L’arrivée en 2019 de la maintenance prédictive sur la boîte TraXon établit le lien entre l’activité traditionnelle de ZF et la télématique. Montée sur les DAF CF et XF, les Iveco Stralis et certains MAN TGX, cette boîte devient un objet connecté. Ainsi, les intervalles d’entretien seront précisément adaptés aux conditions réelles d’utilisation des véhicules tout en réduisant le risque d’immobilisation imprévue. Informations simples, mais cruciales, le niveau d’huile de transmission ou l’état du disque d’embrayage sont transmis au gestionnaire de flotte. En fait, ZF collecte les données de ses boîtes et les redistribue aux constructeurs des véhicules, qui les fournissent à leurs clients finaux et à leurs points de service.
Face à la multiplication des informatiques embarquées, fournies en première monte par les constructeurs ou commercialisées par des éditeurs informatiques, l’OpenMatics de ZF a pour objectif de réunir l’ensemble des fonctions et des applications embarquées. « Le marché de la télématique est fragmenté. Ses solutions spécifiques ne répondent pas à une norme technique commune, au détriment du propriétaire de flotte. Celui-ci est donc obligé de consentir de multiples investissements dans du matériel et du logiciel. À l’avenir, la plateforme Openmatics sera suffisante pour toutes les applications. Les utilisateurs ne paieront que les fonctions télématiques qu’ils utilisent réellement, ni plus ni moins », déclare Thomas Rösch, directeur de l’activité OpenMatics de ZF. Cette démarche est proche de celles de Fleetboard (Daimler) et de RIO (MAN). Tous ont la volonté de devenir « la » plateforme télématique embarquée unique où les services fournis par des parties tierces seront disponibles à travers des applications optionnelles à la manière des applis sur smartphone. Pour imposer OpenMatics, ZF doit offrir des avantages clients décisifs et exclusifs à travers les applications proposées, ou devenir l’équipementier en première monte pour la télématique sur une part importante du parc. Cette seconde option est peu envisageable actuellement puisque la plupart des constructeurs défendent leurs propres solutions télématiques. Il n’en reste pas moins que ZF prend position dans la compétition qui s’ouvre entre les candidats à l’intégration des données et des applis. Et à propos d’applis, ZF a la sienne. Appelée Order +, elle occupe une fonction nodale en s’interfaçant avec les TMS ou avec d’autres applis afin d’optimiser le transport en temps réel.
Tenant son rôle d’équipementier, ZF fournit aux constructeurs de quoi convertir leurs véhicules thermiques en véhicules électriques. Pour obtenir un camion électrique, il « suffit » de retirer son moteur thermique, sa boîte de vitesses et son réservoir pour les remplacer par un moteur ZF CeTrax et un pack de batteries. En effet, ZF fournit tout ce qui est nécessaire pour « électrifier » un véhicule, à l’exception des batteries ou des prolongateurs d’autonomie. Dans sa version destinée aux véhicules lourds, le moteur CeTrax pèse 285 kg avec son onduleur et son module de commande. En utilisation continue, il développe 200 kW (272 ch) et 2 170 Nm, mais il peut donner un coup de collier ponctuel jusqu’à 300 kW (408 ch) et 4 400 Nm. De telles performances correspondent aux besoins des tracteurs utilisés en distribution avec un PTRA de 44 t. Développant son offre plug-and-drive, ZF a récemment élargi la gamme CeTrax en y ajoutant le CeTrax Lite pour les camions légers jusqu’à 7,5 t, et le CeTrax Mid pour les véhicules jusqu’à 19 t. Avec eux, le moteur électrique, l’électronique de puissance et la boîte de vitesses forment une unité compacte dans un carter commun. Le constructeur qui les intègre n’a pas à relier électriquement l’électronique de puissance au moteur électrique puisque cette connexion est déjà établie à l’intérieur de l’unité « tout-en-un ». Pesant 120 kg, le CeTrax Lite s’appuie sur un moteur asynchrone développant 150 kW (204 ch) et 380 Nm. Il est associé à un étage de démultiplication. Quant au CeTrax Mid, il réunit deux moteurs semblables à ceux du CeTrax Lite afin d’obtenir jusqu’à 300 kW (408 ch) et 760 Nm. On trouve sur le CeTrax Mid une boîte de vitesses à deux rapports afin d’optimiser l’efficacité énergétique. Les démultiplications associées aux CeTrax Lite et Mid sont compatibles avec les ponts habituellement utilisés dans les chaînes cinématiques thermiques. En complément de ses motorisations CeTrax dites « centrales », ZF réalise également le pont moteur électrique AVE130 équipé d’un moteur par côté afin de libérer l’espace habituellement occupé par le pont et sa coquille. Cette solution est intéressante quand un plancher bas est requis. Jusqu’à présent, les constructeurs européens étaient également les motoristes de la plupart de leurs véhicules. La demande nouvelle, mais limitée, de véhicules électriques est peu favorable au développement de chaînes cinématiques électriques par ces constructeurs. En effet, ces derniers doivent encore amortir la R&D de leurs gammes Euro VI. Cette situation est favorable aux équipementiers vis-à-vis desquels la dépendance des constructeurs va s’accroître.
La situation de l’hybridation diesel-électrique est comparable. Son retour est annoncé pour 2019. La première éclosion de véhicules avec motorisation hybride fut contemporaine de la génération Euro V (2009) et n’a conduit qu’au placement d’une poignée de prototypes de toutes les marques chez quelques clients pilotes. À l’exception du Fuso Canter EcoHybrid (7,5 t), les camions hybrides ne sont pas devenus une réalité commerciale. Cette situation pourrait évoluer l’année prochaine avec le retour de l’hybridation. Il y a dix ans, celle-ci concernait les moyens tonnages de distribution. Demain, elle reviendra sur des véhicules lourds comme le Stralis (ou son remplaçant qui apparaîtra en 2019) et le DAF XF. Fourni par ZF et complétant la boîte TraXon, le module hybride doit permettre une autonomie significative en mode électrique afin d’assurer la desserte des zones à faible émission. Il est par ailleurs mis à profit lors des évolutions en mode autonome, sans conducteur, dans les enceintes privées.
L’électrification, même temporaire, de l’entraînement de la chaîne cinématique suscite l’électrification des périphériques du moteur. Rappelons que les assistances hydrauliques de direction participent de façon non négligeable à la consommation d’énergie des véhicules. C’est pourquoi sur les 6x2, les nouveaux systèmes utilisent une pompe électrique proche de l’essieu dirigé hydrauliquement. Ils évitent ainsi les pertes dans les longues tuyauteries tout en ne mettant le circuit sous pression qu’en cas de besoin.
ZF va désormais au-delà de ces assistances électrohydrauliques en proposant une direction purement électrique, sans hydraulique. Appelée ReAX EPS (Electric Powered Steering), celle-ci comprend un moteur électrique (70 Nm) qui fournit toute la force d’assistance. Plus simple, plus légère et consommant moins d’énergie que les directions classiques, ReAX EPS se destine naturellement à une utilisation sur les véhicules électriques ou hybrides. Elle s’intègre aux aides à la conduite (maintien dans la file, évitement d’obstacle) ainsi qu’aux systèmes de conduite autonome. ReAX EPS fonctionne sous une tension de 48 V et ne nécessite ni qualifications spéciales ni périmètre de sécurité pour sa maintenance. Affranchir totalement la direction de l’hydraulique est nouveau sur les poids lourds.
Chez ZF, la conduite autonome n’est que l’un des aspects d’une approche plus globale qui vise l’automatisation de la logistique, et prioritairement celle de l’intralogistique. L’équipementier dispose déjà de deux camions démonstrateurs. L’un est un porteur DAF XF avec motorisation hybride rechargeable ZF TraXon Hybrid. Appelé « Innovation Truck », il déplace automatiquement des caisses déposables sur béquilles dans un dépôt. L’autre est un tracteur de manutention Terberg. Désigné Terminal Yard Tractor, il est capable de s’atteler à des semi-remorques, de les déplacer et de s’en dételer sans intervention humaine. Ces véhicules appliquent les consignes envoyées par le système de coordination également conçu par ZF. « Grâce à des véhicules autonomes qui peuvent voir, penser et agir au moyen de nos technologies, l’idée de la logistique intelligente dans les dépôts devient réalité. Ce genre de véhicules évite les dommages dus aux manœuvres. Ils donnent aux entreprises de logistique un fort avantage concurrentiel et s’amortissent rapidement », déclare Fredrik Staedtler, directeur de la division systèmes pour véhicules industriels de ZF. Il est vrai que les manœuvres et manutentions sur les bases logistiques sont consommatrices de ressources humaines. Avec l’Innovation Truck, le chauffeur peut laisser son camion se décharger, puis se charger seul pendant qu’il prend sa pause. La conduite précise du camion pendant son insertion en marche arrière sous une caisse mobile est l’une des fonctions de l’ordinateur ZF ProAI qui contrôle à la fois la motorisation hybride et la direction électrique ReAX. Révélé en 2017, le ProAI est une « control box » modulaire destinée à l’automatisation partielle ou intégrale de la conduite. Son développement a été réalisé avec Nvidia. Afin de limiter le coût de l’automatisation, l’Innovation Truck utilise des caméras complétées par un GPS. Alors que l’Innovation Truck est destiné à la conduite humaine sur la route et à la conduite automatique hors voie publique, le Terminal Yard Tractor reste dans l’enceinte de la base logistique. Il y prend en charge les semi-remorques pour les mettre à quai, les placer sous un portique porte-conteneurs, les garer ou les mettre à la disposition des tracteurs routiers. L’accostage est ajusté par des caméras situées sur les quais. Elles transmettent leurs images à un ordinateur. Grâce à une liaison LTE ou WiFi, celui-ci échange avec le Terminal Yard Tractor au moyen de la télématique ZF Openmatics, puis cette dernière transmet à l’ordinateur embarqué ProAI qui contrôle le moteur, la direction et les freins du tracteur. Évidemment, le système de routage intelligent et dynamique adapte en permanence les itinéraires des véhicules qu’il contrôle lorsque plusieurs engins sont présents sur un site. ZF dispose donc de l’intégralité des solutions pour automatiser les manœuvres sur site propre.
Complétant la télématique Openmatics et faisant appel au cloud computing de Microsoft Azure, la solution « deTAGtive » est déjà exploitée par Dachser. Ce logisticien l’utilise pour connaître en temps réel l’emplacement exact des conteneurs, depuis leur entrée sur le site jusqu’à leur destination. Plus globalement, le dispositif donne en permanence une vision d’ensemble de l’activité et facilite son pilotage. Il emploie des balises Bluetooth à faible consommation BLE (Bluetooth Low Energy) placées à la fois sur les véhicules et sur les contenants. Pour l’intralogistique industrielle et avec une approche en juste-à-temps, deTAGtive a fait l’objet d’une déclinaison avec bouton d’appel afin d’ordonner l’approvisionnement d’un poste de travail. En tant qu’industriel, ZF expérimente ses innovations au sein de ses propres usines afin d’y améliorer à la fois la logistique de livraison et les flux de pièces en production. L’enjeu est important car 70 % des mouvements de marchandises qui ont lieu pendant le processus de production, avant que la matière soit transformée et valorisée, consistent en des opérations de manutention. Une organisation optimale de la livraison et de l’approvisionnement des postes de travail se traduit par des gains substantiels d’efficacité et de productivité. Même hors contexte de production, l’optimisation de la manutention est un facteur d’économie. En complément de ses camions qui évoluent automatiquement dans les enceintes privées, ZF a également automatisé un chariot élévateur, l’Innovation Forklift.
Actuellement, tous les grands fabricants de chariots élévateurs travaillent à des produits comparables, l’automatisation de l’intralogistique étant une tendance lourde. En collaboration avec des experts en logistique, l’équipe de l’usine modèle de ZF travaille sur la numérisation des documents de transport, le raccourcissement des temps d’attente et l’exploitation optimale de tous les temps d’arrêt. En tant que destinataire de la marchandise, ZF est informé en permanence de l’emplacement du camion grâce à un système de suivi. Il est ainsi possible d’annoncer son heure d’arrivée à la minute près et de connaître le temps de pause que doit respecter son chauffeur après la livraison. Dès que le camion s’approche de l’usine, les manutentions nécessaires sont requises et assignées aux chariots élévateurs à proximité du lieu de déchargement, d’où une réduction des temps d’attente et de manutention.
Globalement, le système coordonne les temps de manutention et les temps de pause du chauffeur. À l’avenir, ZF envisage de faire dételer les semi-remorques à l’entrée de ses sites où elles seront prises en charge par des tracteurs à conduite autonome (Terminal Yard Tractor équipé par ZF). Les secousses ou d’autres événements subis par les marchandises sont connus grâce à des balises BLE (deTAGtive). Toutes les informations liées au transport ainsi que ses documents d’accompagnement dématérialisés sont immédiatement transmis au système de gestion. La fédération allemande des paquets et de la logistique (Bundesverbandes Paket und Express Logistik) estime que 3,3 milliards de paquets ont été livrés en Allemagne en 2017 et que les prestataires de livraison ne disposent que de deux à trois minutes pour chaque livraison en incluant le trajet, le stationnement du véhicule et la distribution proprement dite. Afin d’optimiser ces opérations, ZF a développé une camionnette autonome à propulsion électrique, l’Innovation Van. Avec son automatisation de niveau 4, cette camionnette manœuvre seule en milieu urbain et reste sur sa voie même sur les chaussées sans marquage au sol. Elle analyse les feux ainsi que les panneaux de signalisation, réagit aux situations dangereuses et contourne les obstacles tels que les véhicules garés en double file. Sa commande à distance par tablette permet aux livreurs de demander au véhicule de les suivre tandis qu’ils desservent à pied deux points de livraison proches l’un de l’autre. S’il n’y a pas de place de stationnement libre devant une adresse, le livreur peut envoyer le véhicule vers son prochain point de desserte où il cherchera seul une place pour s’y garer. C’est naturellement l’ordinateur ProAI qui est au cœur de l’Innovation Van. Celui-ci se repère dans l’environnement urbain en associant caméras, radars et lidars. Pour sa part, le destinataire d’un colis est en mesure, au moyen d’une appli, de déterminer son heure de livraison et de suivre son acheminement.
Selon ZF, la cabine d’un camion est destinée à devenir un bureau mobile avec le développement de la délégation de conduite. ZF a d’ailleurs développé avec Faurecia le Trendsetting Cockpit, qui est dépourvu de volant et de pédales. Pour le confort, ZF a conçu une suspension de cabine active cCAB qui compense à la fois le tangage, le roulis, ainsi que les mouvements ascendants et descendants de la cabine. Les suspensions de cabine traditionnelles sont des systèmes passifs qui réagissent à des facteurs extérieurs comme les irrégularités du sol. Ces dispositifs se contentent d’amortir les mouvements. De manière innovante, la suspension active à régulation électronique cCAB est capable de déplacer activement la cabine et de contrebalancer de manière préventive les mouvements inconfortables. Le système cCAB se présente comme une évolution des CDC (Continuous Damping Control) et CALM (Cabin Air Leveling Module) complétés par un actionneur électrohydraulique. Installé aux quatre points de suspension de la cabine, le cCAB est en mesure de faire pivoter la cabine autour de son axe longitudinal ou de son axe transversal, ou encore de la déplacer dans l’axe vertical tout en assurant son amortissement. Le but est d’apporter un niveau de confort compatible avec un travail de bureau à bord de la cabine. ZF propose également la suspension de cabine pneumatique eCALM dont la régulation électronique limite sensiblement la consommation d’air comprimé.
L’électrification et la numérisation du transport sont des opportunités historiques pour les grands équipementiers comme ZF ou Bosch. ZF est crédible hors de ses domaines traditionnels (transmission, direction, etc.) car il propose toutes les briques techniques de la logistique automatisée et les expérimente dans son usine. Quant à l’Innovation Van, il risque pour l’heure de se heurter à la capacité d’investissement des sous-traitants des groupes de messagerie. Pour la plupart, les nouveautés de ZF ne seront pas commercialisées directement par cette entreprise dont les créations sont intégrées par les constructeurs. Ils leur affectent des noms commerciaux chargés d’occulter l’origine des équipements. En arrière-plan, ce sont les équipementiers qui sont gagnants.
Le site Internet de la société Espace Poids Lourds est : camion-occasion.com Nous tenons à nous excuser auprès de la direction d’Espace Poids Lourds pour les désagréments occasionnés par notre erreur.