Sur le chemin de la pérennité

Pour Christophe Jégou, le transport, c’est de l’opportunisme. Partant de ce principe, il a accompagné la croissance de son entreprise depuis 1991. Un développement marqué récemment par une diversification d’activités « pour répondre à la demande », dit-il. En effet, l’entreprise située à Brécé (Ille-et–Vilaine) a lancé une activité de stockage et logistique avec la prise en location, en novembre 2017, d’un entrepôt de 5 000 m² au sud de Rennes pour gérer les flux des box SFR, en sus des 1 100 m² du site de Compiègne (Oise) et des 1 200 m² au siège, où 5 000 palettes sont stockées en tout. Par ailleurs, un projet d’implantation à Agen est actuellement en cours de réflexion. Le dirigeant entend prendre position dans le transport frigorifique avec quatre ensembles au départ de la Bretagne en direction de la région parisienne et du Nord. Un choix stratégique lorsque l’on sait que l’agroalimentaire demeure un secteur florissant dans la région. Cette activité, il entend la développer « gentiment ». Car, désormais, Christophe Jégou est fidèle à un mot d’ordre : « une croissance contrôlée et maîtrisée ».

L’histoire des Transports Jégou a, en effet, connu des rebondissements qui ont quelque peu fait évoluer la vision du dirigeant, arrivé par hasard dans ce métier qui le passionne. C’est donc après dix années passées au sein de l’agence bordelaise des Transports Barré (44) que Christophe Jégou décide, en 1991, de créer sa propre entreprise suite au rachat des Transports Duval à Saint-Grégoire (35) avant de transférer les locaux à Brécé sur un site plus vaste de 10 000 m², adapté à une activité de stockage/logistique. L’année 2001 marque une première croissance externe avec l’acquisition des Transports Schouteten (5 personnes, 4 véhicules) et la création d’une agence à Compiègne. Les Transports Jégou gagnent du terrain et franchissent en 2008 le seuil de 50 salariés. Deux ans plus tard, le transporteur fait l’acquisition de Garonne Service 47 (20 personnes), alors en difficulté, près d’Agen pour avoir un point relais sur le Sud-Ouest. « Nous n’avons pas réussi à redresser cette société. Elle a même failli nous emmener dans le trou », se souvient-il. Car, en 2012, l’entreprise bretonne est placée sous le contrôle du tribunal de commerce de Rennes dans le cadre d’un plan de redressement judiciaire. L’effectif passe de 80 à 50 salariés. L’agence d’Agen est fermée tout en conservant l’outil de production. L’ensemble de l’activité administrative est recentré en Bretagne. « Un mauvais moment à passer » pour le transporteur. « Depuis 1991, j’avais pour principe de monter les marches une par une. Mais en 2010 et 2011, nous les avons montées quatre par quatre et nous avons trébuché », reconnaît Christophe Jégou. Son fils, Nicolas, arrive alors en renfort pour passer cette période délicate. Un an aura suffi à redresser la barre. Depuis 2018, l’entreprise bretonne arbore un nouveau logo et abrite des espaces modernisés, signe d’un nouveau départ, qui aura nécessité un investissement de 120 000 euros.

Aujourd’hui, les Transports Jégou, qui revendiquent un portefeuille d’une cinquantaine de clients réguliers, ont renoué avec la croissance et entendent conforter leur positionnement sur l’activité double plancher hydraulique qui fait écho au nouveau slogan « Le niveau au-dessus ». L’entreprise va notamment assurer le transport des bicyclettes en libre-service de la ville de Paris dans le cadre d’un contrat de 20 000 vélos entre septembre et décembre 2020. Environ 160 camions partiront du site de Cycleurop Industries, à Romilly-sur-Seine (10), pour deux dépôts parisiens. « Le concept de double plancher hydraulique va permettre de charger 125 vélos au lieu de 62 ! Cela représente 160 camions en moins sur les routes ! »

C’est en 1990 que Christophe Jégou a l’idée de cette innovation alors qu’il observe des problèmes de chargement et de coefficient de remplissage dans les camions. Il va, dès lors, travailler sur l’aménagement intérieur des véhicules en s’inspirant du concept de plancher artisanal imaginé à l’époque par Marcel Duval. Ainsi est née, deux ans plus tard, la semi-remorque double plancher hydraulique permettant de charger 66 palettes 80x120 au sol sur deux niveaux. La marque IMPERIALE@, en référence aux bus rouges à deux étages qui sillonnent les rues londoniennes, est déposée en 1995. « Ce système novateur, et quasi exclusif, fabriqué par un carrossier dans la Sarthe permet de doubler la capacité de chargement avec la répartition suivante : 10 tonnes en haut et 17 tonnes en bas. » Grâce à cette invention « simple d’utilisation », les Transports Jégou se sont vu attribuer l’Étoile du transport dans la catégorie « innovation technologique » en 1998 et ont reçu l’agrément CRAM pour l’amélioration de la pénibilité au travail en 2007.

À ce jour, 47 remorques sont équipées d’un double plancher. Lesquelles valent quatre fois le prix d’une remorque standard, sans précision sur le coût. « À chaque fois qu’il y a une demande en double étage, nous répondons présent quelle que soit l’activité. » L’occasion de se positionner à nouveau à l’export, dans les pays limitrophes.

Quand arrive le moment de parler de la transmission, Christophe Jégou soupire. « En 2021, l’entreprise aura 30 ans et moi 61 ans. » La passation avait été préparée sous cinq à six ans. Finalement Nicolas, son fils, prédestiné à reprendre le flambeau, a préféré se consacrer à sa propre passion : la compétition automobile. Reprendre la suite, ce n’est pas non plus l’ambition de ses deux autres enfants, dont Marie-Julie, 24 ans, chargée depuis le début de l’année de la communication et de la facturation au sein de l’entreprise. Les Transports Jégou sont donc voués à être cédés sous deux à trois ans. D’ici là, le patron veut continuer à pérenniser l’entreprise et table sur 8 à 9 M€ de chiffre d’affaires, contre 6,2 M€ en 2018 (dont 70 % dans le transport de produits agroalimentaires). Et pas question de plafonner à 50 salariés. Il est prévu d’augmenter les effectifs entre 70 et 80 personnes, en recrutant des conducteurs. Reste à trouver les candidats. L’entreprise bretonne ne va pas hésiter à chercher de potentielles recrues au sein du centre de formation d’apprentis Promotrans.

Et pas question non plus de mettre un coup de frein sur les investissements. Huit tracteurs et trois semi-remorques double étage arriveront en 2020, moyennant un coût de 900 000 euros. La flotte va évoluer vers le GNL (gaz naturel liquéfié), sachant que trois nouveaux points de ravitaillement devraient ouvrir dans les prochains mois à proximité du site breton.

• Siège : Brécé (35)

• CA prévisionnel 2019 : 6,3 M€

• Effectif : 50 salariés (dont 42 conducteurs)

• Parc : 31 tracteurs et 50 semi-remorques

• Activités : transport de produis agroalimentaires (sec et frais) ou conditionnés (parfumerie, électronique, etc.) et de vélos en libre-service, stockage/logistique

Comme l’ensemble du secteur, les Transports Jégou sont impactés par la pénurie de conducteurs. Afin de fidéliser ses collaborateurs, l’entreprise bretonne est aux petits soins. Dans le cadre des aménagements réalisés en 2018, un espace équipé de chambres, douches, salle télé leur a été destiné “pour les séduire”. Par ailleurs, l’effort se porte sur la communication pour plus de dialogue et d’échanges. Si une page Facebook permet plus d’interactivité avec les conducteurs, Christophe Jégou envisage de mettre prochainement en place des réunions. Et une boîte à idées, proposée depuis le début d’année, pourrait faire émerger certaines actions (arbre de Noël, tenues logotées, etc.).

F. F.