Adopté suite aux incidents survenus en avril 2016 à Bassens puis à Jonquières en février 2017(1), « l’arrêté du 21 septembre 2017 modifie en profondeur les modes et dispositifs de garde de certaines marchandises dangereuses », signale Florence Dupasquier-Meynard, présidente de l’ATMD. Décortiqué le 22 mars, lors de la SITL Europe à Villepinte, le texte s’applique à l’intérieur des établissements de chargement, de déchargement, remplissage ou vidange, et des parcs de stationnement des entreprises de transport, même en compte propre, selon capacités et produits. Sont ainsi concernés les parcs de stationnement de plus de 30 places recevant des liquides inflammables (GE I et II de classe 3) au moyen de citernes d’au moins 3 000 litres, et des gaz toxiques (n° 26, 263, 265 et 268 ; classe 2) sans limite de volume. L’application des nouvelles règles est abaissée aux parcs de plus de 5 places qui réceptionnent des gaz inflammables (n° 223, 23, 238 et 239 ; classe 2), et des GPL (n° 1011, 1075, 1965, 1969 et 1978 ; classe 2) chargés dans des citernes de 3 000 litres et/ou, dans le cas du GPL, à partir d’une limite de poids fixée à 10 000 kg. « Seuls les véhicules qui y stationnent habituellement dans le cadre de leur activité programmée sont à prendre en compte. Les véhicules en transit susceptibles d’y stationner de façon exceptionnelle et non programmée (respect des temps de conduite et de repos, interdictions de circuler…) ne sont pris en compte dans les seuils indiqués », précise Florence Dupasquier-Meynard.
Depuis le 14 octobre 2017, l’arrêté du 21 septembre 2017 impose déjà des mesures de lutte contre l’intrusion sur les parcs de stationnement. Elles interdisent leur accès aux personnes non autorisées par un affichage disposé à toutes leurs entrées. L’accès principal doit en outre être équipé d’une barrière ou d’un portail fermé lors des arrêts d’activité (nuit, week-end etc.). Une clôture maintenue en bon état d’entretien doit enfin entourer le parc ou un mur de 1,8 m de hauteur au minimum.
Dès le 1er juillet, d’autres règles s’appliqueront dont celles liées à l’organisation des parcs. Ils devront comporter 3 zones distinctes pour le stationnement des liquides et gaz inflammables, des GPL et des gaz toxiques. Les autres véhicules de matières dangereuses pourront stationner sur les places disponibles. « Séparées d’au moins une place de stationnement, l’aménagement de ces zones est réalisé de façon à faciliter l’accès et la circulation des pompiers ». Sur cette base, l’exploitant devra bâtir un Plan de stationnement. Celui-ci fera apparaître les 3 zones et les places destinées aux autres matières dangereuses, les habitations et établissement recevant du public (ERP) dans un rayon de 200 m, les moyens de lutte incendie sur site, les coordonnées et le numéro d’urgence d’un responsable à appeler en cas de sinistre.
Plusieurs mesures en vigueur également au 1er juillet concernent la lutte incendie et la prévention du risque pollution. Dans ce cadre, des consignes d’inspection des véhicules avant stationnement seront à communiquer aux conducteurs. Lesquels auront notamment l’obligation d’ouvrir leur coupe-circuit si leur véhicule en dispose. Les matériels transportant des gaz, liquides inflammables et des GPL devront être équipés de témoins sur écrous pour contrôler la chauffe anormale des essieux. « Dans le cas de surchauffe, le stationnement sera autorisé qu’après des actions correctrices ». Le contrôle pour s’assurer que les dispositifs de fermeture soient bien en position fermée et d’éventuelles fuites incombe au conducteur, et les consignes en cas de fuite sont établies par l’exploitant du parc.
Au 1er juillet toujours, 2 extincteurs à poudre de 50 kg, en plus de ceux des véhicules, sont à placer sur le parc ainsi qu’un document d’information à jour réalisé par l’exploitant. Ce document transmis aux services de secours se compose d’un Plan de stationnement, du recensement des matières dangereuses susceptibles d’être présentes sur le site sur la base du trafic de l’année précédente, des moyens de lutte incendie et modalités d’accès au parc. Enfin, l’exploitant devra, chaque jour et par zone de stationnement, réaliser une estimation des quantités de matières dangereuses présentes. Faite à partir des données approximatives selon l’état de chargement des véhicules concernés, cette estimation est à remettre aux secours en cas de sinistre.
D’autres mesures s’appliqueront à compter du 1er janvier 2019. En matière de prévention et de dissuasion, la clôture du parc devra être équipée à cette date d’un dispositif anti-intrusion (DAI) de type haie ou concertina (barbelé) au sol ou d’un mur de 2,3 m de haut doté d’un DAI tel que piques. S’agissant de l’entrée principale, son portail « verrouillable » respectera une hauteur minimale : 1,8 m avec DAI en hauteur type concertia, ou 2,3 m avec sur le dessus un DAI type piques, ou 2,5 m sans DAI. « Ces mesures peuvent être limitées à la zone de stationnement des véhicules de transport de gaz inflammables ou toxiques ou du GPL », souligne Florence Dupasquier-Meynard.
De nouvelles distances d’éloignement sont également à prendre en compte dès le 1er janvier 2019. Elles concernent les parcs, quelle que soit leur date de mise en service, sur lesquels stationnent des véhicules transportant des gaz inflammables ou du GPL. Elles s’appliquent aussi aux parcs mis en service après le 1er janvier 2018 pour les véhicules transportant des liquides inflammables (GE I et II sauf citernes en aluminium vides non nettoyées).
Pour ces sites, la distance d’éloignement est fixée à 10 m de la limite de propriété pour les parcs opérationnels après le 1er janvier 2018, et de tout local d’habitation ou d’ERP pour ceux mis en service avant. Le législateur a prévu une mesure alternative dans le cas où le transporteur aménage un mur coupe-feu REI 120.
Dans le but d’alerter l’exploitant et les services de secours d’un début d’incendie, plusieurs dispositifs pour la surveillance et la détection incendie entrent aussi en vigueur au 1er janvier 2019. Ils concernent les parcs où stationnent des véhicules transportant des gaz toxiques, inflammables ou du GPL. Trois modalités de surveillance permanente sont possibles en fonction des périodes d’activité du parc (en fonctionnement, de jour, de nuit, en fin de semaine etc.). Cette surveillance permanente est effectuée soit par un ou plusieurs préposés nommément désignés par l’exploitant et présents sur site, soit durant la phase de fonctionnement par les conducteurs de véhicules se rendant ou quittant le parc, soit confiée à un personnel extérieur au site (télésurveillance). « Cette surveillance peut être limitée aux zones de stationnement, identifiable et accueillant la totalité des véhicules transportant des gaz toxiques, inflammables ou du GPL ».
En cas de déclenchement de la détection incendie (ou d’un système d’extinction automatique de début d’incendie), la levée de doute sur site est réalisée par le ou les surveillants présents, l’exploitant ou son préposé. En cas de début d’incendie, la mise en œuvre des moyens de lutte et du dispositif sonore pour alerter le voisinage seront actionnés par les surveillants présents, le préposé de l’exploitant ou un conducteur qui doit alerter l’exploitant et les services de lutte incendie.
En complément, tous les personnels susceptibles d’intervenir sur le site en cas de déclenchement de la détection incendie doivent avoir reçu une formation au chapitre 1.3 de l’ADR.
Portant sur les moyens de lutte incendie, la télésurveillance, la détection et l’extinction automatique, d’autres mesures de l’arrêté du 21 septembre 2017 entreront en vigueur au 1er janvier 2020. Grand témoin de la conférence, Pascal Boulanger des Transports Le Calvez, qui gèrent 17 parkings concernés par le nouvel arrêté, alerte sur « l’importance de ses mesures ». Pour ceux qui opteront pour des concertina comme mesure anti-intrusion par exemple, « ce sont des kilomètres de barbelés à mettre en œuvre et, d’ores et déjà, ce produit est en quasi rupture ». Pour les distances de sécurité et d’éloignement, le responsable souligne également les enjeux fonciers associés. « Dans le même temps, il faudra suivre avec attention le suivi et l’application des nouvelles consignes par les conducteurs ». Quant à la télésurveillance, Pascal Boulanger rappelle que les transporteurs « ne sont pas des spécialistes dans ce domaine » et auront, du coup, « du mal à évaluer la pertinence de leur investissement ».
En l’état, Florence Dupasquier-Meynard reconnaît la difficulté pour les transporteurs d’évaluer le coût global des mesures imposées par l’arrêté du 21 septembre 2017. « Nous commençons à sensibiliser et à expliquer leur mise en œuvre à nos clients qui sont également concernés sur leurs propres sites ». Reste que les investissements engagés devront être répercutés dans les tarifs et, pour éviter une éventuelle concurrence déloyale entre ceux qui auront sécurisé leurs sites selon les règles et les autres, des contrôles devront être instaurés…
(1) a conduit à la modification de la rubrique ICPE 4718