Le soleil n’est pas encore levé en cette mi-octobre sur les routes du Nord. Frédéric Brevière, 30 ans d’ancienneté au sein de Ramette Transport, se tient déjà prêt pour le premier chargement de la grue de la journée, comme deux de ses collègues garés devant lui. Le conducteur qui participe depuis le début de sa carrière à la campagne betteravière apprécie l’énergie et la convivialité de cette période. Son équipe, affectée sur les ramassages entre Saint-Omer et Calais pour rejoindre la sucrerie Tereos de Lillers, est constituée d’une quinzaine de conducteurs dépendant de sept entreprises différentes. « Sur ce secteur, nous parvenons chacun à réaliser jusqu’à 6 tours par jour, souligne-t-il. Un seul tour nécessite un trajet minimum de 80 km aller-retour. Si nous nous éloignons vers Calais, nous dépassons difficilement les 4 tours. » Sa première mission dans le transport, en 1985, après deux ans passés dans une ferme, concernait d’ailleurs déjà cette récolte annuelle. Rouler dans les petits chemins, retrouver une ambiance d’équipe agréable ou encore disposer d’horaires fixes, cette période lui convient davantage que la grande route et les découchers. Pourtant, la campagne betteravière se révèle plus éreintante, concède-t-il : « Tous les matins, je me lève à 3 h 30 pour partir à 4 h 15. Mais je fais partie de l’équipe de jour, ce qui est quand même un véritable atout. Je prends souvent quelques jours de vacances quand la campagne se termine. » Ses deux collègues chargent avant lui. Le tas restant ne remplit qu’un quart de la benne, ce qui contrarie Frédéric Brevière : « Je dois aller compléter le chargement sur un autre champ, soupire-t-il. Je commence ma journée par un détour. Je vais déjà perdre du temps… ».
« La campagne de betteraves correspond à une période d’émulation dans nos équipes, nous essayons d’ailleurs de n’inclure que des gens motivés sur cette activité, souligne Didier Ramette, directeur du groupe Ramette ainsi que président du groupement France Bennes. Ils se retrouvent pendant quatre mois en double poste, de 5 h à 17 h ou de 17 h à 5 h, cinq jours sur 7. En fin de campagne, ils sont en général bien fatigués. » Si l’activité ne représente que 4 % de chiffre d’affaires, elle permet au groupe de compenser les pertes dues à la baisse de volumes sur les autres marchés pendant les mois creux de l’hiver. Mais les périodes de campagne tendent de plus en plus à s’allonger. Alors qu’elles se déroulaient entre mi-septembre et mi-décembre auparavant, elles durent aujourd’hui 4 mois. Un nouvel allongement est d’ores et déjà anticipé pour l’année 2017, suite à la libéralisation du marché. « Nous prévoyons une fin vers le 25 janvier pour la prochaine campagne, indique Didier Ramette.
Ce rallongement s’avère conséquent pour nous comme pour la sucrerie. Nous avons un investissement dans une usine qui travaillera 10 % en plus. Ce surplus se répercutera malheureusement sur nos charges fixes. » Le groupe dédie 3 véhicules en double poste à la campagne betteravière, occupant à temps plein 6 salariés sur la période.
Frédéric Brevière parcourt quelque 20 km supplémentaires pour compléter son chargement avant de rejoindre la sucrerie Tereos de Lillers. Deux jeux de balance identifient et pèsent les poids lourds, à chaque entrée et à chaque sortie de l’usine. Frédéric Brevière est en sous-charge, à 42,500 t. Le conducteur doit savoir juger au plus près du volume de betteraves qui correspond au poids, en évitant à la fois d’être trop en-dessous, parce qu’il perd du chiffre, et trop au-dessus, parce qu’il transporte pour rien. Après avoir déversé la totalité du contenu de la benne dans un bassin, il vérifie que la grille arrière du véhicule est bien relevée et bloquée afin d’éviter tout risque d’ouverture en pleine route. Et il s’élance sur son deuxième tour.
Chaque équipe dispose d’une machine de chargement, soit d’une grue accompagnée d’un déterreur, soit d’un avaleur. Ce dernier permet de charger la benne en quelque 3 minutes en progressant lentement au-dessus du tas de betteraves. Ce système limite fortement les résidus de terre. Le tas de betterave doit toutefois être bien formé et en bordure de champ car la machine, bien large, ne s’enfonce pas dans les recoins. L’équipe de Frédéric Brevière utilise une grue et un déterreur, une imposante trémie équipée d’un tapis permettant de nettoyer la betterave avant son chargement dans le camion. Aux commandes de la grue, Antoine qui réalise sa deuxième saison, enclenche le début de remplissage. Son regard s’est habitué en quelques semaines à juger du remplissage de chaque benne pour atteindre au plus près les 44 t. De retour à la sucrerie, l’écran de la balance affiche cette fois 44,880 t. « Les 880 kg en surcharge ne seront pas payés, soupire Frédéric. Je préfèrerais qu’une moyenne soit faite sur les différents voyages réalisés en une journée… C’est difficile de juger à l’œil le volume chargé, d’autant que le poids de la terre s’ajoute. » Un employé de la sucrerie indique cette fois que le camion doit effectuer un crochet à l’échantillonneur avant de se rendre à la cour. Le cultivateur de betteraves obtient une rémunération à la tonne-sucre et non à la tonne-betterave. Deux à trois sondages sont ainsi réalisés par champ de betteraves afin de vérifier dans le laboratoire la quantité de déchets accrochés mais aussi d’analyser la teneur en sucre du tubercule.
À 17 h, Frédéric Brevière revient au dépôt à Merville après avoir réalisé 4 tours. Un peu déçu par son résultat, il laisse les clefs à son collègue de nuit en espérant réaliser une meilleure productivité le lendemain.
Amorcée le 15 septembre cette année, la campagne betteravière devrait se terminer vers le 15 janvier. Sur l’ensemble des cultures en France, la production de betterave est en baisse, à – 3 %, soit 12,2 t de sucre par hectare, dû à une forte pluviométrie au printemps. La récolte de betteraves est estimée à 34 Mt cette année, contre 33,5 Mt l’an passé grâce à une extension des surfaces. Le groupe dédie 3 véhicules en double poste à la campagne betteravière, occupant à temps plein 6 salariés sur la période. Les conducteurs roulent ainsi de 5 h à 17 h ou de 17 h à 5 h. Avec la fin des quotas, les Transports Ramette se préparent à une fin de campagne au 25 janvier l’année prochaine.
1 Rouler dans les petits chemins, retrouver une ambiance d’équipe agréable ou encore disposer d’horaires fixes. Avec 30 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise, Frédéric Brevière, conducteur apprécie les périodes de campagne betteravière. C’était d’ailleurs sa première mission en 1985. Pourtant, la campagne betteravière se révèle éreintante concède-t-il : « Tous les matins, je me lève à 3 h 30 pour partir à 4 h 15. Je cherche à être présent pour le premier chargement, à 6 h. » Il regrette parfois l’ambiance du début de sa carrière, même si les camions étaient moins confortables. « Dès que l’un des chauffeurs s’arrêtaient pour une pause, les collègues s’arrêtaient au même moment, indique-t-il. C’était le grand temps de la Cibi. »
2 Les sucreries s’attachent par contrat à un certain nombre de planteurs sur une région donnée. Le Nord est la région la plus productrice de betteraves en France grâce à son sol et sa météo. La région Grand Est arrive en deuxième position. La France reste le premier pays producteur de sucre de betteraves du monde, et le premier producteur européen de sucre.
3 « Nous mettons entre 5 et 10 mn pour charger mais les gens s’impatientent souvent », souligne Frédéric Brevière. La sucrerie de Lillers se situe en plein centre de la commune. Entre le bruit et la déformation des routes, les poids lourds transportant les betteraves demeurent souvent les mal-aimés des villes.
4 Didier Ramette, P-dg du groupe, est également président de France Benne depuis 2011. Si la campagne betteravière ne représente que 4 % du chiffre d’affaires, l’entreprise créée en 1956 a conu cette activité dès ses débuts. La société continue de s’étendre. En 2014, elle acquiert les Transports Lafillé dans le Pas-de-Calais, spécialisés dans le vrac en citerne pulvérulente. Alain Ramette, frère de Didier Ramette, en prend la direction.
5 Une fois sorties de terre les betteraves perdent très vite du sucre, elles doivent donc être ramassées rapidement après arrachage. L’équipe de Frédéric Brevière, qui regroupe une quinzaine de conducteurs, utilise une grue et un déterreur, une imposante trémie équipée d’un tapis permettant de nettoyer la betterave avant son chargement dans le camion. Aux commandes de la grue, Antoine qui réalise sa deuxième saison, enclenche le début de remplissage. Son regard s’est habitué en quelques semaines à juger du remplissage de chaque benne pour attendre au plus près les 44 t.
La sucrerie-distillerie Tereos de Lillers transforme les betteraves produites sur 19 000 hectares cultivés par 2 300 associés coopérateurs du Nord-Pas-de-Calais. Quelque 13 800 t de betteraves arrivent chaque jour à la sucrerie de Lillers. Outre les activités de production de sucre (100 000 t de sucre blanc et 110 000 t de sirops en 2015) et de séchage des pulpes propres à la période de campagne, l’usine produit également durant toute l’année de l’alcool et conditionne des sucres industriels.
1 Les poids lourds passent sur un jeu de balance à chaque entrée et chaque sortie de l’usine. Ils sont ainsi identifiés et pesés. À chaque tour, les chauffeurs essaient de charger 44 t. de betteraves. Le conducteur doit savoir jauger au plus près le volume de betteraves qui correspond au poids, en évitant à la fois d’être trop en-dessous, parce qu’il perd du chiffre, et trop au-dessus parce qu’il transporte pour rien.
2 La sucrerie-distillerie de Lillers a été créée par un groupe de planteurs de betteraves en 1923. Ils rachètent alors la distilleriede Lillers, à l’arrêt depuis déjà plusieurs années. Le site s’est peu à peu étendu, les nouvelles bâtisses côtoient désormais les bâtiments historiques du site. Cette année, Tereos a investi dans la construction d’une cour à betteraves permettant de stocker 4 jours de production et d’anticiper d’autant la date de fin des réceptions. Cette mesure vise notamment à faire tourner l’usine au-delà des 4 mois de campagne.
3 Quelque 140 salariés permanents et 80 salariés saisonniers travaillent à la sucrerie pendant la campagne betteravière.
4 La sucrerie est dotée d’un laboratoire. La teneur des betteraves en sucre est ainsi analysée. Certains légumes contiennent moins de sucres, selon l’hydrométrie, la qualité du sol ou encore le soin que l’agriculteur a appliqué à sa culture.
5 Dans la sucrerie, Frédéric Brevière gare le poids lourd précisément sous une sonde qui descend dans la benne pour y soustraire un échantillon. Deux à trois sondages de betteraves sont ainsi prélevés par champ via une sonde qui descend dans la benne avant le versement dans le bassin. Le betteravier obtient une rémunération à la tonne-sucre et non à la tonne-betterave. Le laboratoire analyse ainsi la teneur en sucre du légume.
6 Le groupe est constitué de Ramette Transports, spécialisé dans les bennes et basé à Merville (62), et de Lafillé Transports, dans les citernes pulvérulents implanté à Zoteux (62). Regroupant 83 salariés, il a réalisé un chiffre d’affaires de 10 M€ en 2015. Un peu à l’étroit dans ses anciens locaux situés à Calonne-sur-la Lys, le siège du groupe Ramette a emménagé à Merville en février.