La périlleuse route du textile

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La confection de vêtements est l'une des premières activités tunisiennes. De nombreuses semis font régulièrement l'aller et le retour. Mais les avaries et les litiges se multiplient tout au long du parcours.

Ne seraient-ce la température et la luminosité, on a l'impression de faire un saut d'une cinquantaine d'années en arrière dans le temps. Plusieurs centaines de femmes en blouses bleues sont penchées sur leurs machines à coudre. Des jets de vapeurs surgissent ça et là des presses. Cliquetis d'aiguilles et bruits de moteurs industriels, entre les allées étroites séparant les machines, des « monitrices » surveillent la bonne marche des productions.

Ces ateliers sont légions dans les banlieues de Tunis. Les métiers des confectionneurs et tisserands Français ont été les premiers à être débarqués en pièces détachées à Tunis. « Ici nos ouvrières gagnent 250 dinars par mois. C'est bien plus que le Smic local qui est à 190 dinars... » explique le jeune responsable français d'une usine tissant de la maille de luxe pour une grande marque nationale. « Les charges sociales sont inférieures à 25 % et l'on travaille cinq jour et demi sur sept. Et avec un chômage officiel à 15 % mais réel à plus de 30 %, la paix sociale règne en permanence... ». Le dinar tunisien valant trois quarts d'Euro (5 Francs), et la main d'oeuvre de base étant formée comme en France, un simple calcul mental démontre le côté économiquement rentable d'une opération de délocalisation. Les coûts du transport restent dérisoires face aux gains obtenus

Un ballet bien organisé.

Des flottes de remorques transformables spécialisées se promènent donc en permanence des deux côtés de la Méditerranée avec des pointes au moment des collections. Au départ, des rouleaux de tissus sont chargés dans les remorques métalliques spécifiques dont les barres porte-vêtements ont été démontées. Différents colis de groupage complètent les chargements.Les ensembles arrivent à Marseille. Les semis sont garés en attente d'embarquement. Quand le bateau arrive, les dockers procèdent au chargement qui occasionne trop souvent des dégâts aux véhicules. « Frottements » à l'embarquement, collisions, pillages des contenus sont monnaies courantes.

« Nous provisionnons environ 200 Euros par traversée pour entretenir notre parc » expliquent Christophe Bossonnet et Christian Leleu.

Arrivées à Rades, les remorques suivent le chemin inverse avec les mêmes dégâts. Trains de pneus à changer pour cause de non-déblocage des roues lors des tractions, coups, enfoncements, arrachage des pare chocs, torsion des béquilles... Toutes ces manoeuvres s'effectuent sous la vigilante surveillance des douanes locales puisque ces marchandises transitent hors taxes. Le tracteur du correspondant tunisien vient alors chercher le véhicule plombé et commence la tournée des ateliers manufactures ou usines où les vêtements seront confectionnés. Après cette distribution, la remorque sera, après quelques jours d'attente, transformée en porte vêtements. Des dizaines de barres sont remises en place afin de pouvoir accrocher les vêtements terminés munis de leurs cintres et protégés par des housses plastiques. La semi, rechargée en un seul lieu ou effectuant un périple d'usine en usine pour compléter son chargement sera plombée à chaque arrêt par les douaniers attachés au magasin CALE de chaque établissement. Elle repartira ensuite vers le port de Rades pour retourner vers la France. Entre temps, les entrepreneurs français ont souvent la désagréable surprise de découvrir que leurs véhicules ont été en partie pillés du matériel technique d'accrochage indispensable à la bonne marche de ces transports spécialisés.

La rançon d'un trafic déséquilibré.

Car le stationnement des remorques en attente en Tunisie est un véritable cauchemar pour ceux qui ne disposent pas d'un parc fermé. Ce stockage est pourtant rendu obligatoire par des trafics non équilibrés. Les saisons du textile génèrent des calendriers de transport en accordéon. Une première vague apporte les matières premières. Ceux qui n'ont pas prévu un retour resteront sur place les quelques semaines de fabrication pour attendre les livraisons. « Pour arriver à s'en sortir, il faut une organisation sans faille qui consiste à installer des remorques tampon des deux côtés de l'eau afin d'éviter tant que faire se peut les liaisons à vide... »

LDI : l'incontournable du vêtement

Sur la Tunisie et les pays de l'Est, LDI travaille avec les plus grandes marques. Une grande partie des 200 tracteurs de la société emmène les semis, chargés de rouleaux de tissus . Au retour, les semis sont chargés de vêtements terminés, emballés sur des cintres. Ils sont accrochés sur des portants installés à l'intérieur des semis afin qu'ils ne se froissent pas. De trois à quatre semaines s'écoulent entre le moment de la livraison du tissu brut aux usines des sous-traitants dTEXTILEe ces grandes marques et la sortie des vêtements terminés. Une organisation logistique complexe permet de faire tourner les remorques en permanence à pleine charge.

L'espace " Fashioning" (espace d'entreposage spécialisé pour vêtements sur cintres) de 5 000 mètres carrés clos, sécurisé et sous douane est équipé d'une zone modulable de 4 000 mètres linéaires, totalement dédiés aux produits textiles. Ils peuvent accueillir 250 000 vêtements sur cintres. L'entrepôt est organisé en quais nationaux et internationaux par clients afin d'éviter toute erreur. Lors du chargement, les pièces sur cintres, identifiées par un faisceau laser, coulissent sur des rails jusqu'aux remorques aménagées de moquette et munies de barres amovibles, réglables en hauteur et en profondeur. Des convoyeurs facilitent désormais la tâche du personnel de quai. Des systèmes de liaison et de localisation par satellite (GPS) équipent l'ensemble du parc roulant.

En haute saison, le personnel peut manipuler jusqu'à 130 000 pièces par jour. « À part la Tunisie qui représente 10 % de nos activités, nous travaillons beaucoup avec les pays de l'Est notamment la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie où nous possédons des implantations », explique Christophe Bossonnet , Pdg du groupe.

Trois questions à Alain Bréau

Le groupe Mory est désormais un intervenant incontournable sur le Maghreb. Son Président Directeur Général, Alain Bréau en a fait l'un des axes stratégiques du groupe.

L'Officiel des Transporteurs : Sur le secteur des échanges de produits textiles, comment envisagez-vous les évolutions du marché ?

Alain Bréau : « Les marchés sont irréguliers tout au long de l'année car ils suivent les périodes de collections de vêtements. Ils sont déséquilibrés et il y a beaucoup de remorques qui font des voyages à vide. »

L'Officiel des Transporteurs : Quelle stratégie de développement vous praît-elle optimale ?

Alain Bréau : « Il convient de mettre en place des personnels hyper spécialisés tant en commercialisation qu'en exploitation. Ces marchés sont un métier en soi pour lequel il faut avoir les bons professionnels En outre, ll n'existe pas véritablement d'entrepôts sur place. Il est plus efficace d'avoir un équipement barycentré en France comme le grand entrepôt de fashioning de LDI à Besançon. »

L'Officiel des Transporteurs : « Le Maghreb est-il un Eldorado ? Alain Bréau : « NON ! Il s'agit d'un marché encore en croissance, mais dans lequel il faut faire très attention aux nombreuses embûches qui jalonnent les quais... Aujourd'hui il n'offre guère de place à de nouveaux arrivants et les concurrences des pays de l'Est vont le rendre moins attrayant... »

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