Le Code civil prévoit à l’article 1103 que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Partant de cet adage, on pourrait imaginer que la force obligatoire du contrat est aussi importante que la loi elle-même. Or, ceci est inexacte car le juge peut annuler un contrat vicié ou interpréter une clause obscure et ainsi s’affranchir de la volonté des parties. Ces dernières sont donc malgré l’adage, dans une certaine insécurité juridique. Face à cette difficulté, il est né de la pratique et des besoins spécifiques des professionnels notamment en matière de transport, un contrat particulier ayant une force obligatoire supérieure au « simple » contrat appelé « contrat type », établi par décret. Le plus connu et récemment modifié est le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises établi après avis des organisations professionnelles concernées et du Conseil national des transports et modifié par le Décret n° 2017-461 du 31 mars 2017. La force obligatoire des contrats types est telle que la Cour de cassation rappelle que les dispositions de ces contrats s’imposent au juge.
Dans un arrêt prononcé le 19 novembre 2013, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait violé l’article « L. 442-6-I-5° du Code de commerce, les articles 8-II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, dite LOTI et 12-2 du contrat type approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ». La Cour d’appel sanctionnée par la Haute juridiction avait refusé de respecter la durée du préavis prévu à l’article 12-2 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises. Selon la Cour de cassation, une résiliation intervenue dans le respect du préavis prévu à ce contrat type ne peut être abusive.
La logistique est un secteur d’activité récent et en pleine expansion, mais il est regrettable que ce secteur ne soit pas réglementé. Pourtant, l’insécurité juridique des co-contractants est plus grande encore dans ce domaine qu’elle ne l’est dans le secteur du transport. En effet, même si les parties à une prestation de transport ne prévoient pas de contrat, elles peuvent, en cas de différends, se référer aux obligations réglementées dans le Code des transports, par exemple, en matière de responsabilité. Il n’existe pas de textes équivalents en matière de contrat de prestations logistiques. Les parties peuvent convenir librement de rédiger un tel contrat mais l’incertitude juridique demeure. En effet, il n’est pas rare d’observer des contrats incomplets contenants des clauses contradictoires, obscures voire illégales. Lorsqu’un litige naît à l’occasion de l’application de l’une de ces clauses, comment les parties peuvent-elles régler la situation et comment le juge peut-il statuer ?
Imaginons un litige portant à la fois sur le délai de préavis de résiliation de la location d’un entrepôt et sur la responsabilité du gardien des marchandises du fait d’une avarie. Quel droit le juge va-t-il appliquer dans notre hypothèse : le droit du bail commercial ou celui du contrat de dépôt ? Et s’il existe, en outre, dans le cadre de ces opérations logistiques, une prestation de transport : le juge devra-t-il appliquer le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises ? Les opérations de logistique sont multiples et ne connaissent pas un régime juridique uniforme. Des auteurs ont démontré que les juges adoptent deux attitudes admises par la Cour de cassation en fonction des circonstances de l’espèce.
Soit, ils qualifient l’opération litigieuse en cause par rapport à la prestation principale au contrat, soit ils considèrent que chacune des prestations fournies bénéficie d’un régime juridique distinct. Cette démarche du juge est compréhensible mais insatisfaisante car elle n’est pas uniforme. Interrogée sur le sujet, Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR, précise qu’il existe un intérêt certain à l’élaboration d’un contrat type de prestations logistiques. Il serait un véritable outil au service des transporteurs qui exercent très souvent de pair une activité logistique et rappelle le caractère supplétif des contrats types existants ayant vocation à s’appliquer en l’absence de contrat.
À l’instar des contrats types applicables aux transports publics routiers de marchandises ou aux commissionnaires, il est temps de soumettre au législateur le projet d’élaborer un contrat type de prestations logistiques permettant aux parties et aux juges d’appliquer un droit plus cohérent et uniforme aux opérations particulièrement complexes et diversifiées, spécifiques au domaine de la logistique.
Rédigé par Maître Anne PAUL, avocat à la Cour-Luxembourg (www.maitre-paul.eu)