Priorité au Bac +2

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Chaque année, plus de 2000 étudiants sortent avec une formation supérieure en transport et logistique. La croissance a été spectaculaire au cours de la précédente décennie, tirée par les BTS Transport et les IUT Gestion Logistique et Transport.

Jusqu'au début des années quatre vingt dix, les formations supérieures dans le transport étaient encore rares, limitées à quelques IUT (Instituts Universitaires de Technologie), BTS (Brevets de Technicien Spécialisé) et écoles spécialisées. L'EDTL (École Du Transport et de la Logistique, ex-Ecole de Direction du Transport Routier), l'école des cadres supérieurs de l'AFT, n'a été créée qu'à la fin des années soixante-dix. Et à la même époque, les IUT spécialisés dans le transport se comptaient sur les doigts d'une seule main.

Mais, depuis, c'est l'explosion. L'année dernière, plus de 2000 diplômés de l'enseignement supérieur ont reçu une formation en transport et/ou logistique. Force est de constater que les organismes chargés d'assurer le développement de la formation auront largement contribué à cette évolution. « Le soutien de l'association de formation AFT-Iftim aux diplômes post bac a été réel et diversifié, insiste Corynne Jaffeux, conseiller de la direction générale chargée des relations avec l'enseignement supérieur. Avec notamment la création d'un département enseignements supérieurs en 1991, des interventions sur le plan pédagogique à la demande des universitaires, l'élaboration conjointe d'études de cas, la formation ou le perfectionnement des enseignants, la création d'une bourse aux thésards et bien évidemment le versement de la taxe d'apprentissage. » Promotrans n'est pas en reste sur le sujet. Elle a contribué au développement des Écoles de Maîtrise des Transports Routiers (bac +2 équivalent BTS), a entamé plusieurs partenariats avec des universités (Montpellier, Lille) en vue de créer des DU (Diplômes d'Université) ou avec des Écoles de Commerce (création récente d'un mastère avec l'École Supérieure de Commerce de Toulouse). Ce foisonnement n'est pas inintéressant et contribue notamment à améliorer l'image du transport dans le monde universitaire. « Les universitaires et chercheurs dans les domaines du transport et de la logistique peuvent aujourd'hui afficher clairement leur appartenance à des disciplines qui commencent à être enfin reconnues dans le monde académique », se réjouit Corynne Jaffeux.

La multiplication des IUT

Dans cette dynamique, ce sont surtout les établissements de niveau III (bac +2) qui ont tiré avant tout leur épingle du jeu, le nombre de diplômés passant de 300 en 1990 à plus de 1500 à la fin des années quatre vingt dix. Le cas du DUT Gestion Logistique et Transport est significatif. Il est longtemps resté dans un cadre « confidentiel ». « Le DUT Transport et Logistique a vu le jour en 1973, avec l'ouverture des deux premiers établissements à Aix et Evry (localisé au début à Villetaneuse), explique Michel Le Nir, ancien président de l'assemblée des chefs de département GLT. Il visait alors à répondre aux besoins exprimés par les entreprises de transport en matière d'exploitation. » Bref, à former des exploitants. Jusqu'à la fin des années quatre-vingt, le nombre de diplômés restera donc modeste (un peu moins de 200 par an). En dehors des deux départements « historiques », trois IUT seulement ont vu le jour au début des années quatre vingt, à Lille, Quimper et au Havre. « Ce n'est qu'au début des années quatre-vingt-dix qu'une réflexion est conduite au plan national afin de parvenir à une meilleure adéquation entre la formation et les besoins des professionnels », poursuit Michel Le Nir. Cinq nouveaux départements voient le jour à la fin des années quatre-vingt, neuf vont être ouverts entre 1991 et 1994. Le rythme se ralentira par la suite avec trois nouveaux départements seulement entre 1995 et 2000 (Cergy, Issoudun et Tremblay en France), les professionnels considérant qu'un palier quantitatif a été atteint et que les besoins sont largement couverts. Deux autres projets sont cependant toujours en attente du feu vert du ministère, à Paris (projet du Conservatoire National des Arts et métiers) et à Cholet. Mais ce dernier n'a pas reçu l'aval de la commission pédagogique nationale, instance consultative composée de professionnels et d'enseignants.

Le résultat de cette accélération des ouvertures fait qu'aujourd'hui, il sort plus de 1200 étudiants diplômés d'un DUT GLT. Pour chaque établissement, les promotions varient entre 40 et 80 étudiants. Et les IUT ont même appris à diversifier leurs offres. Certains ont ouvert des filières formation continue permettant l'obtention d'un DUT en un an sur une année pleine (Evry, Lille, Bordeaux). D'autres ont décidé d'offrir une troisième année supplémentaire (dite année spéciale) pour permettre à leurs étudiants de se perfectionner. C'est notamment le cas à Aix et Troyes, avec les célèbres formations GOL (Gestion des Opérations Logistiques) qui ont vu le jour au début des années quatre-vingt dix avec le soutien d'industriels et de prestataires logistiques.

Pour les BTS Transport, l'évolution a été la même. Vingt cinq lycées ont ouvert une section Transport, délivrant chaque année près de 500 diplômes. Deux établissements ont même pu acquérir une bonne notoriété nationale comme le Lycée du Porteau à Poitiers (86) ou l'ISLT (Institut Supérieur de la Logistique et du Transport) à Montaigu (85). Ces deux établissements fournissent le contingent le plus fort (respectivement 50 et 30). Certains de ces établissements (c'est évidemment le cas pour Le Porteau et Montaigu) ont même rajouté une année supplémentaire à leur BTS, appelée TS +. A Montaigu, l'ISLT a ainsi mis en place deux options pour les TS + (Transport et entreposage). De son côté, Promotrans forme chaque année de nombreux BTS (plus de 150), auxquels il faut ajouter une cinquantaine d'élèves titulaires d'un diplôme de technicien supérieur en maintenance de véhicules industriels.

Aux BTS et IUT, il convient de rajouter les formations OTMI (Organisateurs de Transports Multimodaux Internationaux) de l'Association pour la Formation Professionnelle des Adultes (Le Puy, Cholet, etc.) ou de l'AFT (Rungis) et les sept établissements spécialisés de l'AFT, les écoles du transport et de la logistique (ETL), école assez particulière qui délivre en une année intense un diplôme de niveau III (donc un équivalent bac +2). Chaque année, près de 300 élèves sortent des ETL, les promotions variant de la trentaine pour les établissements de Marseille ou Wasquehal à près de 80 pour l'établissement phare, celui de Monchy Saint Eloi.

Une réponse à un besoin

Cette évolution de l'offre des bac +2 n'est évidemment pas artificielle. Les enseignants, universités et lycées ont créé des diplômes de niveau bac +2 pour répondre aux demandes des entreprises. Selon l'enquête annuelle de l'AFT sur les besoins en emplois et formation dans les fonctions de la logistique, 71% des entreprises déclarent tenir compte de la formation initiale en transport et logistique pour le recrutement de postes liés à de telles fonctions. De ce fait, il n'est pas surprenant de noter que les BTS Transport et Logistique, ainsi que les DUT Transport et Logistique figurent parmi les diplômes les plus cités pour le recrutement de cadres, quel que soit le secteur d'activité (cités dans 61% des cas). Ils arrivent loin devant les diplômes bac + 4 (EDTL, École Européenne du Transport, Cerelog, etc.), et les diplômes bac +5. Les formations de type grandes écoles (Écoles de commerce, écoles d'ingénieur, mastère) ont visiblement peu la cote et correspondent à des niveaux de qualification dont l'usage reste encore limité à des fonctions logistiques supérieures (grandes entreprises, prestataires logistiques, sociétés de conseils, etc.).

Le besoin étant moindre, les diplômes de niveau II (bac +4) et I (bac +5 et au delà) n'ont donc pas connu la même croissance que les DUT et les BTS. Les établissements supérieurs en transport se comptent d'ailleurs sur les doigts d'une main entre l'EDTL (groupe AFT), l'EET (groupe Promotrans), l'École Supérieure des Transports, soutenu par l'AFT, le Cerelog, etc. L'EDTL fournit le plus gros contingent avec des promotions comprises entre 80 et 90 étudiants. A l'EET, au Cerelog ou l'EST, les promotions sont plus modestes, de l'ordre de la trentaine.

Les universités, de leur côté, ont une palette de maîtrise, de DESS (Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées) et de DEA (Diplômes d'Etudes Approfondies) orientés en transport et logistique encore restreinte. Les formations les plus anciennes, Paris I (DESS Transports Internationaux) et Lyon II (DESS Transport et Logistique Industrielle et Commerciale et DEA Économie des Transports) ont su acquérir une solide notoriété. Pour les autres, plus récentes comme le DESS de Logistique de Paris I, la voie de la spécialisation est clairement affichée. « Notre DESS a choisi de se spécialiser en logistique aval, autrement dit vers la fonction logistique qui permet de relier efficacement l'entreprise au consommateur, explique Jean-Marc Lehu, responsable du DESS. Il est le premier à associer de manière synergique ces deux fonctions stratégiques que sont le marketing et la logistique. Cette facette de la logistique n'est pas toujours prise en compte par l'entreprise, d'où les réels besoins en matière de personnels qualifiés. » Mais au final, compte tenu de l'hyper spécialisation des diplômes préparés, peu de spécialistes transport et logistique sortent des universités avec des maîtrises ou des DESS Transport, de l'ordre d'une centaine.

En revanche, les options Transport et surtout Logistique dans les écoles de commerce et d'ingénieurs ont foisonné, surtout autour des matières logistiques. Il faut certainement y voir le souci marketing de ces écoles. En fait, rares sont les établissements qui ont misé, depuis plusieurs années, de manière durable et significative sur le créneau, si ce n'est l'ISLI (Institut Supérieur de la Logistique Industrielle) de Bordeaux, émanation de l'École Supérieure de Commerce de Bordeaux ou l'Esilog, École Supérieure de la Logistique, formation en apprentissage rattachée à l'AFT-Iftim et à l'Esidec (École de Commerce de Metz)

Comment attirer les meilleurs ?

Reste un ultime problème face à cette multiplication des diplômes et écoles en tout genre: attirer les jeunes (de préférence les meilleurs) vers ces formations de haut niveau. Les jeunes diplômés issus de la dernière promotion de l'EDTL ne manquent pas d'enthousiasme. Interrogés lors du dernier congrès de TLF, ils n'hésitent pas à parler d'un secteur qui « bouge beaucoup et qui offre beaucoup d'opportunités », au sein duquel on peut « facilement trouver du travail sur le domaine international ». Mais la difficulté de recrutement est réelle, face aux sirènes des écoles de commerce et écoles d'ingénieurs. Et à l'image de ce qui est constaté depuis plusieurs années dans le recrutement de chauffeurs routiers, la tâche est rude. Concluant une étude sur les débouchés des jeunes titulaires d'un DUT, Michel le Nir, Christophe Beckerich et Pierre Guillemard, trois responsables de DUT déplorent « que cette spécialité, comme beaucoup d'autres formations en transport et logistique, rencontre autant de difficulté à recruter. Les besoins des entreprises, notamment en matière de techniciens supérieurs, sont considérables et beaucoup de départements reçoivent quotidiennement des offres d'emploi auxquels ils ne peuvent répondre. »

A cela s'ajoute d'autres interrogations comme la mise en place de nouvelles formations correspondants aux standards européens du 3-5-8 (alors que le système de l'enseignement supérieur français est plutôt celui du 2-4-5-7. « Nous sommes bien conscients que beaucoup reste à faire, ajoute Corynne Jaffeux. Des interrogations demeurent. Ainsi, dans le cadre de la réforme 3-5-8 engagée par le ministère de l'Éducation Nationale, comment adapter le niveau des formations ? Comment attirer les jeunes vers les métiers du transport et de la logistique ? Comment favoriser la recherche dans les secteurs concernés ? » Des questions qui en tout état de cause n'auront pas leur réponse avant cinq bonnes années. Les chefs d'entreprises le savent. « Notre mission en tant que chef d'entreprise est d'investir dans de la compétence pour mieux créer de la valeur, insiste Marie Christine Lombard, Pdg de TNT. Notre secteur est fortement concurrencé au niveau des embauches. Il nous faut donc mieux faire connaître les métiers du transport et les valoriser afin d'attirer les meilleurs. »

Licences professionnelles
La denrée rare

Les licences professionnelles ont vu le jour en 1999, pour permettre à des établissements universitaires de créer des diplômes spécifiques, mais correspondant à des besoins émis par les professionnels. Elles permettent donc aux universités de sortir du champ traditionnel des licences (droit, sciences économiques, AES -Administration Économique et Sociale-, etc.) pour aller vers des domaines plus pointus. Au passage, elles favorisent une transition en douceur vers un système d'enseignement supérieur uniformisé en Europe, aux niveaux bac +3 et bac + 5. Mais pour éviter de sombrer dans la cacophonie et l'inutile, les demandes ouvertures de licences sont examinées par une commission nationale d'expertise. Cette commission est chargée d'étudier le bien fondé de la demande, de vérifier l'adéquation entre la formation dispensée et les besoins exprimés par les professionnels et d'examiner le contenu de la formation.

En 2000, les 150 premières licences professionnelles ont donc vu le jour. Quatre ouvertures seulement ont concerné de près ou de loin les secteurs de la logistique. Aucune n'a pris l'intitulé transport, constat décevant en regard des besoins exprimés par les professionnels. Ces quatre licences ont souvent vu le jour en prolongement de départements IUT : Evry (management de la chaîne logistique), Chalon (systèmes logistiques), Aix Marseille (organisation et gestion des achats) et Bordeaux (Management opérationnel en commerce électronique).

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