Face aux enjeux de mobilité durable, plusieurs villes s’équipent en centres de distribution urbains. « La mission d’un CDU est d’optimiser le dernier kilomètre au plan économique et environnemental sur une zone géographique donnée. Il permet de mutualiser les livraisons finales de différents transporteurs à l’aide de véhicules à faibles émissions. » C’est sur ce schéma, rappelé par Sébastien Walrawens, que Savoie Messagerie Express (SME) a inventé le Centre de distribution de montagne (CDM). « La mutualisation permise par le CDM contribue à diminuer le nombre de camions sur les routes de montagne, à fluidifier le trafic et à optimiser les coûts de livraison tout en réduisant l’impact écologique des livraisons en stations », explique le fondateur et président de SME.
C’est en octobre 2009 que l’entreprise de transport a été créée pour distribuer des palettes et colis dans les stations de Savoie ainsi que sur l’ensemble du département. Au sein d’une holding familiale qui compte aussi la société Trans Belledonne, spécialisée dans le transport routier régional, national et européen de lots et complets, SME est implantée à Saint-Hélène-sur-Isère (73) à proximité d’Albertville. « L’idée de l’entreprise et de son offre mutualisée est née d’un constat, commente le dirigeant. À l’époque, chaque messager et transporteur assurait leur distribution en stations avec leurs propres véhicules chargés de quelques mètres de plancher ou colis seulement. Génératrice de coûts et d’émissions polluantes, cette organisation non optimisée avait aussi pour inconvénient d’augmenter le nombre de camions et les risques associés sur des routes très touristiques soumises à de très fortes saisonnalités. »
Sébastien Walrawens est allé à la rencontre de ces transporteurs et messagers afin de leur proposer le concept de CDM pour réceptionner, optimiser en mutualisant la livraison de leurs flux. Séduits, la plupart d’entre eux, tels que Kuehne+Nagel, Dachser, DB Schenker ou encore GEFCO et Mermet, ont décidé, de remettre à SME tout ou partie de leur fret, du colis de 10 kg à la palette d’une tonne, à destination des stations savoyardes. « L’une des clés de notre succès est d’être une entreprise familiale “neutre” par rapport à ces grands groupes et grandes PME du transport routier. Nous leur garantissons un service de qualité “premium” grâce à des équipements adaptés à la livraison en montagne et à des conducteurs expérimentés aux conditions de circulation en altitude », confie l’entrepreneur.
Avec 35 salariés, SME déclare un chiffre d’affaires de 6 M€ (holding : 80 personnes, 100 cartes grises, 12 M€). Destinée au transport de produits secs, dangereux et à température ambiante, sa flotte rassemble 22 porteurs de 12 à 19 tonnes et deux utilitaires de 20 m3 complétés, au besoin, par le parc de Trans Belledonne dont deux tracteurs couplés à des remorques City Krone équipées d’essieu directionnel pour plus de maniabilité. « Adaptés à tous les points de livraison et à toutes les routes même non goudronnées, ces véhicules renouvelés tous les quatre ans sont équipés de hayon, de réchauffeur de gazole, blocage de différentiel qui améliore leur motricité sur tous les sols, et de boîtes automatiques », précise le chef d’entreprise. Les modèles les plus récents disposent également d’une suspension intégrale à air ou pneumatique capable d’ajuster la hauteur du véhicule à la pente des routes. En plus de pneus neige, ce parc est équipé de chaînes. « Ces dernières sont indispensables car les pneus neige ne sont efficaces que sur des routes faiblement enneigées », explique le dirigeant. Leur installation rendue souvent difficile par les conditions climatiques suppose des conducteurs aguerris. « Leur expertise est partagée lors de séances de chaînage l’été et chaque nouveau conducteur est accompagné d’un ancien chauffeur lors de ses premières missions hivernales. » À court et moyen termes, SME envisage de renouveler sa flotte par des matériels au gaz. « Actuellement, ce transfert n’est pas possible car nous ne disposons pas de station-service GNV à proximité. Quant à l’électrique, les modèles disponibles à ce jour ne sont pas assez performants, en puissance et en autonomie, pour des tournées en montagne. »
Pour organiser leurs plans de transport, les exploitants de l’entreprise s’appuient sur le TMS Proxilog de Xyric et chaque véhicule est doté d’une informatique embarquée Truck-online. « Les tournées sont également transmises sur le portable des conducteurs, lesquels alimentent le TMS en temps réel jusqu’à la preuve de livraison. Des interfaces sont proposées aussi à nos clients. À travers elles, ils peuvent transmettre leurs commandes de transport évitant les ressaisies, et suivre leurs expéditions sachant que, dès sa prise en charge, le fret est intégré et tracé par notre système d’information. » De 600 en période creuse, le nombre de livraisons quotidiennes opérées par SME double en haute saison. Jusqu’à 1 200 par jour, elles sont soumises aux mêmes contraintes de circulation qui interdisent les camions après 10 ou 11 heures du matin selon les stations. Chaque année, le pic d’activité se déroule en novembre et en décembre lorsque ces dernières « font le plein » avant l’arrivée des vacanciers. Durant cette période, les tournées sont parfois gérées en double équipage avec la présence « d’aides » à la livraison et l’entreprise se renforce d’une quinzaine de conducteurs. « Ce recrutement en CDD de deux mois est très compliqué. Face à cette difficulté, nous avons mis en place des collaborations avec des saisonniers. Titulaires du permis PL, ils travaillent pour SME avant de prendre leur poste en stations. » L’expérience des conducteurs du transporteur, titulaires du certificat ADR et formés à l’éco-conduite, est à l’origine aussi de plusieurs innovations. Appelés à effectuer des manutentions et en relation avec les clients finaux, ils ont inventé des solutions de livraison optimisant leur activité et limitant la pénibilité.
Parmi elles, ils utilisent des palettes équipées de skis ou de snowboards qui permettent de faire glisser le fret sur les derniers mètres enneigés. Pour les colis, ce dispositif se décline au moyen de luges. « En hiver, il est souvent impossible d’utiliser des outils de livraison classiques comme des transpalettes et des diables. » Pour approvisionner les restaurants d’altitude, SME et ses conducteurs conviennent aussi de rendez-vous avec des dameuses ou des scooters des neiges. « Les personnels des restaurants réceptionnent leur fret au pied des pistes et utilisent les dameuses ou leurs scooters pour l’acheminer en altitude. »
Ces innovations sont mises à profit pour développer la gamme de prestations de l’entreprise. Depuis deux ans, celle-ci a inauguré un bâtiment de 4 000 m2 dont un millier est consacré à des activités logistiques. « Avec une capacité de 1 500 palettes hors produits dangereux, nous proposons des services de stockage avancé ou de proximité qui garantissent des livraisons dans des délais très courts à la demande de nos clients. » Le reste du bâtiment est destiné aux activités transport.
Membre d’Evolutrans, SME est partenaire du groupement à travers son réseau national et européen Volupal dédié aux expéditions d’une à six palettes. Le transporteur a aussi rejoint sa nouvelle offre EV Logistique mettant à disposition des capacités de stockage aux clients d’Evolutrans dans toute la France. À ces prestations s’ajoutent les synergies avec Trans Belledonne, également adhérent au groupement. « Nos clients savoyards bénéficient ainsi d’une offre globale. Ils peuvent nous remettre leurs flux palettisés à destination de toute la France et l’Europe. Les enlèvements sont intégrés à nos tournées de livraison et le site de Saint-Hélène intervient comme plateforme cross-dock », indique Sébastien Walrawens. Dans le cadre de cette collaboration, Trans Belledonne assure, par exemple, les navettes de palettes pour le réseau Volupal entre Saint-Hélène-sur-Isère et sa plateforme lyonnaise. « Pour ces trajets, Trans Belledonne a reçu en janvier un nouveau tracteur Scania GNV. Cet investissement coïncide avec l’ouverture récente d’une station GNV à Chambéry. »
À la demande de clients et de prospects, SME étudie la possibilité d’étendre ses activités aux produits frais. Dans l’immédiat, l’entreprise prépare le renouvellement de sa charte Objectif CO2 signée pour la première fois fin 2015.
