Si les remorques Leleu sont en Tunisie, c'est à la suite d'un reportage télévisé diffusé sur M6. « Notre société est passée un jour dans l'émission Envoyé Spécial, explique Christian Leleu. Comme nous travaillons sur le pays de l'Est, il nous a été demandé de montrer comment nous travaillons dans ces pays en comparaison avec les méthodes de Willi Betz. À la suite de cette émission, j'ai reçu un coup de téléphone d'un Tunisien. Il m'a dit avoir été séduit par ce que nous avons montré et proposé de venir dans son pays. Finalement, Il m'a convaincu... J'ai commencé à chercher du fret et en ai rapidement trouvé... ». Début juillet 2001, le premier ensemble quitte Flixecourt... À son bord, un lot de machines-outils pour une nouvelle usine délocalisée.
Mais depuis, Christian Leleu, dont la PME de Flixecourt (80) est spécialisée dans les transports internationaux européens, a beaucoup déchanté. « Avec des Belges ou les Allemands, les choses sont simples, note le Pdg.. On négocie un prix. On assure le service et le paiement arrive en temps et heures. De l'autre coté de la Méditerranée, tout est différent. Quand la marchandise arrive en Tunisie, on a l'impression que le sport préféré des clients est de chercher tous les moyens permettant de retarder, minimiser ou éviter le paiement... ».
Désormais Christian Leleu multiplie des voyages en Tunisie pour récupérer des impayés. « IIs sont surtout le fait d'entreprises qui ont de la trésorerie, mais ici, différer les paiements est une seconde nature... ». En allant à la rencontre de ses clients locaux, le Français arrive pourtant à régler, après de longues négociations, certains dossiers à l'amiable. Mais, dans d'autres cas, il faut mettre en place des mesures plus radicales.
Ainsi, en s'appuyant sur l'une des plus importantes entreprises de transit et transport de Tunisie, la Société Maghrébine de Transports Terrestres, qui est sa correspondante sur place, Christian Leleu multiplie les blocages de marchandises. « On est obligé de faire pression en permanence pour être réglé. Parfois ils proposent des traites contre la libération de la marchandise. Je les refuse. Ils finissent par payer quand ils ne peuvent plus faire autrement... ». Si la première année d'exploitation de Christian Leleu a donc été un véritable cauchemar, il ne renonce pas pour autant. « J'estime que l'argent perdu est un investissement sur l'avenir de ma ligne régulière... »
Ayant payé pour voir, iI intégrera désormais dans ses propositions, en plus des provisions pour la réparation de ses remorques, les temps perdus et les risques divers, une ligne « frais de recouvrements » qu'il n'avait pas imaginés avant de commencer... « Je sais maintenant qu'il s'agit d'un trafic avec beaucoup d'aléas, mais le marché demeure prometteur... ».
Devenu plus patient, l'homme est persuadé de l'avenir d'un pays où l'Europe vient faire fabriquer ce qu'elle n'est plus capable de réaliser économiquement chez elle. Optimiste, il ne désespère pas d'atteindre son objectif initial qui demeure fixé à 5 remorques aller-retour par semaine pour un chiffre d'affaires annuel de 2 millions d'€.
Les Transports Logistiques Leleu alignent 40 tracteurs et 60 remorques dans leurs locaux flambant neuf de Flixecourt dans la Somme. Membre du groupement Evolutrans, Christian Leleu est un fervent défenseur des unions entre PME du transport. « Au titre d'Evolutrans nous mettons nos moyens en commun pour mieux répondre aux demandes des clients des 80 départements sur lesquels nous sommes présents et nous gérons une bourse de fret interne. Notre développement vers la Tunisie s'inscrit dans cette démarche. Nous voulons être la porte du groupement sur le Maghreb... »
Les transports Leleu laissent en permanence une quinzaine de remorques Tautliners en Tunisie pour être prêts à répondre aux coups de feu d'un trafic aux poussées aléatoires.