entreprises issues d’Internet, mais pas encore nécessairement chez les éditeurs de logiciels métier. Les constructeurs également ont découvert le monde du SaaS (Software as a Service) sur le tard.
S.V. : Le client. Il ne souhaite pas être emprisonné dans des systèmes trop contraignants. Cela découle de l’impulsion d’acteurs comme Amazon, qui a commencé comme étant un donneur d’ordre de plus en plus important, puis en développant ses propres solutions de dispatching, puis en rachetant des acteurs de la logistique et du transport. Ces gens-là viennent du monde de l’informatique. Ce sont ces profils qui font bouger les choses. Parce que leurs technologies se diffusent auprès des transporteurs tiers, des sous-traitants, etc. Au fur et à mesure, il est nécessaire pour ces derniers de créer des interfaces entre les systèmes. C’est ainsi que nous devenons progressivement un standard chez certains constructeurs de VL et de PL. Le fait que nous appartenions maintenant à Valeo nous permet de faire passer des messages, des choix technologiques. Être au cœur d’un système automotive, auprès des constructeurs constitue notre valeur ajoutée. Nous les aidons à mettre en place des solutions ouvertes, évolutives, faisant avancer leur stratégie de connectivité en s’affranchissant des contraintes qu’ils peuvent rencontrer en interne.
S.V. : Bien sûr, l’outil ne cesse jamais d’être amélioré. À la demande des clients, des partenaires, des constructeurs, ou de la concurrence qui nous challenge. Dernièrement, dans l’approche connectivité, nous avons intégré une nouvelle technologie afin d’être beaucoup plus performants et précis sur les requêtes envoyées par les éditeurs tiers. Cela nous permet de sécuriser et d’encapsuler les données afin de garantir une étanchéité complète et d’optimiser les vitesses de traitement. Nous nous posons constamment ce type de question sur l’évolution des besoins, sur la pérennité de l’outil, etc.
S.V. : La télématique va devenir de plus en plus native au niveau des véhicules. Notre positionnement sera de rester un acteur important et fiable pour les constructeurs. À l’heure actuelle nous leur permettons de compléter leur offre par nos solutions hardware, c’est une compétence que l’on gardera. Il est difficile de prédire les besoins futurs, mais notre logique sera toujours d’apporter des fonctionnalités nouvelles : de l’interaction avec des outils tiers, de la connectivité avec différents types de réseaux. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur des cartes SIM, utilisant le réseau GSM, mais des alternatives existent. Chaque technologie évolue dans son propre environnement. À l’avenir, l’interconnexion entre réseaux sera forcément nécessaire. Le champ des possibles est extrêmement large.