Un mode toujours face à des barrages

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Les chargeurs peinent à intégrer le mode fluvial dans leurs plans de transport. Coût, transit time long… les freins au développement sont multiples. Un contre-exemple avec Vinci pour l’évacuation des gravats de la « Samar » à Paris.

Nous pouvons faire quatre fois plus de fret fluvial en France ! », s’est enflammée la députée socialiste Valérie Fourneyron, au Propeller Club de Rouen le 14 octobre. Invitée à présenter sa mission parlementaire sur les freins à la compétitivité des ports de l’axe Seine, elle a notamment évoqué ses recommandations pour améliorer le report modal fluvial. Pour résumer, il faut réaliser la mise au grand gabarit de l’Oise, faire en sorte que la plateforme multimodale du Havre (qui peine à démarrer, Ndlr) « trouve son équilibre » et « accélérer les études pour la chatière(1) au Havre ».

« Si l’on n’inscrit pas la chatière comme la priorité des priorités, si l’on continue à mettre le terminal multimodal comme premier axiome, il n’y aura pas de développement du fluvial », a déclaré Vincent Saurel, directeur Normandie de Marfret, compagnie exploitant un service de navettes Fluviofeeder sur la Seine.

Il faut rappeler ici que le premier port français de conteneurs — qui évacue 8 % de son trafic par le fleuve et 5 % par le rail — paie un défaut de conception : l’absence de liaison fluviale directe entre la Seine et les terminaux à conteneurs de Port 2000 construits dans l’estuaire de la Seine. Dominique Perben, alors ministre des Transports, avait bien annoncé en 2006, au moment de l’inauguration de Port 2000, une écluse à grand gabarit, au coût estimé de 166 M€, mais elle n’a jamais vu le jour.

Coûts de transit

Les infrastructures ne font pas tout. Les chargeurs mettent aussi régulièrement en avant les coûts élevés que représentent les ruptures de charge dans les ports, les fameux « THC » (terminal handling charges). Ces coûts avantagent la route. Alors que faire ? Aider le transport combiné. C’est ce que fait l’État avec l’« aide à la pince » qui est une compensation du surcoût de la manutention de conteneurs spécifique aux modes fluvial et ferroviaire. Cette aide, qui devait s’arrêter en 2017, sera finalement prolongée. La question des ruptures de charge été largement évoquée par les chargeurs au cours du colloque « l’économie du fleuve », organisé le 6 octobre à Rouen par Logistique Seine-Normandie et l’association Normandie en Seine. « Entre Le Havre et Paris, 20 % des coûts de transit sont des coûts d’exploitation portuaire », a rappelé Alain Verna, président de Logistique Seine-Normandie, en insistant sur la nécessité pour les clients de disposer d’indicateurs pour mesurer l’efficience de la chaîne logistique. « Nous avons une usine à Rouen près du fleuve et une usine au Havre près du canal. Nous exportons beaucoup, nous avons beaucoup de transferts entre nos deux sites. Pourtant, nous n’utilisons pas le fleuve », a expliqué Frédéric Henry, le P-dg de Lubrizol France (fabricant d’additifs pour lubrifiants) après avoir confié qu’il voyait la Seine de son bureau. L’explication est d’abord liée aux faibles volumes transportés qui rendent la route plus compétitive que le fleuve du fait notamment des ruptures de charge et coûts de manutention élevés. Par ailleurs, l’industriel a fait ses calculs ; l’utilisation du fluvial impliquerait des investissements lourds, notamment des appontements et des bacs de stockage, qui plomberaient sa rentabilité.

Contraintes de délais

Prenant sa casquette de chef d’entreprise, le P-dg de Toshiba TEC Europe a mis l’accent sur ses contraintes de délais de livraison (J + 1) avec une usine, de surcroît, non située en bord de Seine. Celle-ci fabrique du toner et configure des photocopieurs à la demande. « En ce qui concerne le toner, nous livrons en France en livraison directe par messagerie en J + 1. Pour l’Europe, cela part en camion vers l’Allemagne, 45 % des volumes partent en Asie par bateau à partir du Havre ». Dans le cas des photocopieurs, les modules à configurer arrivent par bateau via Le Havre (puis par camion) et les copieurs configurés sont livrés en J + 1 au client par la route. Les choix du groupe Toshiba en matière de report modal sont d’abord fonction du type de produit et des volumes à transporter, précise Alain Verna. Aussi le groupe a-t-il expérimenté une solution de transport ferroviaire entre son usine chinoise d’ordinateurs PC (produits grand public permettant la massification) et Duisbourg en Allemagne, premier port fluvial européen.

De son côté, Bolloré Logistics, qui a investi 30 M€ au Havre dans une plateforme logistique située à 800 mètres du tout nouveau terminal multimodal, fait passer seulement 3 % de ses flux par barge. Laurent Foloppe, directeur de Bolloré Logistics Le Havre, constate que « les clients ne choisissent pas ce mode de transport car ils ne sont pas prêts à supporter trois jours de transit time ». Pourtant, il estime qu’il y a un marché pour l’industrie du luxe, le retail ou le textile et assure que les lignes commencent à bouger dans la prise en compte des critères environnementaux. « Quand vous répondez à un appel d’offres de LVMH, vous ne passez pas le deuxième tour si vous n’avez pas de politique environnementale ». Le dirigeant de Bolloré Logistics est convaincu qu’il y a un « modèle économique à trouver », pour peu que « les dirigeants d’Haropa vendent la chaîne logistique globale et non l’infrastructure ».

(1) Par « chatière », on entend un système permettant à des barges fluviales d’accéder aux terminaux de port 2000 au Havre par tout temps.

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