Désormais, toutes ses annonces de recrutement passent par la page Facebook du transporteur, et ça fonctionne ! Les derniers chauffeurs embauchés par Christine Objois l’ont tous été après un premier contact via le réseau social plutôt que par Pôle emploi, relégué au second plan. « C’est le moyen le plus efficace pour recruter », affirme la présidente des Transports Locatelli. Une page Facebook particulièrement active car, outre les offres d’emploi, Christine Objois poste régulièrement des informations sur la circulation, la sécurité routière, la météo, quand ce ne sont pas des vœux de début d’année ou des photos du dernier repas du comité d’entreprise à Saint-Quentin. Une manière de renforcer la communauté avec les salariés, mais aussi de sensibiliser le grand public. Pour la quinquagénaire, cette communication s’avère d’autant plus nécessaire que « le camion souffre toujours de l’image dépassée de véhicule polluant, bruyant, accidentogène. Pourtant, sans transporteurs routiers, les magasins seraient vides. Les gens n’en ont pas forcément conscience. En utilisant Facebook comme vitrine, nous participons à améliorer l’image de la profession ».
Cette volonté d’ouverture vient certainement de l’histoire particulière de Christine Objois, pas programmée à prendre la tête de cette entreprise de transports créée en 1951 par Jean Locatelli. Le fondateur mène la barque jusqu’en 1989, avec six tracteurs et une dizaine de conducteurs œuvrant pour la grande distribution et l’industrie automobile. Cette année-là, Philippe Lesage, son neveu, qui possède deux camions de son côté, s’associe avant, deux ans plus tard, de s’installer en solo aux commandes. Au début, son épouse, Christine Objois, travaille dans un cabinet d’expertise comptable à Péronne et se contente de quelques coups de main le week-end. Peu après, elle le rejoint à mi-temps, puis à temps complet pour s’occuper plus en détail de la facturation et de la partie administrative. Jusqu’au basculement de 2006. Après un problème de santé, Philippe Lesage doit prendre du recul. Du jour au lendemain, Christine Objois se retrouve en première ligne à diriger l’entreprise et toutes ses composantes, d’autant que le couple se séparera ensuite.
Quatorze ans plus tard, elle est toujours aux commandes. Et sans complexe par rapport à la dominante masculine du métier. « Je ne pense pas qu’être une femme ait été un désavantage, confie la dirigeante. Je n’ai jamais senti de doutes chez les clients. Il y en a peut-être eu chez certains conducteurs ou collègues, mais personne ne m’en a jamais fait part directement. » Une patronne à la barre, ceci explique tout de même la présence de cinq femmes sur six dans les bureaux ? « Cela surprend toujours les visiteurs ! Mais ce n’est pas un calcul, cela s’est fait naturellement. En revanche, les conducteurs sont tous des hommes. Par manque de candidatures féminines. J’en voudrais plus, d’autant que le monde du transport évolue et s’ouvre peu à peu aux femmes. »
Lors de sa reprise, le plus difficile était ailleurs. L’entreprise s’était fortement développée entre 1989 et 2006 passant d’une dizaine de salariés à près de 70. La crise est passée par là. En 2009, les Transports Locatelli ne comptaient plus qu’une cinquantaine d’employés. Des congés de fin d’activité et départs en retraite ont permis d’éviter la casse sociale, mais la dirigeante le reconnaît, elle s’est posé beaucoup de questions lors de cette période difficile. Se bâtir un entourage professionnel solide et fiable, dans les bureaux ou sur le terrain, lui a permis de surmonter ces aléas. Depuis, la sérénité est revenue chez les Transports Locatelli, installés dans le village de Brie, 300 habitants à quelques encablures de Péronne et surtout des autoroutes A1, A29 et A26. En 2020, l’entreprise compte 48 salariés, dont une quarantaine de conducteurs pour autant de tracteurs et 55 semis. Industrie agroalimentaire et grande distribution constituent ses deux secteurs d’activité principaux, dans les Hauts-de-France, en Normandie et en région parisienne, les lignes vers le Sud-Est ayant été abandonnées depuis la crise économique.
Avec un volume d’affaires de 7,5 M€, Christine Objois n’envisage pas un développement outre mesure, échaudée par le passé et préférant stabiliser l’activité. « Nous recevons des demandes pour faire plus, mais je veux surtout faire bien et ne pas m’éparpiller. Plus de camions sur les routes voudrait dire plus de chauffeurs, mais aussi plus de personnel administratif. Avec notre taille, nous parvenons à nous montrer hyper-réactifs. »
La dirigeante ne cache pas étudier les opportunités quand elles se présentent, mais ce ne sera pas à n’importe quel prix. Par exemple, pas question de se lancer dans les toupies et bennes parce que le futur canal Seine-Nord passera à proximité. « Mais il y aura certainement des perspectives dans nos secteurs d’activité. » Prudente et raisonnable, Christine Objois l’est aussi avec le matériel. Si elle n’hésite pas à le renouveler à raison de cinq à six nouveaux tracteurs par an, le gaz ou les bioénergies la rendent encore quelque peu dubitative. Ses clients n’en faisant pas encore une obligation, elle préfère attendre d’avoir un peu plus de recul sur ces énergies. Avantage notable : sa société est peu concernée par les limites de circulation les jours de pollution de l’air. Ses livraisons concernent plutôt des plateformes à l’extérieur des villes.
Les camions de l’entreprise pourraient d’ailleurs se parer d’un joli message d’ici à 2021. Les Transports Locatelli fêteront leurs 70 ans et la gérante pense déjà à l’afficher sur les semis : « Soixante-dix ans, c’est un beau cap. Je réfléchis encore à ce que l’on pourrait faire, comment mettre tout cela en musique… » Une échéance festive avant de commencer à envisager la suite ? À 56 ans, Christine Objois a encore quelques années à diriger l’entreprise, mais la question de la transmission ou la cession se posera forcément à moyen terme. Son cadet, Hugo, 19 ans, n’est pas fermé au monde du transport, même s’« il est encore tôt pour parler de tout ça, conclut celle qui regarde toujours en avant et se dit ravie de son parcours. C’est une expérience enrichissante, avec ses peines et ses joies. J’apprends chaque jour. Et ce métier me passionne ! »
Depuis le mois de juin 2019, les Transports Locatelli sont devenus… point de retrait CDiscount. L’entreprise chargeait déjà pour le e-commerçant, qui cherchait un relais entre Amiens et Saint-Quentin. Attention, on ne vient pas retirer à Brie le dernier smartphone à la mode, mais plutôt les colis lourds au-dessus de 30 kilos, comme des machines à laver, des canapés ou réfrigérateurs. N’y voyez cependant pas une tentative de diversification. La part reste mineure dans le chiffre d’affaires de la société ! N. M.
• Siège : Brie (80)
• CA 2018 : 7,5 M€
• Effectif : 48 salariés
• Parc : 37 tracteurs, 57 semis
• Activités : transport pour la grande distribution et l’agroalimentaire.