Black Friday, fêtes de fin d’année, soldes de janvier… Les hausses spectaculaires de consommation profitent à certains transporteurs. Dans le sillage des commerçants, c’est aussi la fête pour les transporteurs ! « Le pic de Noël va accroître de 50 % le volume total de nos livraisons en magasins, dans les entreprises et au domicile des particuliers, prévoit Franck Edeline, directeur des opérations chez UPS France. La livraison à domicile est d’ailleurs le segment qui croît le plus vite durant cette période, puisqu’il passe de 45 à 70 % partout en France. Et encore davantage dans les grandes métropoles. » Pour certains transporteurs, les achats sur le Net profitent en période de Noël à la vente d’électroménager et d’autres produits lourds. En témoigne VIR Transport qui bénéficie pleinement des effets du Black Friday. « Cette semaine augmente de 48 % à 51 % nos volumes de livraison », confie Jeremy Cohen Boulakia, président de VIR Transport, un des acteurs historiques dans la livraison e-commerce. « En général, nous sommes à 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires par mois mais, en décembre, nous ferons plutôt 9 millions. Notamment grâce aux achats effectués durant le Black Friday, en fin de mois de novembre », commente le président de VIR Transport.
Pour Relais Colis, les pics de livraison se concentrent depuis trois ans en fin et début d’année. « Avant l’introduction en France du Black Friday, il y a quatre ans, on avait trois mois de pic d’activité. Les consommateurs commençaient à acheter leurs cadeaux de Noël à partir de mi-novembre. Ensuite, cela s’arrêtait avec Noël pour repartir en janvier avec les soldes, constate Jean-Sébastien Léridon, directeur général de Relais Colis. À présent, c’est la même chose mais la période d’intensité se réduit à trois semaines à compter du Black Friday, le dernier vendredi de novembre jusqu’à Noël. Désormais, le pic des soldes de janvier est remplacé par les promotions de décembre. Cette période concentre des volumes de livraison trois fois supérieurs à ceux de l’activité normale. » Relais Colis, qui livre 4 millions de colis par an dans 5 600 relais de proximité en France et en Belgique, passe d’une moyenne de 130 000 à 150 000 colis par jour à plus de 400 000.
Pour les transporteurs, ces hausses fébriles de livraisons en fin d’année constituent un vrai défi logistique. « En 2017, l’intensité du Black Friday a surpris tout le monde. Une véritable pagaille ! En 2018, nous avons rectifié le tir et notre bilan a été conforme à plus de 90 % à ce qui avait été prévu. Cette année, nous confirmons la démarche : la règle, c’est l’anticipation, assure Jean-Sébastien Léridon, qui compte parmi ses clients Amazon, Cdiscount ou Ventes Privées. Avec la vingtaine de nos plus gros clients, nous enclenchons le compte-à-rebours dès le mois de juillet où nous faisons le point sur leurs prévisions de ventes avec leur directeur des opérations, leur prévisionniste et leur directeur des transports. Ils nous fournissent des tableaux de bord que nous recoupons avec les données massives de nos historiques afin de tirer des matrices de flux. » De son côté, VIR Transport se prépare depuis le mois d’août à affronter cette période avec ses clients. « Ils partagent avec nous leurs prévisions de ventes en amont avant de nous transmettre, à partir des dernières semaines de novembre, leurs volumes de ventes », explique le dirigeant. Ce qui lui permet de piloter au plus fin l’activité globale et d’ajuster les moyens humains et matériels, sachant que le chiffre d’affaires du mois de décembre va croître cette année de 40 % par rapport à la moyenne annuelle habituelle.
Pour sa part, Relais Colis finalise l’organisation de son schéma logistique avec ses clients en septembre afin de dimensionner ses moyens dès le mois d’octobre. « En général, nous avons 200 poids lourds tous les jours sur les routes, précise Jean-Sébastien Léridon. À cette période, il en faut 600. De même, nous organisons en moyenne 500 tournées de livraison en véhicules utilitaires légers. Ici, nous passons à 1 500. Quant au personnel mobilisé pour le tri des colis, il bondit de 300 à 900 personnes. Par ailleurs, toute l’année, nous livrons du mardi au samedi. En période de pic, nous ajoutons le lundi. Dans la même logique, nous ouvrons nos deux hubs de tri mécanisé de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne) et de Genas (Rhône), qui alimentent nos 25 centres régionaux vingt heures par jour (au lieu de quinze heures) 7 jours/7 (au lieu de 6 jours/7). » Dans la foulée, Relais Colis organise des relais de délestage, ou Maxi Relais chez des commerçants ou dans des locaux en propre, pour traiter plus de 1 000 colis par jour. Le dernier en date a été ouvert Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Pour préparer cette période de surchauffe, VIR Transport a entrepris de vider ses dépôts et de mener des actions sur la reverse logistique. Par ailleurs, une vingtaine de camions ont été loués. Entre 150 et 200 personnes ont été recrutées pour décembre. Il s’agit d’employés provenant de ses sous-traitants et d’entreprises d’intérim. « Nous les avons formés dans notre école de formation à la manipulation des produits, au montage des meubles, à la mise en service de l’électroménager et à l’habilitation électrique ainsi qu’aux gestes et postures », rapporte Jeremy Cohen Boulakia, qui compte embaucher les meilleurs opérateurs à la fin de cette période pour les besoins de ses 18 sites. L’entreprise a prévu un plan de recrutement de 160 personnes d’ici à la fin 2020, ce qui portera ses effectifs à 850 personnes. « À cette date, notre chiffre d’affaires passera à 85 millions d’euros contre 78 en 2019 et 50 millions d’euros en 2017, prévoit Jeremy Cohen Boulakia, qui se dit serein pour affronter les prochaines semaines. Nous sommes suffisamment “musclés” pour absorber les mouvements de grève du 5 décembre, sachant que nous pouvons gérer 40 % de volumes de plus que d’habitude. » Prudent, le dirigeant a prévu pendant les jours de grève de réduire le nombre de commandes par camion. Ce qui l’oblige à augmenter le nombre de tournées. « En cas de retard, le fait de remonter des informations aux consommateurs en temps réel, notamment la position du camion, la photo du conducteur et la plaque d’immatriculation du véhicule, va contribuer à rendre le retard plus acceptable même si cela reste marginal », estime-t-il.
En prévision de cette période, UPS comptera sur les routes 30 % de véhicules supplémentaires en plus de sa flotte en propre, qui comporte notamment 39 véhicules électriques et 17 fonctionnant au biogaz pour la livraison urbaine. Sans compter les deux triporteurs à assistance électrique qu’il a déployés à Paris. Dans les camions, les conducteurs disposent d’un petit ordinateur de bord (qui sera renouvelé l’an prochain) qui leur indique le séquencement de la tournée, rue après rue. Dans la journée, chaque conducteur peut livrer jusqu’à 120 à 130 colis de 5 à 10 kg l’unité en moyenne. « Durant les pics, nous avons des “helpers” qui secondent les conducteurs de manière à livrer entre 150 et 160 colis par jour », explique Franck Edeline. Pour gagner en productivité dans l’Hexagone, l’expressiste table sur son nouveau bâtiment ouvert à Évry, qui traite 37 000 colis à l’heure contre 12 000 pour les bâtiments qu’il remplace désormais.
De quoi absorber les volumes générés par l’offre UPS Economy. Déjà disponible dans plusieurs pays, cette solution intéresse les entreprises et les particuliers qui veulent expédier à moindre coût leurs produits hors Union européenne vers les consonautes (consommateurs internautes), sachant que les ventes en ligne transfrontalières mondiales devraient représenter 20 % du e-commerce en 2022. Sur ce terrain, Relais Colis vient d’annoncer une alliance avec DHL Express France avec la solution baptisée DHL Click&Bring. Cette offre s’adresse aux particuliers et aux micro-entreprises qui ont des envois à expédier à l’étranger et en France. Plutôt que d’attendre le passage d’un coursier dépêché par l’expressiste, les expéditeurs les déposeront dans un Relais Colis après l’avoir enregistré sur le site Internet de DHL France. Avec ses 2 800 collaborateurs répartis sur 55 sites, l’expressiste a pris en charge 36 millions de colis en 2018 (+ 7 % par rapport à 2017) et prévoit pour 2019 une croissance de plus de 10 %.
Outre l’excellence opérationnelle, la difficulté de l’exercice consiste à ne pas laisser exploser les prix de revient. « Pour ne pas écraser nos marges, au lieu d’embaucher, nous recourons à l’intérim, commente Jean-Sébastien Léridon. Les moyens supplémentaires dont nous avons besoin restent ponctuels. Comme les tâches sont simples, il suffit de quelques heures pour former les intérimaires, surtout pour les opérations de tri et la préparation de commandes. Quant aux livreurs sous-traitants, au lieu de faire une tournée, ils vont en faire deux ou trois. » Reste que, depuis l’arrivée des VTC, le secteur doit faire face à une raréfaction des sous-traitants pour la livraison du dernier kilomètre. Partout en Europe, leurs prix ont augmenté.