Santé mentale : « Beaucoup de dirigeants du transport pensent leur entreprise comme une extension d’eux-mêmes »

Article réservé aux abonnés

Olivier Torres, professeur à l'Université de Montpellier et président d'Amarok, premier observatoire de la santé des entrepreneurs.

Alors que la question de la santé mentale est une préoccupation grandissante, qu’en est-il de celle des chefs d’entreprise, notamment dans le transport ? L’Officiel des transporteurs a échangé avec Olivier Torres, professeur à l'Université de Montpellier (management, entrepreunariat, santé au travail des entrepreneurs) et président d'Amarok, premier observatoire de la santé des entrepreneurs.

Quel constat a conduit à la création de l’observatoire Amarok en 2009 ?

Le constat de départ était qu’il n’existait pas de données sur la santé des entrepreneurs, alors qu’on compte en France 3 millions de PME. Il n’y avait rien et pourtant, cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de sujet ! L’enjeu est de taille : quand Steve Jobs est mort, l’action d’Apple a diminué, mais quand un dirigeant d’une petite société décède, toute l’entreprise peut disparaitre !
Historiquement, la santé et la souffrance ont toujours été du côté des salariés. Il y a l’idée que, du côté des « dominants », on ne peut pas souffrir. Et puis ce sont les patrons eux-mêmes qui sont muets sur leur propre condition de santé.

Aujourd’hui, lorsque l’on parle de la santé mentale des dirigeants de TPE et de PME, quel est le constat, notamment dans le transport ?

On sait que 6,5% des patrons de PME en France sont en risque d'épuisement sévère. Ce qui me marque le plus, et c’est exacerbé dans le TRM, c’est que les dirigeants ont un rapport existentiel à leur entreprise. Ils pensent « mon travail d’abord et avant tout, mon entreprise par-dessus tout ». Beaucoup voient leur société comme une extension d’eux-mêmes, surtout dans le transport, où beaucoup portent leur nom de famille… A partir de là, même une transmission s’apparente à un deuil. Lâcher une entreprise qu’on a gérée pendant 30 ans, encore plus quand on en est le fondateur, c’est lâcher une part de soi. À ces patrons, je pose toujours trois questions : qui signe encore les documents ? est-ce que vous avez encore un bureau ? et une place de parking ? Car ce sont des attributs de pouvoir dont ils ont du mal à se séparer... En fait, leur entreprise c’est leur vie !

Amarok a mis en place un dispositif d’aide à destination des dirigeants, quel est-il et comment est-il utilisé dans le TRM ?

La FNTR, avec qui nous avons noué un partenariat, a adopté notre dispositif. Elle envoie le lien de notre questionnaire à ses adhérents. Celui-ci repose sur deux piliers : les événements qui génèrent du stress et ceux qui génèrent de la satisfaction. L’entreprenariat génère des énergies positives : on s’auto-inflige des grandes doses travail mais on est porté par ce sentiment d’être à son compte, d’avoir des projets … Mais quand la balance du test penche vers le négatif, là on enclenche un test de dépistage de burn out, puis une alerte si les signaux sont inquiétants.

Le TRM est un secteur dans lequel l’exposition à des facteurs de stress est fort, mais où il y a plutôt moins d’épuisement sévère que la moyenne.

Nos services, composés de psychologues formés à la réalité des entrepreneurs, rappellent la personne pour discuter et l’écouter. À ce jour, nous avons près de 22 000 dirigeants qui ont fait notre test, près de 7000 ont réalisé un dépistage burn out et 1400 (soit 6%) ont nécessité le déclenchement d’une alerte. 55% ont accepté d’être rappelé par un psychologue. Je peux vous dire que le TRM est plutôt en-deçà de ces chiffres nationaux : c’est un secteur dans lequel l’exposition à des facteurs de stress est fort, mais où il y a plutôt moins d’épuisement sévère que la moyenne. Ce qui est assez paradoxal mais qui peut attester d’une certaine résilience.

Comment se déroulent ces entretiens avec un psychologue ?

D’abord, on les écoute. Ensuite, selon les problèmes des dirigeants, les solutions apportées sont différentes. Par exemple, s’ils ont de gros problèmes économiques on leur conseille d’aller voir l’association Second Souffle pour être accompagné. S’il s’agit d’un entrepreneur qui a liquidé son entreprise, on le met contact avec l’association 60 000 rebonds. S’il y a un risque suicidaire (on estime que 2 à 3% des dirigeants ont pensé à mettre fin à leurs jours dans l’année), on sollicite un numéro vert. Très souvent, l’entretien est suffisant mais on peut aussi les rediriger vers un psychologue pour un suivi s’ils le souhaitent.

Actualités

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15