En quatre ans, le nombre de redressements fiscaux a progressé de 40 %. Et si les transporteurs ne figurent pas en tête des professions à risques, de nombreux facteurs déclenchants peuvent éveiller la curiosité du fisc à leur égard. Recettes sous-évaluées, charges fictives, anomalies, incohérences et bizarreries en tout genre, train de vie trop voyant, chiffre d'affaires élevé, déclarations tardives et rectificatives, échanges d'informations entre les différentes administrations (notamment l'Urssaf), affaires judiciaires, l'administration a ses « trucs » pour les démasquer. « Ajoutons les dénonciations. Il ne faut surtout ne pas se vanter de berner le fisc. Que le vent tourne et les confidents se transforment en redoutables délateurs », confie un transporteur préférant conserver l'anonymat. Mais si tous les coups bas sont permis, les chefs d'entreprises peuvent se rassurer : la plupart des lettres de délation vont au panier. Grâce aux fichiers informatisés de plus en plus performants, le fisc peut lui même sélectionner très vite les contribuables à ses yeux suspects.
L'administration fiscale procède à deux formes de contrôle : le contrôle sur pièces et le contrôle sur place. Le contrôle sur pièces n'est pas réellement une procédure de contrôle fiscal telle qu'on l'entend généralement. Réalisé dans les locaux de l'administration, il s'effectue essentiellement à partir des éléments contenus dans le dossier du transporteur. Il est de loin le plus pratiqué. S'il fait apparaître des insuffisances de déclaration ou des incohérences importantes, une procédure de contrôle plus approfondie peut être mise en oeuvre, non plus sur pièces mais sur place. En fait, le contrôle sur place apparaît lorsque le contrôle sur pièces ne permet pas à l'administration de répondre à toutes ses questions. Pour un particulier, ce contrôle s'appelle « Examen approfondi de situation fiscale personnelle » (E.S.F.P.). En revanche, pour une entreprise, il s'agit d'une vérification de comptabilité. A la demande du chef d'entreprise ou du fisc, la vérification peut se dérouler au cabinet du comptable. Soulignons également que le transporteur souhaitant, pour des raisons dont il n'a pas à justifier, que l'examen de sa comptabilité s'opère dans les bureaux de l'administration, doit prendre l'initiative de proposer le déplacement des documents. Pour ce faire, une demande écrite sera remise au vérificateur. Un reçu détaillé de tous les documents emportés doit alors être remis par ce dernier. Sous peine d'irrégularité de la procédure, il s'engage à restituer les documents dans un délai de trois mois. Tous les livres comptables dont la tenue est obligatoire et les documents annexes peuvent être communiqués au vérificateur : livre-journal, rapports des commissaires aux comptes, procès-verbaux des conseils d'administration..., y compris les correspondances, reçues et copies de lettres envoyées, ainsi que les pièces de recettes et de dépenses. Naturellement, le contrôle porte aussi sur la comptabilité informatisée. Le refus de communiquer les documents comptables peut, non seulement entraîner l'application d'une amende, mais conduire également à une peine de prison.
En principe, aucun contrôle ne peut être engagé sans que le transporteur en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. A défaut, il doit s'y opposer, car l'inobservation de cette obligation administrative entraîne la nullité de la procédure. Cet avis doit être adressé par pli recommandé avec avis de réception 15 jours environ avant la date prévue pour la première intervention. Il doit préciser avec soin le jour et l'heure de l'intervention du vérificateur ainsi que l'indication des exercices comptables soumis au contrôle. En outre, mention est obligatoirement faite que le transporteur a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. A cette occasion, l'entreprise s'assurera que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié lui a bien été communiquée. Elle est une condition de la régularité de la procédure. Le contribuable peut aussi demander, pour des motifs sérieux, le report à une autre heure ou à une autre date de cette première intervention. Dans ce cas, le vérificateur lui adressera un nouvel avis. L'administration recommande à ses agents de faire droit à cette demande.
Toutefois, le contrôle inopiné n'est pas illégal. C'est le cas par exemple lorsque le vérificateur veut procéder à un inventaire, craignant que l'avis de vérification n'amène le contribuable à faire disparaître la preuve d'opérations d'achats ou de ventes sans factures. Dans cette situation, seule une constatation matérielle des documents comptables peut être effectuée. L'examen approfondi commencera qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. L'absence totale ou partielle de comptabilité n'interdit pas au vérificateur de se livrer à un contrôle. Mais, dans ce cas, les garanties réservées aux vérifications de comptabilité ne sont pas applicables.
Jouer la prescription permet au transporteur de fuir légalement un contrôle fiscal. Pour remettre en cause les déclarations fiscales du contribuable, l'administration doit respecter un délai légal, appelé délai de reprise, à l'expiration duquel elle ne peut plus, en raison de la prescription, établir d'imposition. Le délai de prescription varie d'un à dix ans selon la catégorie d'impôts ou de taxes. Au regard de l'impôt sur le revenu, de celui sur les sociétés et de la taxe sur les salaires, le délai de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Ainsi, l'administration peut, jusqu'au 31 décembre 2001, réparer des omissions ou des insuffisances constatées au titre de l'année 1998 ou des exercices comptables clos en 1998. En matière de taxes sur le chiffre d'affaires et de taxe professionnelle, le délai de reprise est également de trois ans. Mais lorsque le contribuable n'a pas déposé ses déclarations dans le délai légal et n'a pas fait connaître son activité au centre de formalités des entreprises (CFE) ou au greffe du tribunal de commerce, le délai de reprise s'exerce pendant six années. Des délais particuliers sont aussi prévus dans un certain nombre de cas. Par exemple, même si le délai de reprise est écoulé, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par le Service des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. En cas de découverte d'agissements frauduleux, entraînant le dépôt d'une plainte pénale, le fisc dispose d'un délai supplémentaire de deux ans.
Rechercher les irrégularités de l'administration est aussi un bouclier mis à la disposition du transporteur. Le contrôle fiscal obéit à des règles très strictes. Leur inobservation par l'administration peut entraîner l'irrégularité de la vérification. Le tribunal peut alors prononcer l'annulation de la dette, y compris parfois des majorations et amendes. Un examen minutieux de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié permettra peut-être au transporteur de trouver sa bouée de sauvetage.
Une décision ministérielle du 30 avril 1976 stipule que les petites et moyennes entreprises bénéficient d'un traitement de faveur à l'occasion des vérifications au cours de leurs premières années d'activité. Les mesures prises concernent les rappels d'impôts pendant les quatre années qui suivent la création, l'acquisition ou la prise de gérance libre de l'établissement, ou bien, s'agissant d'une société, la prise du pouvoir de décision. Elles portent, d'une part, sur la remise des pénalités et, d'autre part, sur l'octroi de délais de paiement. Il est évident qu'il faut être de bonne foi ! Par ailleurs, il est à savoir que l'intérêt de retard ne s'applique pas lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas le vingtième de la base d'imposition retenue après redressement en matière d'impôts sur les revenus. Là aussi, le bénéfice de cette tolérance est réservé au seul contribuable de bonne foi. Lorsque le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit, la tolérance légale n'est pas applicable. Les conditions de mise en oeuvre de cette dernière s'apprécient par année (ou exercice) et par impôt (ou taxe).
Bien préparer le contrôle. A la réception de l'avis de vérification, il est parfois utile de gagner un peu de temps.
Recevoir le vérificateur en combinant courtoisie et coopération.
Oser négocier. Les discussions finales avec le vérificateur prennent parfois des allures de marchandage. Le jeu en vaut parfois la chandelle.
Ne pas hésiter à réclamer son dossier de vérification fiscale auquel tout transporteur contrôlé peut légitimement accéder.
Semer des petits cailloux : il est arrivé qu'un vérificateur ne trouvant pas d'anomalie se mette en rage.
Céder sur des détails car il est souvent préférable de résister sur l'essentiel.
Se faire assister en consultant éventuellement un avocat spécialisé ou en rejoignant une association.
Rester présent même si l'on recourt à un conseil extérieur.
Ne pas se laisser intimider. Les avocats fiscalistes savent mieux que quiconque que l'autorité de la chose jugée s'impose à n'importe quel citoyen comme à l'administration fiscale.
Absorber tous les recours en cas de contestation. Le transporteur peut obtenir gain de cause en utilisant les recours hiérarchiques, en demandant l'intervention de la Commission départementale des impôts, en s'adressant à la Justice, ou pourquoi pas en plaidant sa cause auprès de son député, du ministre, voire du Président de la République. L'aspect économique et social peut prévaloir.