Au bout de la rue Louise-de-Bettignies, dans cette zone d’activités encore en plein développement, les locaux sont flambant neuf. Avec 500 m2 de bâtiments, dont 250 m2 pour l’atelier intégré, sur un total de 12 500 m2, la famille Joigneaux s’y sent enfin heureuse… Enfin presque, plaisante le père, Michel, président du conseil de surveillance : « Désormais, je dois prendre ma voiture pour aller au travail ! » Ce déménagement est un changement important pour les Transports Joigneaux. Depuis six décennies, ils évoluaient dans leurs locaux historiques de la rue Gustave-Delory, à Hérin, dans l’agglomération valenciennoise. Une implantation en cœur de ville, avec les contraintes qui se multipliaient au fil des années : espace réduit, gêne des riverains, questions de sécurité, etc. « Ce nouveau site nous permet de disposer de toute la flotte, de l’atelier et des bureaux au même endroit, explique Benjamin Joigneaux, l’un des deux fils, président de la société. Le siège historique sert désormais d’entreposage d’appoint. Mais nous ne nous lançons pas dans la logistique, c’est juste pour les clients qui ont un besoin. Nous ne sommes pas logisticiens. » Ce déménagement a aussi valeur de symbole : « Ces nouveaux locaux permettent de montrer que l’on investit sans subir l’environnement. Cet investissement de 1,2 M€, en bon père de famille, doit nous servir à passer un cap. Tout en restant à Hérin, ce qui était notre volonté première ! »
Car Joigneaux, c’est bel et bien une histoire hérinoise… et familiale. L’aventure a débuté il y a 61 ans, en 1956, avec Robert, le grand-père. À bord de son camion plateau porte-fer, le jeune homme d’alors travaille avec le riche tissu d’entreprises valenciennoises : Usinor, la Franco-Belge, etc.. Pendant qu’il roule, son épouse, Josiane, s’occupe de l’administratif. Peu à peu, la société se développe : un, deux, trois chauffeurs, jusqu’à ce que son fils, Michel, le rejoigne dans l’aventure au milieu des années 70. Lui aussi sera d’abord conducteur avant de reprendre officiellement les rênes de l’entreprise à la fin des années 80. En 2005-2006, c’est au tour de Maxime et Benjamin, ses deux fils, d’entrer dans la danse. « Les trois générations ont même travaillé ensemble pendant quelque temps, puisque ma grand-mère a facturé jusqu’à la fin de sa vie, sourit Benjamin Joigneaux. Ce partage d’expériences, entre générations, était une bonne chose, la collaboration était intéressante. » Évidemment, l’entrée des deux frères dans l’entreprise, où travaille aussi la mère, Martine, a fait évoluer la structure des Transports Joigneaux : « Auparavant, notre père était seul à bord, il devait tout faire. Aujourd’hui, Maxime, directeur général, pilote la partie exploitation et technique, alors que je chapeaute les ressources humaines, le commercial et le juridique. Du coup, cela libère du temps pour développer l’entreprise. » Les chiffres sont évocateurs : en dix ans, les effectifs des Transports Joigneaux ont gagné une dizaine de salariés. « La nouvelle organisation nous a permis de développer la clientèle tout en renforçant nos positions chez les historiques. »
En six décennies, le cœur de métier des Transports Joigneaux n’a pas changé : les transports industriels, essentiellement sur plateau, et des convois exceptionnels de première et deuxième catégorie. « Nous proposons aussi du bâché avec les porte-bobines acier et du porte-conteneurs, mais c’est loin de constituer l’essentiel de notre activité ». L’entreprise fonctionne avec ses clients historiques dans les domaines de l’industrie de l’acier et du ferroviaire, de la marchandise générale industrielle ou du bâtiment. Positionnée sur le Valenciennois et le grand régional, elle rayonne, dans le Nord, jusqu’aux Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne, mais elle franchit aussi souvent la Loire vers le sud de la France. Depuis 2013, l’entreprise est membre du groupement France Plateaux.
Comment traverse-t-on soixante ans d’existence sans accrocs majeurs ? Pour Benjamin Joigneaux, la flexibilité et la disponibilité des équipes sont essentielles. Elles permettent de résister à la concurrence des transporteurs de l’Est. « Nous observons le retour de certains clients. Ils ont connu de mauvaises expériences avec des transporteurs étrangers et sont désormais disposés à privilégier une certaine tranquillité d’esprit par rapport à des compétences techniques et commerciales. Notre longue expérience du plateau, nos conseils techniques et notre accompagnement du client font la différence. » La longévité constitue également l’une des clés du succès : « Notre ancienneté nous permet d’analyser calmement les choses. Par exemple, le mois de janvier n’a pas été flamboyant. Mais nous sommes habitués aux creux d’activité. Il faut savoir les reconsidérer par rapport à l’histoire de l’entreprise. C’est-à-dire faire le nécessaire si besoin, mais surtout ne pas tout remettre en question du jour au lendemain. Nous nous servons beaucoup du passé pour appréhender l’avenir. »
Les Transports Joigneaux sont également engagés dans la profession. Benjamin Joigneaux a présidé le club des jeunes transporteurs du Nord, il siège au bureau de la FNTR. Un militantisme assumé avec lequel il apporte un regard parfois différent. Le trentenaire a suivi des études dans le domaine de la politique européenne, où il s’est notamment intéressé au lobbying. « Ça peut me servir pour des dossiers ! » Ce côté militant, on le retrouve aussi dans sa manière d’aborder l’intégration de l’entreprise dans le groupement France Plateaux : « Rejoindre ce groupement d’inspiration familiale correspondait à une vraie volonté. Ce n’était pas uniquement pour l’optimisation de flux. Nous souhaitons mutualiser les expériences pour mieux évoluer dans notre secteur d’activité. Ce sont des échanges bénéfiques ».
Quels sont précisément les axes de développement des Transports Joigneaux ? La flotte en plateaux va être renforcée, avec « des subtilités », lâche, un brin évasif, Benjamin Joigneaux. Comprenez que l’entreprise va se diversifier dans ce domaine historique. Autre objectif : après avoir réduit les émissions de 5 % avec la charte CO2, l’entreprise veut décrocher le label CO2 pour valoriser cette action. L’entreprise envisage-t-elle l’acquisition de véhicules au gaz ? « Nous suivons le dossier, mais l’absence d’approvisionnement dans le Valenciennois, ainsi que l’autonomie des camions, posent aujourd’hui problème. De plus, dans notre secteur d’activité, nos clients paraissent moins sensibles aux camions à gaz que ne peuvent l’être les acteurs de la grande distribution par exemple. » Troisième projet, et non des moindres, la numérisation et la digitalisation de tous les documents de la société. « Cela permettra de libérer du temps administratif pour continuer à travailler sur l’avenir ». À 60 ans, les Transports Joigneaux continuent de regarder devant.
• Siège social : Hérin (59)
• CA 2016 : 2,6 M€
• Effectif : 27 salariés dont 21 conducteurs
• Parc : 20 moteurs
Activité : plateau