Des limites à la barémisation

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Nouvelles indemnisations en cas de licenciement sans causes réelles et sérieuses

L’instauration du barème obligatoire par l’ordonnance 3 dans le cadre des sanctions de licenciements sans cause réelle et sérieuse a été validée par le Conseil constitutionnel le 7 septembre. Pourtant, la constitutionnalité d’une telle mesure apparaît contestée par des conseillers prud’homaux qui pointent également des possibilités de contournement du barème.

Depuis le 27 septembre, un barème obligatoire sanctionnant les licenciements sans cause réelle et sérieuse est en vigueur pour les saisines déposées à partir de cette date dans les Conseils prud’homaux. Objectif affiché par le gouvernement : permettre au chef d’entreprise de pouvoir chiffrer le coût éventuel d’un procès aux prud’hommes en cas de litige après un licenciement et, ainsi, lever les freins à l’embauche. En 2015, alors ministre de l’Économie, Emmanuel Macron avait déjà souhaité, dans le cadre de sa loi « Croissance et activité », encadrer les montants de ces indemnités. La mesure avait été rejetée par le Conseil constitutionnel, lequel avait jugé le critère lié à la taille de l’entreprise contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi dès lors qu’il ne présente aucun lien avec le préjudice subi par le salarié du fait de la perte de son emploi. Les Sages se disaient toutefois sensibles à l’argument de lever les freins à l’embauche. En 2016, l’idée de barémisation revient avec la loi El-Khomri mais est finalement abandonnée sous la pression populaire. Réapparu avec les ordonnances, le nouveau barème présente désormais un plafond variant selon l’ancienneté des salariés mais commun à toutes les entreprises. Un plancher variable selon la taille des entreprises est en revanche ajouté. Les salariés des TPE bénéficient ainsi d’un montant d’indemnités minimal plus défavorable. Il est d’un demi mois de salaire pour un an d’ancienneté dans ces TPE, contre un mois pour ceux travaillant dans de plus grandes entreprises. Pour deux ans d’ancienneté, l’indemnité pourra être portée à trois mois de salaire dans les entreprises de plus de 11 salariés, alors qu’un salarié d’une TPE pourra espérer percevoir au moins 2,5 mois de salaire après 9 ans dans une même entreprise. Cette fois, la différence de traitement n’a pas été censurée, la différenciation sur le plancher ne représentant pas une rupture d’égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel a toutefois rappelé qu’après l’entrée en vigueur des ordonnances, il pourra toujours exercer son contrôle en cas de question prioritaire de constitutionnalité.

« Libertés fondamentales »

Pour le bâtonnier de Paris et avocat du travail côté employeurs, Frédéric Sicard, le barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif pourrait d’ailleurs encore être censuré par le Conseil constitutionnel et l’ordonnance ainsi annulée. Rappelant que le Conseil constitutionnel s’appuie sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui prévoit que « chaque citoyen a un égal accès au juge qui est libre d’apprécier le préjudice », le bâtonnier s’est interrogé sur le problème constitutionnel que posait un barème établi sur le seul critère de l’ancienneté du salarié. Le bâtonnier qui plaide côté patronal a ainsi estimé, lors d’une table ronde organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis)le 27 octobre, que cette problématique pourrait « être réglée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité individuelle qui ne manquera pas d’être soulevée l’année prochaine ». Ainsi, soulève-t-il, les avocats diront que le barème répare l’ancienneté, mais pas le reste, « donc on va demander des dommages et intérêts complémentaires pour d’autres préjudices ». L’utilité d’une grille d’indemnisation a aussi été questionnée par les deux autres juristes présents à la table ronde. « Chaque cas est particulier, a soutenu Jamila Mansour, vice-présidente (CGT) du conseil des prud’hommes (CPH) de Bobigny. Nous tenons compte de l’âge, de l’ancienneté, du climat du licenciement, de la violence du licenciement. Car, rappelons-le, nous sommes dans le cadre d’un licenciement illégal. Mais nous tenons aussi compte de l’entreprise, notamment de sa taille. » Une position soutenue par Bruno North, président (Medef) de la section encadrement du CPH de Paris : « Les critères sont appréciés communément. Le barème pourrait être une façade avec beaucoup de moyens pour le contourner. » Frédéric Sicard a notamment pointé une faille du barème, qui ne s’appliquera pas en cas de harcèlement, de discrimination ou d’atteinte aux libertés fondamentales. Or, « la dignité humaine notamment est un principe fondamental du droit en France ». Dans ce cas, souligne-t-il, « le champ d’appréciation est immense. Dans certains contextes, l’indemnisation ira au-delà du barème ».

Les mesures de l’ordonnance 3

L’ordonnance 3 instaure de nouvelles modalités aux procédures prud’homales. Le salarié dispose désormais de 12 mois pour contester son licenciement devant le Conseil de prud’hommes au lieu de 2 ans. L’ordonnance laisse à l’appréciation du juge la possibilité de déduire des dommages et intérêts le montant des indemnités versées au salarié au moment de la rupture. Ces dommages et intérêts peuvent alors se cumuler avec la réparation d’autres préjudices, par exemple dans le cadre du licenciement pour motif économique.

En cas de licenciement nul, l’indemnité reste fixée à un minimum de 6 mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de ruptures perçues. Un minimum de 6 mois de salaire s’applique également dans des situations qui donnaient auparavant lieu au versement d’une indemnité d’au moins 12 mois de salaire, comme dans le cas des licenciements économiques nuls.

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