Du discours à la pratique

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Et si les chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification, bénéficiaires du RMI et travailleurs handicapés n'étaient pas tous inemployables ? Pénurie de personnels oblige, certaines entreprises de transport redécouvrent l'existence des publics classés « prioritaires » par les pouvoirs publics. Et utilisent à leur profit et à celui de ces populations les dispositifs d'insertion par l'économique. Des tentatives parfois couronnées de succès mais qui rencontrent aussi des obstacles difficiles à franchir.

«L'insertion nous tient à coeur », jure Daniel Grasset, directeur du développement du groupe Aft-Iftim. Pénurie oblige, les transporteurs redécouvrent l'existence des publics classés « prioritaires » par les pouvoirs publics, dans le cadre de la loi de 1998 relative à la lutte contre l'exclusion. Derrière ce jargon se cachent les chômeurs de longue durée, les jeunes sans qualification, les bénéficiaires du RMI et les travailleurs handicapés. Et Daniel Grasset de préciser : « il faut élargir la palette du recrutement ». Rien à voir donc, avec une subite conversion de la profession aux principes de l'entreprise citoyenne. Simplement, nécessité fait loi. A cet égard, le tassement de la croissance depuis septembre 2001 ne change pas fondamentalement la donne. Le transport routier de marchandises continue de manquer de bras. Pour les seuls conducteurs, l'Aft-Iftim estime les besoins quantitatifs en recrutement et formation à 25 000 par an. Reste qu'il peut sembler paradoxal d'entendre parler de pénurie alors que 650 000 demandeurs d'emploi pointent à l'ANPE depuis plus d'un an. « Pendant les années fastes, le manque de main d'oeuvre était tel que les chômeurs les plus employables trouvaient facilement des postes de conducteurs », analyse Patrick Marcet, directeur général de Promotrans. Autrement dit les entreprises se sont précipitées sur les salariés et chômeurs les mieux formés et les plus motivés. En négligeant au passage un vivier de plusieurs centaines de milliers de demandeurs d'emploi. Une vision à court terme que la profession paie aujourd'hui au prix fort. Et si par hypothèse, ces gens-là n'étaient pas tous inaptes, démotivés ou « inemployables » ? C'est en tout cas le pari que fait un nombre croissant de professionnels du transport, en particulier dans les pme. Lesquels utilisent à leur profit et à celui de ces populations les dispositifs d'insertion par l'économique.

Encore l'exception.

Marie-Antoinette Pupier est de ceux-là. « L'avenir du transport passe par le social », martèle la gérante des Transports Péjy, basés dans la Loire (43 salariés). Au point qu'elle affirme passer systématiquement par l'ANPE lorsqu'elle a besoin de pourvoir un poste, et ce, depuis maintenant une bonne quinzaine d'années. Mieux : cette dirigeante finance la promotion interne de ses salariés via le stage d'accès à l'entreprise (voir encadré). Une formule qui favorise également l'insertion puisqu'en contrepartie des aides, l'entreprise s'engage à embaucher un demandeur d'emploi. En somme, tout le monde y trouve son compte. C'est exactement ce que soulignait Gaston Bessay, vice président du Conseil national des transports, dans une étude de 1998 mais toujours d'actualité (1). « Beaucoup de travailleurs exclus - ou en tout cas engagés dans un processus d'exclusion - éprouvent des difficultés à se réinsérer dans les filières classiques de recrutement, observe Gaston Bessay. Par contre, dans certains cas, ils peuvent sans formalités excessives, remettre un pied dans le monde du travail par le biais du transport routier ». Mais, le discours d'un Gaston Bessay et la pratique d'une Marie-Antoinette Pupier relèvent encore de l'exception. Pour une partie de la profession, les jeunes et les chômeurs de longue durée ne sont pas fiables. Comme si du RMI à la marginalité il n'y avait qu'un pas... « On ne confie pas du matériel et des marchandises de valeur à n'importe qui, explique Christian Rose, secrétaire général de l'Unostra. Les exigences de formation ont déjà du mal à être satisfaites par le public classique, alors ce qui est un frein à l'entrée dans le secteur l'est encore plus pour les personnes en difficulté ».

La nébuleuse des dispositifs.

Manifestement, un gros travail d'information en direction des entreprises s'impose. Faute de quoi, les politiques en faveur de l'insertion risquent de rester au stade de voeu pieux et dans vingt ans les mêmes entonneront encore la ritournelle de la pénurie. « Les entreprises connaissent mal les mesures et dispositifs d'aide à l'emploi », reconnaît Marie-Thérèse Davoisne, conseillère principale à l'unité transports et logistique de l'ANPE Ile-de-France. Pour y remédier, elle va convier régulièrement les chefs d'entreprise à des petits déjeuners d'information. Aide au recrutement de stagiaires, assistance à l'embauche et aux procédures administratives, les antennes régionales de l'Aft-Iftim contribuent également, au travers de leur Service emploi -formation-information (SEFI), à démystifier la nébuleuse des dispositifs d'insertion. L'organisme de formation n'oublie pas les salariés puisque le SEFI s'adresse a été prioritairement conçu pour les jeunes et les demandeurs d'emploi. Dans le même esprit, les Plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), véritables plate-formes rassemblant institutions spécialisées (ANPE, missions locales, associations) et financeurs (Etat, collectivités locales) veillent scrupuleusement à associer les chefs d'entreprise à l'élaboration des actions visant les publics en difficulté.

Une fois la glace brisée et certains malentendus levés, la partie n'est pas encore totalement gagnée. Avant de sceller un partenariat solide et durable avec les employeurs, les structures d'insertion doivent arriver à les convaincre qu'ils ont tout intérêt à favoriser l'intégration des populations prioritaires. Un résultat qu'elles peinent souvent à obtenir en raison du taux de réussite extrêmement variable d'une initiative à l'autre. Maint patrons expriment ainsi leur agacement d'avoir affaire à des jeunes souvent mal orientés ou, pire, peu ou peu motivés. « Certains employeurs étaient très remontés contre nous à l'issue d'une action portant sur des jeunes en contrat de qualification », confirme Lydie Dagonneau, directrice du PLIE de Saint-Brieuc. Il faut dire qu'en l'espèce, sur huit jeunes embauchés quatre ont démissionné avant la fin de leur contrat. Sans parler de ceux qui sont partis peu après la fin de leur formation... Deux ans après les faits, Arnaud de Rocheboué, gérant du messager Gauthier à St Brieuc dans les Côtes d'Armor (65 salariés), garde le coeur gros. Amer, il explique qu'il s'est séparé du conducteur que lui avait envoyé le Plie. Motif : « J'ai formé un chauffeur qui rechignait à s'occuper des déchargements et n'aimait pas le contact avec la clientèle. Bref, il avait le profil typique du routier longue distance, ce qu'il voulait devenir d'ailleurs ». Il existe pourtant des moyens d'éviter pareilles erreurs de « casting », suggère le chef d'entreprise. En allongeant par exemple la durée des évaluations en milieu de travail. « Dix jours d'immersion c'est beaucoup trop court, on n'a pas le temps de bien voir toutes les facettes du métier», assure-t-il. Au-delà de la nécessité de renforcer l'information sur les métiers du transport et de la logistique, la mise en oeuvre de sas de pré-qualification offre la meilleure prévention contre les risques de mauvaise orientation. En clair, plutôt que d'envoyer un jeune se former directement en entreprise, au risque de découvrir un peu tard qu'il n'était pas fait pour rouler, mieux vaut tester au préalable ses capacités et son potentiel. Le cas échéant, l'ANPE ou l'organisme de formation l'aiguillera vers un stage de remise à niveau, généralement piloté par une association ou un organisme spécialisé. De quoi s'agit-il ? « D'une durée de 9 semaines, nos stages comprennent des cours de français et de maths appliqués aux métiers du transport et de la logistique, explique Françoise Guillochon, directrice de l'association Astrolabe à Villemomble en Seine-Saint-Denis. Nous travaillons également beaucoup sur la motivation ainsi que sur les comportements en milieu professionnel ».

Des freins au recrutement.

Par ailleurs, un bon système de tutorat est le meilleur gage d'une insertion réussie. « Il faut les suivre au plus près. Je peux vous dire d'expérience que le tuteur a entre ses mains les clés de l'avenir d'un stagiaire », assure Marie-Antoinette Pupier, des Transports Péjy. La qualité de l'accompagnement, pendant mais aussi après la formation, a en effet un impact déterminant sur le résultat final. Chez ECF Paris sud, des éducateurs spécialisés suivent individuellement les stagiaires pendant les quatre mois en moyenne que dure la formation. Et jusqu'à six mois après la fin de la formation. Et pour cause : on ne peut vraiment parler d'insertion aboutie qu'à partir du moment où l'ancien chômeur a véritablement pérennisé son emploi. Vue de l'extérieur, la machine à réinsérer, forte de ses dispositifs mis en musique par des « structures d'insertion », semble sinon infaillible du moins cohérente. Erreur. Une vilaine tache noircit le joli tableau dépeint par l'ANPE et consorts. Il s'agit de l'épineux problème de l'inadaptation du contrat de qualification aux spécificités du métier de conducteur. « Le fondement même du contrat de qualification fait qu'en principe, le jeune doit aller jusqu'au bout pour décrocher son diplôme, explique Mario Rebaudingo, consultant en formation de conducteur. Or, dans les faits, on est obligé de le qualifier pour le faire rouler, alors que dans la logique du contrat de qualification, ce devrait être l'inverse ». Bref, les jeunes n'ont pas d'autre choix que de mettre la charrue avant les boeufs. Une situation lourde de conséquences pour les employeurs. D'abord parce que les candidats, non opérationnels en début de contrat, représentent un coût important pour l'entreprise. D'autre part, facteur aggravant, il n'est pas rare que dès l'obtention du permis et de la FIMO (formation initiale minimale obligatoire), l'apprenti conducteur interrompe son contrat et cherche un autre employeur. Ce qui peut s'expliquer par la modicité du salaire versé à un jeune en contrat de qualification, à savoir en moyenne 65% du Smic. D'où le désarroi de ces entrepreneurs qui dépensent temps et argent pour un retour sur investissement proche de zéro. Vincent Leclerc en a fait l'expérience. Ce dirigeant nordiste d'une PME de transport de masses indivisibles affirme être définitivement dégoûté de la formation et de l'insertion. « Les jeunes ? Vous leur offrez une chance et dès que vous les avez formés ils partent voir ailleurs, lâche-t-il désabusé. Récemment, deux d'entre eux, en contrat de qualification, m'ont laissé tomber au bout de quatre mois. Je peux vous jurer qu'on ne m'y reprendra plus ».

Comment sortir de cette impasse ? Tant que la législation continuera d'être appliquée telle quelle, les entreprises et les institutionnels de terrain en seront réduits à bricoler des solutions provisoires. A l'image du PLIE de l'Avesnois (Nord) qui, en 2000, a obtenu du conseil régional le paiement des deux premiers mois de formation de huit jeunes et adultes en contrat de qualification. « Cette prise en charge a sécurisé les chefs d'entreprise, lesquels avaient beaucoup moins à perdre que dans le dispositif de droit commun », explique Pierre James, du PLIE de l'Avesnois. En prime, l'opération s'est avérée une relative réussite, puisque sur les huit personnes concernées, cinq ont été embauchées dans la foulée de leur contrat de qualification. Comme quoi, la confiance, lorsqu'elle est partagée, peut faire des miracles. Les promoteurs des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (Geiq) en sont persuadés. « Les Geiq ont pour vocation d'organiser des parcours d'insertion et de qualification professionnelle au profit des jeunes sans qualification, des demandeurs d'emploi de longue durée et des bénéficiaires du RMI», explique Jean Dalichoux, secrétaire général du comité national de coordination et d'évaluation des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification. Incontestablement, les Geiq ont le vent en poupe dans le secteur du transport, où il ne se passe quasiment pas un mois sans qu'un groupement ne voie le jour. Dernier venu, après ceux de Metz (2) et des Pays de Loire : le Geiq transports de la Loire. Il faut dire que l'adhésion à un Geiq présente de multiples avantages, tant pour les employeurs que pour les demandeurs d'emploi. Côté patrons, le Geiq décharge l'entreprise des charges administratives et de gestion, puisque c'est lui qui emploie les salariés. Autre intérêt majeur : le groupement permet une mutualisation des coûts entre tous les adhérents. Concrètement, les risques de départ en cours de contrat sont répartis entre les membres. Envolés également les soucis de recrutement, le Geiq s'occupe de tout. Y compris du tutorat des candidats en contrat d'alternance. Côté salariés, le Geiq leur offre, outre l'acquisition d'une qualification suivie dans 70% des cas de l'obtention d'un emploi, la possibilité de travailler dans plusieurs entreprises adhérentes. Depuis qu'il a adhéré au groupement franc-comtois Trans service emploi, Raymond Baurand a radicalement révisé son jugement sur les chômeurs. « Avant, je n'osais pas prendre des jeunes inscrits à l'ANPE, à cause des problèmes d'alcool et de comportement», reconnaît le dirigeant de cette pme qui emploie 100 chauffeurs. C'est le groupement qui lui a fait franchir le pas. Aujourd'hui, son effectif est constitué à 30% d'anciens jeunes sans qualification ou de chômeurs de longue durée ! Et ce n'est pas fini. « Je compte bien en reprendre ! ».

(1) « Recherche sur le processus de réinsertion sociale dans le transport routier», dans le cadre du PREDIT (Programme national de recherche et d'innovation dans les transports terrestres), octobre 1998.

(2) A propos des conditions de mise en place du Geiq Val de Metz, voir l'étude du cabinet Bernard Brunhes consultants, « Les solutions innovantes pour améliorer le recrutement des conducteurs routiers de marchandises », octobre 2001.

DISPOSITIFS D'INSERTION
Mode d'emploi

- Contrat de qualification jeunes

Public visé : jeunes entre 16 et 25 ans, sans qualification ou avec une qualification n'ayant pas permis au demandeur de retrouver un emploi.

Durée : de 6 à 24 mois.

Prise en charge : l'entreprise rémunère le jeune entre 30 et 75% du SMIC ou du minimum conventionnel, en fonction de l'âge.

Déroulement : le jeune suit une formation dispensée par un organisme de formation, pendant le temps de travail. Celle-ci représente au minimum 25% de la durée totale du contrat de travail. Cette qualification débouche sur un diplôme reconnu par l'Etat.

Le jeune est encadré et accompagné par un tuteur.

Aides : l'entreprise est exonérée à 100% des cotisations patronales à concurrence du Smic. Par ailleurs, les frais de formation peuvent être pris en charge par un organisme paritaire collecteur (OPCA).

- Contrat de qualification adultes

Public visé : au moins 26 ans.

Prise en charge : le bénéficiaire est payé par l'entreprise au smic ou au minimum conventionnel.

Durée et déroulement : comme pour le contrat de qualification jeune.

Aides : dispositif identique à celui du contrat de qualification « jeunes ». En outre, l'entreprise bénéficie d'une aide à l'embauche de 1524 euros si le demandeur était inscrit au chômage pendant 12 des 18 derniers mois.

- Stages d'accès à l'entreprise (SAE)

Public visé : un chômeur que l'entreprise s'engage à recruter à l'issue de la formation ; ou un salarié de l'entreprise bénéficiant d'une promotion interne. En contrepartie, l'employeur s'engage à embaucher un demandeur d'emploi sur le poste libéré.

Prise en charge : les frais de formation sont partiellement ou totalement pris en charge par l'Etat, lequel rémunère (ou l'Assedic) le demandeur d'emploi.

Durée : de 40 à 500 heures. En moyenne : 300 heures. Ils peuvent être prolongés jusqu'à 750 heures pour les demandeurs d'emploi de longue durée.

Déroulement : la formation peut être dispensée par un moniteur, si l'entreprise en possède un, ou assurée par un organisme de formation agréé. A l'issue de la formation, l'entreprise doit embaucher le stagiaire en contrat à durée indéterminée sans période d'essai ou en contrat à durée déterminée d'une durée minimum de six mois.

- Evaluation en milieu de travail (EMT) préalable à l'embauche

Public visé : tout demandeur d'emploi. Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, une entreprise doit déposer une offre d'emploi à l'ANPE et signer une convention avec l'ANPE et le chômeur.

Prise en charge : le demandeur d'emploi touche son allocation chômage pendant la durée du stage. L'ANPE assure sa couverture sociale.

Durée : au maximum 40 heures.

Déroulement : L'entreprise évalue le candidat à partir des tâches qu'il lui aura préalablement confiées. A l'issue de l'évaluation, l'entreprise peut recruter le demandeur d'emploi. Dans le cas contraire, elle doit retourner au candidat et à l'ANPE la fiche d'évaluation dûment complétée.

Source :ANPE

Jouad, Philippe et Tahar témoignent

Jaouad Adib, 23 ans, travaille pour Genilog, un groupement d'employeurs logistique pour l'insertion et la qualification basé à Saint Quentin Fallavier dans l'Isère. Après un bilan de compétences, l'ANPE oriente ce bachelier vers les métiers de la logistique. En juin 2001, il signe un contrat de qualification avec Genilog, dans le but de préparer un certificat de qualification professionnelle (niveau CAP). « Pour un jeune sans qualification ni expérience, la formule du Geiq est super. On apprend un métier en étant presque assuré de trouver du boulot à la sortie. Et puis, je me sens entouré et conseillé. En cas de problème ou de doute, je peux faire appel à mon tuteur. Autre avantage, on travaille pour plusieurs entreprises. C'est un plus sur un CV». Philippe Paris, 33 ans, est conducteur courte distance pour le compte de la Fnat, à Pantin (93). Cet ancien télésurveillant de nuit est resté un an et demi au chômage. Avant d'effectuer une formation de trois mois et demi à l'ECF (Ecole de conduite française) Paris sud, où il a décroché le permis C puis la FIMO. « J'ai été agréablement surpris par la manière dont s'est déroulée la formation. Rien à voir avec l'école, dont je gardais un mauvais souvenir. Ca s'est bien passé dans le sens où c'était rapide. Surtout, les formateurs étaient vraiment disponibles vis-à-vis de chaque stagiaire. Cela m'a énormément motivé pour la suite. En plus, j'ai eu un peu de chance : le patron chez qui j'avais été en stage m'a appelé dès que j'ai eu la FIMO pour me proposer un contrat à durée indéterminée alors qu'au départ il m'avait dit qu'il n'embauchait pas ». Tahar Messaouden, 30 ans, conducteur chez Péjy, une pme de transport stéphanoise, n'aurait jamais dû connaître le chômage. Ce bachelier doté d'un niveau Deug est largement surdiplômé. Et pourtant, il a dû patienter pendant trois longues années, de petits boulots en emplois saisonniers, avant de trouver un emploi stable dans le transport de marchandises. Rhône-Alpes serait pourtant la région française la plus demandeuse de personnel avec l'Ile-de-France ! « Le racisme, dans le transport comme ailleurs, est une réalité ; je l'ai vécu et mes copains qui cherchent du boulot le subissent encore régulièrement » observe-t-il. Persévérant, Tahar a fini par trouver un employeur à la recherche de compétences. Déjà titulaire du permis C, il a juste eu besoin de suivre une formation à la conduite de matières dangereuses. A l'issue de laquelle il a été embauché. « Aujourd'hui, j'ai repris confiance en moi ».

RECRUTEMENT
Le transport teste la méthode Lemoine

L'ANPE de l'Hérault expérimente depuis l'an dernier un nouveau mode de recrutement pour faire face à la pénurie de conducteurs routiers. La méthode Lemoine, du nom d'un universitaire et directeur de l'ANPE des Deux-Sèvres, fait la part belle aux habiletés. L'idée étant que chaque individu développerait un certain nombre d'aptitudes non réductibles aux qualifications attestées par les diplômes ou à l'expérience professionnelle. Objectif de cette méthode, fondée sur des tests simulant des situations de travail : personnaliser les procédures de recrutement en partant des besoins concrets des entreprises. Les exercices soumis aux candidats permettent d'observer leur capacité à surmonter des difficultés auxquelles ils seront confrontés en situation réelle. Autre mérite de la méthode des habiletés, révélé par l'usage : fini l'arbitraire de la sélection par CV ou par entretien, qui conduisent souvent à écarter des profils jugés a priori peu « employables ». Surtout s'il s'agit de jeunes sans qualification, issus d'un quartier réputé difficile ou chômeurs en fin de droit. Les tests ont été validés par les représentants des fédérations professionnelles (FNTR, TLF et Unostra). Ils sont conçus pour sélectionner en amont les candidats aptes à suivre une formation classique de conducteur (permis, FIMO). Dans les locaux de l'ANPE, les candidats passent une série d'épreuves visant à évaluer leurs réflexes, leur faculté à se repérer dans l'espace et leur sens du relationnel. Une centaine de chômeurs de longue durée et de RMIstes ont ainsi été testés l'an dernier. Pour un taux de réussite de 60%, soit « un résultat encourageant » selon l'ANPE, qui envisage de pérenniser l'opération. D'autant que les candidats malheureux ont la possibilité, s'ils souhaitent poursuivre dans cette voie, de suivre des formations pré-qualifiantes, en fonction des lacunes mises en évidence. Ils peuvent également repasser les tests six mois plus tard. Ceux qui ont franchi l'obstacle sont déclarés aptes à suivre une formation dispensée par un organisme spécialisé. « Les employeurs du département ont apprécié cette méthode, au point de nous envoyer par fois eux-mêmes des candidats pour les tester », assure Marie-Claude Benkhala, conseillère principale à l'ANPE de Montpellier Euromédecine. Les organismes de formation (Aft-Iftim ou Promotrans) y trouvent également leur compte. « Ils jugent les personnes ainsi sélectionnées plus motivées que la moyenne des candidats qu'ils reçoivent », précise Marie-Claude Benkhala. Si la méthode des habiletés n'est un remède miracle aux problèmes de recrutement, elle offre l'avantage de coller au plus près aux pré-requis exigés par les formateurs. D'où sa diffusion rapide dans toute la France. Après le Languedoc-Roussillon, l'Aft-Iftim s'apprête à l'introduire en Aquitaine. La Fédération des entreprises de transport et logistique (TLF) lui emboîte le pas en Basse Normandie.

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