La responsabilité du transporteur reste limitée

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Dans son arrêt du 13 septembre dernier, la Cour de cassation(1) vient de rendre une décision très favorable à un transporteur. Bien que celui-ci ait commis une « faute », il n’a pas été condamné à réparer intégralement le préjudice résultant du vol de la marchandise qu’il acheminait.

Lorsque survient un dommage dans le cadre d’une opération internationale de transport de marchandise, la responsabilité totale du convoyeur ne peut être retenue que dans des conditions restreintes. L’affaire concernait la société EM Trade solutions qui avait confié l’acheminement, de Grande-Bretagne en Belgique, de palettes de lames de rasoir à la société Geodis BM réseau, commissionnaire de transport. Cette dernière a chargé de l’exécution matérielle du transport, la société DSV Road qui, en dépit de l’interdiction de sous-traitance qui lui avait été faite, a sous-traité le transport à la société Batim. Mais la marchandise a été volée lors du stationnement du véhicule pour la nuit, sur une aire d’autoroute, pendant que le conducteur dormait. Le client avait retenu le montant du dommage sur la créance du commissionnaire. L’assureur du commissionnaire, Helvetia assurances, a alors attaqué la société DSV Road auprès du Tribunal de commerce de Nanterre pour essayer d’obtenir la réparation totale du préjudice, soit 147 630 euros. Mais les juges du Tribunal comme ceux de la cour d’appel de Versailles ont rejeté sa demande. L’indemnisation due par le transporteur a été ramenée à 11 247,60 €. Le plaignant s’est alors tourné vers la Cour de cassation.

Interdiction de sous-traitance non respectée

L’assureur avait fait valoir que le transporteur n’avait pas respecté l’interdiction de sous-traitance prévue au contrat. Il aurait donc commis une faute dolosive qui le prive du bénéfice des limitations d’indemnisation prévu à l’article 23 de la Convention CMR(2). Mais ces arguments n’ont pas convaincu la Cour de cassation. Pour elle, « le seul fait de ne pas respecter l’interdiction de sous-traitance n’induisait pas en lui-même la survenance du dommage ». Par conséquent, « le lien de causalité entre cette faute et le vol de la marchandise transportée n’était pas démontré, de sorte que les limitations d’indemnité étaient applicables ». Selon Maître Renaud Clément, avocat au barreau de Paris spécialiste du droit du transport, « le fait que la charge de la preuve du lien de causalité pèse sur le demandeur, en l’occurrence l’assureur, sécurise le transporteur dans le principe de limitation de sa responsabilité ». Cette limitation de responsabilité signifie t-elle que le transporteur n’est pas vraiment tenu de respecter toutes les instructions données par le client ? « Non, il a tout intérêt à appliquer les exigences du client et à les répercuter sur ses sous-traitants pour éviter tout risque de se voir condamner à réparer intégralement le préjudice en cas de contentieux. Par exemple, la décision aurait certainement été différente si le client avait prévu un cahier de charges plus étendu et précis », prévient Me Renaud Clément.

Sécurité de la marchandise

En l’espèce, outre le non respect de l’interdiction de la sous-traitance, l’assureur s’est aussi fondé sur les circonstances du vol pour essayer de décrocher la réparation intégrale de son préjudice. Il a estimé que le transporteur avait commis une « faute inexcusable » en garant pour la nuit, sur la voie publique, un camion simplement bâché contenant une marchandise sensible. De plus, la cour d’appel avait relevé que la confirmation d’affrètement transmise au transporteur mentionnait la nature exacte et la quantité des produits donc ce dernier devait nécessairement connaître la sensibilité des marchandises au risque de vol. Mais là encore, la Haute Cour a rejeté ces arguments. Pour elle, « est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable », ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En outre, seule la nature de la marchandise a été mentionnée sur la lettre de voiture. La preuve de la connaissance, par le transporteur, de la valeur de cette marchandise et des risques engendrés par le transport n’est pas démontrée. « En pratique, le client a intérêt à faire une déclaration de la valeur de la marchandise. Cependant, on peut comprendre qu’il soit tenté de préserver une certaine confidentialité en cas de transport d’objets de valeur afin d’éviter le risque de vol », explique Me Pascale Oillier Audrain, avocate au barreau de Nantes. En définitive, « le client doit donner des consignes strictes au transporteur, mais il convient aussi de lui payer le juste prix de cette sécurité », conclut Me Pascale Oillier Audrain.

(1) Cass. com, 13 septembre 2017, n° 16-10.596, Helvetia c/DSV Road et a.

(2) CMR, Convention relative au contrat de transport international de marchandise par route.

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