Une relation toujours plus digitalisée

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Intégrées à différentes étapes de la relation des transporteurs avec leurs clients, de la prise de commande à la facturation, les technologies numériques investissent moins le champ de la relation commerciale. La concentration et l’analyse des données à des fins de prospection, de gestion et de stratégie « business » demeurent réservées à des entreprises en contact direct avec les consommateurs finaux, ou à des grands groupes. Mais les outils existent, les fédérations professionnelles passent convention avec des éditeurs et les chefs d’entreprise se montrent attentifs.Dossier réalisé par Florence Roux

Digitalisée, la relation avec les clients ? Elle progresse, au moins en matière d’échanges de données informatisés (EDI). En 2018, 93 % des transporteurs exploitent les données informatiques à leur disposition, selon une étude du comité national routier (CNR). S’ils numérisent majoritairement des fonctions métiers, comme la géolocalisation (83 % des cas) ou les temps de service (80 %), 33 % d’entre eux ont mis en place des EDI avec leurs partenaires économiques. À 61 % dans les entreprises de plus de 100 salariés, à 6 % chez les moins de 20 salariés.

15 à 20 % de flux dématérialisés

Les échanges numérisés progressent, comme en témoigne Loïc Neraudau, directeur du service informatique et de la QHSE du Groupe Premat (600 salariés,70 M€ de chiffre d’affaires en 2019) : « Entre 15 et 20 % de nos flux sont dématérialisés à 100 %, intégrant donc la signature électronique du bon de livraison, note-t-il. C’est en croissance forte cette année. » L’entreprise, qui possède un service informatique intégré, dispose, selon le directeur, « de tous les outils pour tous les échanges d’informations avec le client », de l’envoi de l’ordre de mission vers le camion à la facturation en passant par le suivi de la traçabilité de la livraison. Pour Philippe Premat, P-dg du groupe, « digitaliser l’activité et les relations avec le client répond à la fois à l’exigence environnementale de réduire l’utilisation du papier, et à une efficacité économique. La numérisation permet de facturer une opération dès qu’elle est terminée, tout en limitant l’engorgement d’informations et les erreurs ».

Aux Transports de Savoie (plus de 200 salariés, 38 M€ de chiffre d’affaires en 2018), le service informatique (SI) existe depuis une quarantaine d’années et compte quatre personnes. « Cette gestion interne nous permet de créer des services dédiés au plus près de la demande des clients, explique Hugo Richard, responsable du SI. Ils peuvent, depuis un portail ou de leurs smartphones, commander puis suivre les opérations de chargement et de livraison. Et comme nous avons la main sur ces outils, nous les adaptons nous-mêmes en permanence, et proposons des outils spécifiques pour aider nos clients à gérer leurs documents de transport ou leurs dépôts déportés, par exemple. »

Également très acquis à l’intérêt de la numérisation, Romaric Maurel, jeune directeur général des transports éponymes (164 salariés, 22 M€ de chiffre d’affaires), a déployé les outils digitaux, privilégiant autant que possible la relation directe, « pour développer l’interconnectivité client/ exploitant, exploitation/ conducteur, vers des camions de plus en plus connectés, dit-il. Via les smartphones, nous transmettons aux conducteurs leurs missions, et en retour, ils valident et retournent, notamment, des photos ou des lettres de voiture. Nous informons souvent le client par mail, avec la lettre en PDF. Nous pourrions progresser dans la dématérialisation, mais certains partenaires préfèrent encore le papier ».

Des freins et de la diversité

Une partie des clients, pas forcément les plus petits, résistent à la mise en place du tout numérique, en particulier à la signature totalement dématérialisée de la lettre de voiture. « Pour digitaliser tous les documents, il est essentiel de convaincre chaque client de l’intérêt de la numérisation, pour gagner du temps en traçant mieux les flux, remarque Loïc Neraudau. Nous comprenons aussi que la signature d’un bon de livraison sur tablette, par exemple, n’est pas forcément adaptée à tous les contextes ni à tous les métiers. » Il y a de moins en moins de freins, observe Romaric Maurel, mais « la digitalisation présente une limite : la diversité des systèmes des clients et des applications que nous devons télécharger. Pour la prise de commande, par exemple. Il nous faut réussir à mieux uniformiser les systèmes pour favoriser leur interopérabilité », histoire de bénéficier pleinement de la simplification et de la fluidité qu’induit la digitalisation. À cette fin, selon Loïc Neraudau, « il est impératif de tenir compte du degré de “maturité numérique” du système informatique des clients ».

Cette « maturité digitale » varie aussi selon les activités et dépend donc du mode d’organisation des flux. Ainsi, pour le spécialiste du transport de meubles et de colis volumineux Agediss, qui livre essentiellement des particuliers, la signature sur tablette est entrée dans les mœurs, la transmission d’informations en direct entre le conducteur et le destinataire s’impose (voir encadré page…). « Réseaux-dépendant », le consommateur, client du client, se révèle même intransigeant sur le timing et le suivi, n’hésitant pas à donner son avis sur la qualité d’un produit ou d’un service par Internet.

« Les nouveaux modes de consommation et de distribution, e-commerce ou drive, ont de forts impacts sur la supply chain, estime Hélène Kerjean, directrice du marketing de l’éditeur d’outils digitaux Akanea développement. Au-delà du transport, les transporteurs doivent apporter à leur client plus d’informations et de traçabilité, pour se différencier. C’est pourquoi nous plaçons ces outils d’échange au cœur de nos offres. »

L’éditeur a créé, il y a plus de sept ans, une station chargeur où le client peut envoyer et suivre sa commande. Cette plateforme intégrera bientôt de nouvelles fonctionnalités, telle la facture ou le temps estimatif d’arrivée de la livraison. « Il y a quelques années, nous étions dans le prévisionnel, remarque Hélène Kerjean. Aujourd’hui, nous sommes dans le “direct” et nous allons entrer dans le prédictif grâce aux données et aux outils statistiques. Cette évolution pourrait amener à revoir l’organisation des tournées, et faire évoluer la relation avec les clients. »

Le direct, voire l’estimation, dans une relation fluidifiée avec le client, c’est ce qui entre dans le champ de Dashdoc. L’éditeur propose, autour de sa solution de e-CMR, de contribuer à la collecte et au partage des données du transport en temps réel entre les clients, le donneur d’ordre, le transporteur, les expéditeurs et les destinataires. Selon Benoît Jonquez, le P-dg, « il importe d’offrir au client professionnel du transporteur le même niveau de service et d’information qu’au consommateur à domicile, en particulier pour la saisie de la commande, le suivi en direct, ou la signature sur tablette ».

La CRM au service de la relation commerciale

Autre champ de la relation avec les clients, la stratégie commerciale et la gestion de la relation client (GRC, ou en anglais CRM, pour customer relationship management) reste encore le fait de grands groupes ou d’ETI du secteur. « Le marché du transport routier de marchandises se digitalise fortement et vite, estime Frédéric Naudin, directeur général d’Ines CRM, éditeur de solutions de gestion numérisée de la relation client. Les entreprises ont beaucoup digitalisé le management des fonctions métier. Aujourd’hui, la gestion des relations client et la CRM complètent l’outillage. Pour beaucoup de transporteurs, la CRM peut être la première brique d’un pilotage et d’une organisation de la stratégie commerciale, puis marketing ».

La FNTR, à la suite de TLF Auvergne-Rhône-Alpes, a signé fin janvier un accord de partenariat avec Ines CRM qui, selon son DG, travaille depuis cinq ans avec des acteurs du secteur. « Il s’agit de proposer aux adhérents une plateforme collaborative, ouverte et mobile, au service de leur développement commercial », souligne-t-on à la fédération. Outre un stockage de données, hébergées sur des serveurs sécurisés en France ou en Suisse, la PME propose notamment, sous forme d’abonnement, un outil « interopérable avec les TMS du secteur », souligne Thomas Bierry, directeur de la communication. Installé sur smartphone, notamment, il peut aider les équipes commerciales à mieux préparer leurs rendez-vous avec une information exhaustive, « historicisée » et classée pour chaque client. Plus largement, « il permet au top management d’avoir une vision à 360° des évolutions de sa clientèle », précise le directeur. Chez TDS, Hugo Richard explique : « Actuellement, les commerciaux ou la direction s’organisent pour consulter les fiches clients, chercher les informations pour les analyser. Mais nous pouvons, en fonction de leurs besoins, créer une solution sur mesure qui pourrait, par exemple, archiver un historique des rendez-vous clients, les échanges sur des litiges, l’évolution du volume d’affaires. Nous n’avons pas encore créé les outils pour cela, mais on va y venir… pour acquérir une vue globale de la relation avec un client. »

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