La procédure d’infraction suscite une cacophonie au sein des organisations professionnelles du TRM.
D’un côté, le trio FNTR/TLF/ Unostra juge "logique" l’offensive bruxelloise (ndlr : en référence à la procédure visant l’Allemagne) :
"Si la profession encourage toutes les décisions visant à lutter contre la concurrence déséquilibrée, elle se montre dubitative quant aux moyens mis en place, souligne le communiqué conjoint FNTR/TLF/Unostra. Comment faire pour contrôler des milliers d’opérations de cabotage et de transport international par jour quand on dispose d’un corps de contrôle de faible effectif ? […]. La priorité aujourd’hui c’est de tout mettre en œuvre pour que les règles de concurrence dans le transport routier de marchandises soient équitables au niveau européen. Et le détachement ne résout rien : s’il prévoit l’application du salaire minimum national, les charges sociales, elles, doivent rester payées dans le pays d’établissement de l’employeur."
L'OTRE défend le dispositif
De l’autre côté, l’OTRE radicalise sa position. "L’OTRE s’étonne que trois fédérations professionnelles françaises dont l’objet est de défendre les intérêts des transporteurs routiers aient pu critiquer aussi rudement un dispositif qui, s’il reste perfectible, a la qualité non négligeable de permettre d’endiguer la concurrence déloyale sur le marché français en protégeant les entreprises de pratiques déloyales en luttant notamment contre les pratiques intra-groupes à des fins de cabotage, indique l’organisation dans son communiqué. En prenant cette position, elles démontrent leur choix partisan et délibéré du camp des ultra-libéraux européens. En prenant cette position, elles facilitent davantage encore ceux qui continuent, sans entrave, à piller le marché français."
Gilles Mathelié-Guinlet, le secrétaire national de l’OTRE affirme : "Les trois fédérations s’alignent sur l’interprétation juridique établie par les pays d’Europe de l’Est, lesquels ont activé la procédure du «carton jaune» à l’encontre de la révision de la directive détachement. Il s’agit d’un travail de sape sur le fond."
Quelle analyse juridique ?
"La procédure d’infraction à l’encontre de la France est la conséquence d’une mauvaise interprétation française dans la transposition de la directive détachement, analysent Jan Nemec, responsable des affaires sociales auprès de la délégation IRU à Bruxelles, et Marc Billiet, responsable transport de marchandises auprès de la délégation IRU. Résultat : la Commission européenne voit les clauses administratives que les transporteurs doivent respecter pour se mettre en règle comme une entrave à la libre prestation de services."
La Commission européenne est dans une position inconfortable. En parallèle des discussions avec Paris et Berlin, elle doit annoncer ce qu’il va advenir de la révision de la directive "détachement". À l’évidence, le lobby des pays d’Europe de l’Est mené par la Pologne a payé. "Le carton jaune complique l’arbitrage politique, indique une source bruxelloise. La Commission doit communiquer son avis autour du 15 juillet." Elle peut retirer le texte de la directive, l’amender, ou trouver un compromis avec le Parlement et le Conseil de l’UE.
"Je note que la commissaire européenne qui a annoncé la procédure d’infraction est polonaise, remarque Gilles Savary, député socialiste de la Gironde. Une suspicion de conflit d’intérêt n’est pas à écarter. Au fond, la procédure d’infraction à l’encontre de la France, c’est l’équivalent dans le domaine routier du «carton jaune».Il n’en reste pas moins vrai que le décret Macron est bien calibré. À mon sens, il ne touche pas au transport international. Il concerne la possibilité de faire appel à un conducteur étranger dans le cadre du détachement. Encore faudra-t-il régler l’impact des - 3, t au sein de l’UE. En revanche, le décret ne règle pas la question du cabotage de retour pour éviter les trajets à vide."
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