Laurent Livolsi, responsable de la Chaire Supply Chain Management & Prestation de Services Logistiques et directeur du Cret-Log, résume la situation ainsi : « Tout le monde est favorable à ce qu’il y ait des entrepôts, mais personne ne les veut à côté de chez soi. » Leur installation suscite des oppositions vives, de la part d’habitants, d’élus et/ou d’associations écologistes. Dans la région Centre Val-de-Loire par exemple, l’association « Beaugency, béton et camions, ça suffit ! » s’est créé après que les habitants de cette commune de 8 400 habitants ont découvert un projet de construction d’un entrepôt logistique. Bien que ce projet ait été abandonné, un second est en cours. « C’est la même problématique que pour le précédent projet : il n’y a pas de sortie d’autoroute à proximité. Donc cela implique de nombreux camions qui traversent notre ville médiévale (centre-ville historique), à côté d’une zone tampon Unesco, pointe Dominique Bouissou, co-présidente de cette association de 140 adhérents. Nous ne sommes pas contre le transport de marchandises, mais ces projets entraîneraient une dégradation de la qualité de vie et d’air pour Beaugency, alors qu’il y a déjà des entrepôts mieux positionnés dans des communes proches. À côté d’une autoroute, un entrepôt a du sens, mais à la place de champs agricoles… » De nombreux collectifs anti-entrepôts ont émergé en France ces dernières années. La création d’une coalition pour rassembler ces collectifs a été annoncée par des militants aux Résistantes dans le Larzac cet été.
Des études d’impact faussées
Dans l’Oise (Hauts-de-France), les élus sont très sollicités pour des installations d’entrepôts logistiques, au point de se montrer de plus en plus réticents à ces projets. « Aujourd’hui, c’est la surenchère et on arrive à des projets idiots : parce qu’il y a une consommation foncière des terres agricoles, que les entrepôts sont installés au mauvais endroit, ne créent que peu d’emplois… On ne dit pas qu’il ne faut pas d’entrepôts mais cela doit rester raisonnable et raisonné », s’agace Didier Malé, président du Roso (regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise), qui est présent dans les commissions départementales pour œuvrer dans les domaines de l’environnement, de la santé et de l’aménagement du territoire. « Dans les projets d’entrepôts, il y a les entreprises qui construisent pour elles-mêmes, qui sont là pour rester sur le territoire, veulent apporter de l’emploi et compenser les nuisances, détaille Didier Malé. Et il y a les promoteurs, qui demandent un permis sans savoir qui et quelle activité sera dans l’entrepôt. L’étude d’impact est alors faussée ! » Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay et co-président de la commission transport de l’Association des Maires de France indique : « Mon constat est qu’il y a une différence très importante selon les régions. Dans celles sous dotées en emploi, tout projet créateur d’un minimum d’emplois est défendu par les élus, mais dans les régions où c’est moins le cas, les élus ont plutôt tendance à privilégier l’industrie que les entrepôts. Ils doivent trouver un équilibre entre le nécessaire développement économique, la réponse aux besoins des consommateurs et le respect des règles du législateur. »
Pour redonner du sens aux projets d’installation, Didier Malé en appelle, lui aussi, à la planification : se projeter sur l’avenir du territoire et construire en fonction les Sraddet*, Scot** et PLU.
* Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire à l’échelle de la région.
** Schéma de cohérence territoriale (SCOT) est un document de planification stratégique à l'échelle d'un territoire de coopération pluri-communal.