Quel carburant fera avancer les camions dans 10 ans ? Et dans trente ans ? Le gouvernement a ouvert le 19 mars le débat sur la feuille de route énergétique de la France, appelée programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit définir la politique de notre pays jusqu’en 2028. La consultation publique, qui s’achèvera le 30 juin, devrait faire une belle part aux énergies alternatives pour atteindre les objectifs que la France s’est fixés dans le cadre des Accords de Paris. À cette occasion, la filière française de l’hydrogène – qui regroupe plusieurs acteurs de taille comme l’Air Liquide, Engie, Total, la SNCF, Faurecia et Michelin – a opportunément publié une étude prospective, destiné à mettre en avant le rôle de l’hydrogène décarboné. D’après cette étude, réalisée avec le concours de McKinsey, en 2050, l’hydrogène pourrait représenter 20 % de la demande d’énergie en France et alimenter 18 % du parc de véhicules. Cela permettrait de contribuer à réduire les émissions de CO2 de 55 millions de tonnes, soit près d’un tiers de la réduction nécessaire par rapport au scénario de référence.
Lorsqu’il est produit à partir d’énergie renouvelable (type biomasse, production solaire ou éolienne, soit 5 % des cas actuels), l’hydrogène présente un bilan écologique parmi les plus positifs, puisqu’un véhicule à hydrogène ne rejette que de l’eau, sans aucune émission de particule nocive ou de CO2. Grâce à sa pile à combustible embarquée, un véhicule hydrogène bénéficie d’une autonomie plus grande qu’un véhicule électrique classique (ses batteries sont moins grosses) et le temps de rechargement est équivalent à celui d’une solution gazole actuelle. Selon l’étude, la technologie des véhicules à hydrogène est particulièrement adaptée aux véhicules plus lourds, qui ont des temps d’immobilisation plus courts, et notamment les taxis, les véhicules utilitaires légers, les camions et les autobus. En 2050, un camion sur cinq et un bus sur quatre devrait fonctionner à l’hydrogène. L’horizon paraît lointain, car cette solution reste terriblement coûteuse. Ainsi, la ville de Pau, qui va faire rouler huit bus à hydrogène en 2019, en partenariat avec Engie et le constructeur Van Hool, n’aurait jamais pu se lancer dans cette aventure sans de larges subventions européennes et régionales, qui couvrent la moitié des coûts. « En considérant l’acquisition des véhicules et l’installation d’un réseau de ravitaillement, le choix d’une motorisation hydrogène est quatre fois plus cher qu’une solution classique », explique Lucie Kempf, responsable du service exploitation transports urbains de Pau, lors du salon HyVolution (journées de l’hydrogène énergie) qui s’est tenu à Paris début avril. Le choix de l’hydrogène s’avérait rentable au bout de 10 à 15 ans, acceptable pour des bus mais impossible pour des PL. Pour faire baisser les coûts des technologies hydrogène, il faudrait que la France investisse 8 Md€ d’ici 2028 dans les équipements, l’infrastructure, la mise à l’échelle des moyens de production et la R& D, souligne l’étude prospective. En attendant, cette technologie semble plutôt dévolue au transport public, ainsi qu’à des grosses flottes d’utilitaires d’agglomérations, comme les plans récemment lancés par la Région Auvergne Rhône-Alpes ou la Normandie.
Si certain constructeurs de bus et d’utilitaires, comme la Renault avec la Kangoo ZE H2, ont sauté le pas, les constructeurs de camions restent en retrait. Daimler, qui propose déjà des bus à pile à combustible sur son bus Citaro, ne prévoit pas camions H2 à son catalogue avant 2030-2035. En France, l’Ademe essaye d’impulser ce type de propulsion auprès des constructeurs à travers le projet Cathyopé, qui souhaite développer un moteur hybride électrique/hydrogène d’ici 2021 pour un camion de lourd tonnage avec une grande autonomie. Le groupe Casino est impliqué. Le nom du constructeur sera prochainement dévoilé. Il faut traverser l’Atlantique pour trouver des projets plus aboutis, comme celui de Toyota avec une expérimentation au port de Los Angeles, ou bien encore avec Nikola. Ce frère ennemi de Tesla annonce 8 000 pré-commandes pour ses énormes camions dotés de pile à combustibles, dont le lancement commercial est prévu pour 2021. Contactée, la société a confirmé qu’une version européenne était aussi prévue, sans annoncer de date.