Olivier Diehl : Nous sommes en train de remonter la pente. Au terme du business plan 2001-2004, les résultats devront être positifs mais nous espérons revenir à l'équilibre dès l'année prochaine. En 2001, Ducros a accusé des pertes nettes de 7 à 8 % et un déficit d'exploitation de l'ordre de 3 à 4 % sur un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros. Ce qui est loin d'être injustifié au regard de ce qu'a dû affronter l'entreprise. La messagerie est une filière qui perd de l'argent et c'est le seul métier de Ducros qui ne peut donc de se rattraper sur d'autres marchés. A ce problème chronique, s'est ajoutée la difficile mise en place des 35 heures sur fond de pénurie de conducteurs. Le phénomène a lourdement pesé sur nos charges d'exploitation. Ces surcoûts ont été d'autant plus difficiles à absorber que les comptes de l'entreprise étaient déjà plombés à la suite du rachat d'Orgadis et de la fusion de ses deux filiales Sernadis Ile-de-France et Nordis Lille avec Ducros.
O.D. : Cette opération a d'abord généré des frais d'intégration. Cà ne s'est malheureusement pas arrêté là. En terme de réseau, le commissionnaire de transport Sernadis était parfaitement complémentaire de l'intégrateur qu'est Ducros. Mais les frets traités par les deux opérateurs se sont révélés moins compatibles. Ceux de l'entreprise rachetée étant moins normalisés que prévu. Résultat : 40% des envois a priori supposés nourrir le réseau Ducros ont continué à être confiés aux correspondants de Sernadis. Le doublon a été des plus onéreux. Aujourd'hui, ce chapitre est clos puisque les derniers contrats issus du plan de transport Sernadis sont arrivés à échéance le 31 décembre 2001.
O.D. : Nous sommes repartis sur des bases saines. Nous avons désormais exclu tous les frets qui n'entraient pas dans nos segments d'activité. Nous transportons essentiellement des produits de consommation plutôt haut de gamme tels que le prêt-à-porter, la parfumerie, le disque, la hi-fi/vidéo... Nous livrons donc en centre ville et dans les centres commerciaux. Avec un poids moyen de 40 kg, nous sommes d'ailleurs plus proches des opérateurs express (30 kg de poids moyen) que des messagers (80 à 100 kg). C'est cette segmentation très pointue qui a fait le succès de Ducros. Notre plan de transport, qui est probablement un des plus fournis de France, ne comprend que des lignes directes sans passage par des étoiles. Ce qui permet d'offrir un service extrêmement bon mais qui coûte aussi très cher. Il est normal que cette qualité se répercute sur les tarifs. Ceux-ci ont été revalorisés de 6 à 8 % début 2002 car les prestations annexes sont désormais facturées. A terme, nous entendons adopter le système de tarification poids/volume déjà utilisé dans de nombreux pays.
O.D. : En rejoignant Deutsche Post, l'entreprise familiale Ducros est devenue la filiale d'un groupe ayant une vision stratégique mondiale. Cette mutation ne peut être complètement neutre. DP déroule une politique à moyen terme et nous pouvons compter sur son appui. Au quotidien, nous sommes relativement autonomes. Nous lui soumettons un reporting mensuel comme à n'importe quel actionnaire. Financièrement, je dispose d'une liberté de manoeuvre jusqu'à 1 MF. Au delà de ce seuil, le processus de décision est court : Ducros étant une filiale directe de Deutsche Post, mon interlocuteur est Peter Kruse, le P-dg d'Euro Express. Ce réseau est d'ailleurs au coeur de nos échanges avec le groupe. Et ces relations sont de nature participative. Les directeurs des différents services se rencontrent régulièrement et leurs décisions sont validées par le comité exécutif Euro Express qui réunit chaque mois la dizaine de P-dg des sociétés membres. Chacun d'entre eux vaut une voix. Les choix (au niveau commercial mais également en matière d'investissements, de rachats...) ne sont donc pas imposés par la maison mère. Ils émanent au contraire de la base.
O.D. : Nous oeuvrons actuellement à la normalisation du réseau. Une harmonisation des tarifs, des systèmes de code-à-barre, des envois... est prévue dans les deux ans à venir. Euro Express ouvre à Ducros la possibilité de se glisser sur de nouvelles niches. L'international, qui ne génère encore que 7 % de notre chiffre d'affaires, progresse de 30% par an. Ce, grâce à deux produits Euro Express : l'Europremium (livraison en 24/72 h dans 20 pays) et l'Europack, un service européen de monocolis (31,5 kg maximum). Lancé en mai, ce dernier va amener Ducros à muscler dans un premier temps sept de ses centres (Limeuil, Gonesse, Lyon, Marseille, Orléans, Lille et Bordeaux). Il faudra attendre au moins jusqu'à 2004 avant que toute la distribution nationale soit traitée en Europack.
O.D. : Ducros, Danzas et DHL, alias les 3 D, travaillent effectivement de concert pour développer des synergies. Nous avons d'ores et déjà formalisé une politique d'achats groupés pour les voyages, le carburant, les véhicules légers ou lourds... Nous venons ainsi de signer un contrat avec Iveco. Nous avons également des agences communes dans les régions pauvres en fret. Nous envisageons aussi une harmonisation de l'informatique client. Mais le plus gros enjeu est sans doute le commercial. Une structure marketing 3 D a été créée pour traiter les grands appels d'offres (type 4 PL voire 5 PL). Nous réfléchissons aux moyens de répondre aux demandes de plus en plus fréquentes de «one stop shopping (un interlocuteur unique pour l'ensemble de leurs prestations transport et logistique). Le vaste champ d'activité que couvrent Ducros, Danzas et DHL réunis devrait théoriquement permettre d'offrir un tel service. Mais pratiquement, il est impossible de faire passer un colis d'un réseau à l'autre faute d'étiquette commune. Résoudre ce problème supposerait des synergies opérationnelles. Il est probable qu'à terme une structure DP France se penchera sur ces questions. Celle-ci pourrait alors être amenée à redéfinir les métiers de chacun.
Olivier Diehl succède depuis 1er avril dernier à Gérard Léridon à la tête de Ducros Euro Express. Une entreprise qu'il a rejointe en novembre 2001 comme directeur général. Un poste qu'il avait précédemment à Danzas Fashion (filiale comme Ducros du groupe Deutsche Post). Olivier Diehl précise : « je n'ai pas été parachuté par la maison-mère mais recruté par Gérard Léridon auprès duquel j'avais personnellement fait acte de candidature ».