Les Transports Loisel, c’est tout d’abord l’histoire d’un héritage familial commencée en 1973. À cette époque, Amand Loisel sillonnait les routes à bord de son camion Magirus. Son activité est alors essentiellement régionale en transport de matériaux de construction. Quatre ans plus tard, en 1977, il recrute son premier conducteur (il travaille toujours dans la structure) pour s’installer au volant du premier ensemble plateau-grue. L’entreprise se déplace alors à Dompierre-du-Chemin, en Ille-et-Vilaine, où elle est toujours implantée. Le passage en SARL intervient en 1992. Puis c’est en 2010 que Amand Loisel lègue l’affaire familiale à ses deux fils, Xavier et Bertrand, pour se consacrer à l’ouverture d’une nouvelle agence à Cahors, avant de partir trois ans plus tard à la retraite.
Bertrand Loisel a mis un pied dans l’entreprise en 1998, d’abord au service administratif. « À l’époque, j’avais d’autres ambitions : faire du commerce international », confie-t-il, n’hésitant toutefois pas à capitaliser sur les atouts de la PME. Son frère Xavier arrive, lui, en 2000, en tant qu’exploitant. « Je m’occupe de la gestion de l’entreprise, lui de l’exploitation. Notre complémentarité est forte », indique Bertrand, qui est par ailleurs membre fondateur et président du groupement France Plateaux créé en 2006, qui réunit aujourd’hui près de 60 entreprises. Sur l’impulsion de ce duo, l’entreprise va peu à peu se spécialiser, voire s’ultraspécialiser. « Au fur et à mesure, nous nous sommes adaptés pour transporter plug long, plus large, plus lourd, plus haut et, ainsi, nous adapter aux besoins des clients. Nous transportons des foreuses jusqu’à 75 tonnes, des poteaux jusqu’à 30 mètres de long, des matériels roulants (nacelles élévatrices…), des groupes électrogènes, des bungalows pour des acteurs du BTP (150 à 250 clients par an). Du plateau jusqu’au transport très exceptionnel… À l’échelle régionale, nous sommes la seule entreprise à avoir agrégé un tel savoir-faire. » Une expertise tournée vers le transport à la demande, et ce, partout en France.
Du matériel pour des charges lourdes et volumineuses
Du côté des engins, c’est du lourd, voire du très lourd. Trente tracteurs et porteurs composent la flotte, majoritairement des véhicules 4x2 et de plus en plus de 6x4 pour porter toujours plus de charges. « Six de nos véhicules sont dimensionnés pour porter jusqu’à 120 tonnes de PTR. » À cela s’ajoutent une vingtaine de plateaux, dix extensibles jusqu’à une longueur de 30 mètres, sept remorques surbaissées de 13 à 30 mètres de long, des porte-grues avec plateforme extra-surbaissée à quelques centimètres du sol, trois porte-engins lourds disponibles avec cinq et six essieux… Des matériels dont le prix peut grimper à 350 000 euros l’unité. Son activité se caractérise par une vraie fidélité à la marque Volvo. En moyenne, l’entreprise injecte 1,2 million d’euros par an dans sa flotte. « La moyenne d’âge des véhicules est de trois ans afin d’avoir du matériel récent et fiable », souligne Bertrand Loisel, qui prévoit d’investir dans trois tracteurs, un porteur grue et un 6x4 dans le courant de cette année. Des engins qui nécessitent des chauffeurs expérimentés. « Chez nous, les 30 conducteurs, dont la moyenne d’âge est de 44 ans, partent à la semaine. Le transport à la demande nécessite une adaptation quotidienne. Ce métier attire moins. Il nous est difficile de capter les plus jeunes », précise le patron, qui constate un volume moins important de candidatures envoyées.
« Pas de solutions pérennes » pour la transition écologique
Pour l’heure, l’entreprise, qui a été labellisée Eco CO2 en décembre dernier, n’a pas encore de trajectoire clairement définie en matière de décarbonation. Un audit énergétique a déjà été réalisé afin d’obtenir un état des lieux de la consommation. « Les résultats ont montré une disparité très forte. Pour l’activité plateau, nos consommations sont inférieures aux 30 litres/100 km. Mais, en pleine charge, nous atteignons des consommations incroyables. Il nous faut donc maîtriser cette disparité. » Pour Bertrand Loisel, il s’agit d’une vraie préoccupation alors que son activité l’oblige à circuler en centre-ville. Les ZFE vont donc faire de plus en plus partie du quotidien de l’entreprise et donc « bientôt devenir un problème », d’après le transporteur, qui espère profiter des dérogations spécifiques accordées aux convois exceptionnels.
Pour lui, aborder la question de la transition énergétique n’est pas chose aisée. « Le sujet s’impose à nous mais, chez les Transports Loisel, aucun plan de transport n’est prévu à plus de 48 heures. Il n’y a donc aucune récurrence. C’est une vraie difficulté pour trouver des points de recharge. Les véhicules électriques sont donc inadaptés à la typologie de notre type de transport et au PTRA extrêmement élevé. » Une piste pourrait être le B100, mais « cette solution n’est pas non plus adaptée à toutes nos activités ».
Agir sur les kilomètres à vide ? Là aussi difficilement compatible avec son cœur de métier. « Nous allons à vide charger des matériels spéciaux, nous les emmenons à destination, puis nous ramenons la remorque. Il n’y a pas de solutions pour réduire ces kilométrages. En raison de notre hyperspécialisation, nous ne pouvons pas mutualiser nos moyens avec d’autres transporteurs ou proposer cette remorque sur une bourse de fret. »
Côté business, l’activité se maintient. « Sur les deux dernières années, le chiffre d’affaires est à l’équilibre, à six millions d’euros. 2023 a été une bonne année en volumes mais plus difficile en matière de rentabilité face à l’explosion des coûts de production, supérieurs à 6,5 %. Nous prenons de plein fouet beaucoup d’augmentations et sommes pris en étau, notre capacité à augmenter nos tarifs étant limitée. Car si nos clients ont compris que nous avions besoin de revaloriser nos prix à la hausse en 2022 (+6 %), aujourd’hui les discussions s’annoncent plus compliquées avec la baisse des volumes dans la construction. » D’après Bertrand Loisel, la situation ne devrait donc guère s’améliorer en 2024. « Le début de l’année va être difficile, je n’en ai aucun doute ! Notre force est d’avoir plusieurs cordes à notre arc. Ce qui va nous permettre de maintenir le chiffre d’affaires sans toutefois envisager de croissance », conclut-il.
Siège social : Dompierre-du-Chemin (35)
Chiffre d’affaires 2022 : 6 M€
Effectif : 30 conducteurs
Parc : 30 tracteurs et porteurs
Activités : transports conventionnels, avec grue, convois exceptionnels, super lourd