Le groupe est né dans le Lot-et-Garonne il y a 60 ans, créé par mon grand-père, René Tombu sous le nom Satar (Société agenaise de transports et affrètements routiers). Mon père Rémy Garnier, aux côtés de Gérard Malaure comme directeur général, a ensuite repris la société. On s’est développé à la fois à travers des croissances organiques et externes. En 2020, la 3e génération a pris les rênes du Groupe Primever : Gérard Malaure, directeur général, Alexandre Malaure, directeur général délégué, et j’ai pris la présidence direction générale. Le groupe est spécialisé dans le transport et la logistique au sein de la filière frais et fruits et légumes. Notre mission est de connecter la production agricole et les bassins de consommation français et européens quotidiennement. Cette mission réussie, grâce à notre maillage stratégique, à travers nos 52 plateformes en France et en Belgique et en Hollande. On s’organise autour de trois piliers fondamentaux : une culture client solide avec notre totem « tous commerçants », une politique de formation de l’ensemble de nos collaborateurs et l’investissement dans l’innovation, que ce soit en technologie ou en développement durable.
Quand on entend parler de ce métier, et que l’on vit dans les bureaux, les entrepôts, les camions depuis qu’on est petit, des codes entrent et tout ce qui n’est pas une évidence devient naturel. Dans l’entreprise, j’ai passé une vingtaine d’années à divers postes. J’ai commencé par l’exploitation à Paris, pour structurer le site de Rungis et créer l’embryon de Primever à travers la réunification de trois sociétés sur le MIN. Puis j’ai pris des fonctions de direction de site dans le Sud-Ouest, puis des fonctions transverses en tant qu’animateur d’exploitation sur le réseau, puis diverses fonctions de directions avant de prendre la présidence en 2020.
Obtenir le trophée du Transporteur de l’année 2023 nous a beaucoup servi en interne, car cela a renforcé notre marque Employeur auprès des salariés. Cela a permis de leur démontrer que leur travail et leurs efforts sont reconnus à leur juste valeur. Ce titre nous a également permis d’être valorisés en externe, en obtenant une plus grande reconnaissance vis-à-vis des clients et des partenaires.
On allie les deux politiques de croissance organique et croissance externe. La première est portée par notre culture du client et notre politique commerciale. La croissance externe est faite d’opportunités sur le territoire national mais aussi européen, de manière à mieux structurer nos offres. Depuis 2018, on a intégré une vingtaine de structures dans le groupe et nous avons ainsi développé un vrai savoir-faire en la matière. Notre stratégie réelle est de répondre au mieux aux attentes de nos clients et les deux types de croissance se déploient selon cette logique. Concernant nos projets, ils se placent dans cette même ligne. Dans ce cadre, nous consolidons par exemple en ce moment nos offres sur le nord de l’Europe.
Notre métier historique est bien sûr le transport, avec le lancement de la société par mon grand-père avec l’achat d’un camion. Mais nous suivons l’évolution du marché et des clients nous sollicitent pour répondre à leurs besoins. C’est le cas de la logistique qui est ainsi une offre complémentaire et fait partie de la chaîne de valeurs. Ce segment se développe bien. Nous disposons de 100 000 m2 au total, avec trois bâtiments : à Rungis, à Sète et le troisième, à Agen, sera livré en mai et sera doté de technologies spécifiques.
La transition énergétique s’inscrit dans le cadre de notre stratégie sur la RSE. Cette dernière est présente depuis la fin des années 1990, lorsque mon père a initié des actions dans le cadre de notre label interne « Etic Company ». Depuis deux ans, la RSE est l’un des piliers de notre stratégie, et nous publions un rapport afin de mesurer et suivre nos actions. C’est également un moyen d’impliquer tout le personnel sur cette thématique. En matière d’énergie, nous travaillons principalement sur deux axes : la consommation d’énergie de nos actifs immobiliers et le verdissement de notre parc roulant. Pour le bâtiment, nous souhaitons réduire la consommation énergétique et nous appuyer sur du renouvelable. Ainsi, nous avons initié la construction de trois centrales photovoltaïques cette année, ce qui porte à cinq le nombre d’installations chez Primever. En ce qui concerne la flotte, nous nous focalisons sur des tests sur des motorisations biogaz et électrique, et également sur l’usage de pneumatiques basse consommation aidant à réduire la consommation des véhicules.
À l’heure actuelle, la proportion de motorisations à énergie alternative est faible, en raison du fait qu’elles sont encore peu adaptées au transport longue distance. On fait face à une réalité technologique. Souvent, nos tracteurs parcourent plus de 650 kilomètres par jour, ce qui limite les solutions. Le gaz ou les biocarburants ne répondent pas tout à fait à nos usages, en raison du manque d’infrastructures sur le réseau. Mais nous sommes à l’affût des nouvelles technologies sur le marché. Nous attendons avec impatience l’arrivée de l’hydrogène, qui semblerait correspondre à nos usages.
Nous effectuons une grande part de transport en amont des zones urbaines, donc nous ne sommes pas à ce stade trop affectés par les obligations liées aux ZFE. Cependant une faible partie de nos activités touche les futures zones ZFE, nous travaillons avec les équipes à une réponse technique autour de l’électrique. Ce seront des investissements conséquents, et donc la question des moyens de financement devra être posée.
Le multimodal est effectivement avantageux pour le transport sur les longues distances. Toutefois, pour notre activité, ce n’est pas forcément adapté, que ce soit le rail ou la voie d’eau en raison de la rupture de charge. En tant que denrées périssables, nous devons mettre sur le marché les fruits et légumes entre 12 et 18 h après avoir quitté l’exploitation. Toutefois, cela pourrait être envisagé s’il y avait une démocratisation de lignes de fret spécialisé, à l’instar du « train des primeurs », dédié au transport de fruits et légumes partant de Saint-Charles près de Perpignan.
C’est une stratégie très importante pour le groupe tournée autour des hommes qui véhiculent nos savoir-faire. Chaque année, 20 000 heures de formation sont dispensées à l’ensemble de nos équipes. Nous avons un programme pépinière pour former les managers ainsi qu’une école gérée avec l’Isteli qui forme tous les ans une quinzaine de jeunes à un bac + 3 RPTL (responsable production transport et logistique) qui effectuent leur alternance dans les différentes sociétés du groupe. Et nous travaillons avec les équipes RH sur la RSE, sur la qualité de vie au travail (QVT), sur la communication interne mais aussi sur différents sujets comme la féminisation dans le groupe. Nous intégrons en effet de plus en plus de collaboratrices sur l’ensemble de nos postes.
Nous sommes sur une activité saisonnière et les contrats courts sont incontournables parce qu’ils répondent à un besoin d’activité temporaire. C’est une contrainte supplémentaire à laquelle il faut que l’on s’adapte et cela malgré nos pics d’activité liés à la saisonnalité. Au-delà du surcoût de ce dispositif, nous avons aussi investi sur notre capacité à intégrer rapidement les nouveaux entrants. Nous rencontrons, comme beaucoup de confrères, des difficultés de recrutement qui sont un réel frein à la croissance. Et plus on digitalise les différents postes et plus on organise notre filière, plus le besoin d’intégration est important pour les collaborateurs. Il y a quelques années, une personne embauchée était mise dans le bain en deux heures, aujourd’hui il y a toute une partie préalable à l’embauche pour informer les gens des process internes. Mais les difficultés de recrutements sont un frein à la croissance puisque sur certains bassins, on a des difficultés à intégrer des collaborateurs sur des saisons courtes.
Les us et coutumes de notre filière intègrent le chargement-déchargement. On charge dans une grande partie des stations fruitières tous les jours. La vraie question sur ce sujet sera sur l’évolution des technologies et du digital qui vont créer davantage de contraintes pour les conducteurs chez nos clients car les process propres internes et les sujets de QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) au sein des différentes entreprises sont de plus en plus importants. L’enjeu est plus autour l’accueil de nos conducteurs au sein des entrepôts de nos clients.
La digitalisation s’inscrit dans notre projet global d’innovation. Nous sommes mobilisés sur l’ensemble des sujets et à très court terme sur des sujets comme la transition du papier vers le numérique : EDI, lettre de voiture, facture, etc. Nous faisons en sorte d’être en mesure de suivre la transition numérique, qui va toucher de l’ensemble de la chaîne de valeur, en renforçant les compétences de nos équipes dans différents domaines comme l’IoT, ou la data. Mais cette transition dépend aussi de nos clients, car cela ne sert à rien de passer au digital si la globalité de la chaîne n’est pas prête.
Biographie de Julien Garnier
2003 : Obtention d’un Master commerce international, à Bordeaux
2003 : Responsable d’exploitation à Primever Rungis
2011: Directeur de Région Sud-Ouest à Primever Sud-Ouest
2016 : Directeur d’exploitation réseau à Primever Services
2020 : Président-directeur général du groupe Primever
Repères
Siège : Agen (47)
Création : 1963
Chiffre d’affaires 2022 : 446 M€
Effectif : 3 000 salariés, dont 1 700 conducteurs
Flotte : 1 200 ensembles
Plateformes : 52 dont 28 en cross-dock
Représentation géographique : 60 départements de collecte, présence sur 9 pays européens