Comment transporter avec un même camion des déchets, du prêt-à-porter et les légumes du primeur local, c’est la question à laquelle le Cluster Logistique Urbaine IDF souhaitait répondre en lançant un mini pilote commercial à Paris début 2017. Une navette fluviale relie dans un premier temps le port de Gennevilliers à ceux de Paris intra-muros, et au départ de Bonneuil-sur-Marne dans un second temps. L’innovation réside dans la technique et le process utilisés pour proposer une solution Route-Fleuve-Route (RFR) à prix unique. En quoi consiste-t-elle ? Tout simplement, elle utilise une caisse mobile de 20 m3, compatible avec tout type de porteur, grutable par des engins embarqués sur les bateaux ou les camions ou les grues présentes sur les plateformes BTP. « Le développement de cette caisse mobile qui passe facilement d’une barge à un porteur permet de diviser par quatre les coûts de rupture de charge », assure Marc Bazenet, président du Cluster Logistique Urbaine IDF et spécialiste en gestion de l’innovation.
Grâce au changement de gabarit des outils multimodaux, il est possible sur un même véhicule de livrer des pizzas surgelées dans une caisse réfrigérée le matin, du textile dans une caisse dry (standard) sur le même camion plateau et de récupérer des déchets propres au retour, en toute sécurité. « Au lieu d’assurer trois passages de camions, il n’y en a plus qu’un », se targue Marc Bazenet, soucieux d’optimiser les flux. La réduction des coûts demeure son critère majeur pour offrir un service attractif car le transport multimodal reste plus cher que le routier. Selon lui, la barge Franprix coûte 180 % du prix routier. Le président du cluster avoue proposer des prix cassés sur l’aller afin d’obtenir assez de volumes sur les flux retours.
La volonté du cluster est donc de réduire le nombre d’intermédiaires, là où l’on en compte souvent cinq. « Nous proposons un interlocuteur unique et avons ainsi créé en juillet dernier un gestionnaire, Green Switch Meridian France », explique le président de la structure. Ce dernier vend un service « all inclusive », déclinable sur les 70 ports d’Île-de-France, de l’approche portuaire au fret fluvial, jusqu’au dernier kilomètre, réalisé en véhicule électrique ou au GNV. En fonction de la demande du client, il s’occupe, ou non, des pré/post-acheminements et de la gestion des emballages ou de la reprise des produits en fin de vie.
La solution multimodale du cluster est destinée doit s’étendre au fur et à mesure sur les ports franciliens. Le cluster s’accorde cinq ans pour réussir son plan. « Ces derniers mois, nous avons réalisé un important travail d’évangélisation des chargeurs en Île-de-France, souligne Marc Bazenet. Il faut expliquer les avantages du report modal. Nous avons donc vendu beaucoup de prestations de conseils, notamment auprès de services et prestataires logistiques ». Pour le moment, le cluster compte des partenaires variés tels que le FM Logistics, Manitou (spécialiste d’engins de manutention), Ooshop (enseigne de e-commerce de Carrefour), et l’agence de notation TK Blue Agency.
Avec le développement du e-commerce et les contraintes réglementaires de circulation urbaine, la nécessité de faire évoluer les modes et les outils/matériels de livraison s’impose dans les grandes villes, à l’instar de Paris. Le Cluster Logistique Urbaine IDF échange déjà avec d’autres pôles de compétitivité, comme le Cluster PACA Logistique, le LUTB Transport & Mobility Systems à Lyon et même avec les clusters logistiques d’Amsterdam et de Londres, afin de décliner le modèle de logistique urbaine fluviale. Pour séduire les clients, la solution Route-Fleuve-Route mise sur l’optimisation du matériel et des flux mais également sur l’automatisation de la fonction bruitage. Autrement dit, grâce à des matériels silencieux et performants, il est possible de placer une caisse sur un camion ou sur un bateau durant des plages nocturnes en ville, sans gêner les riverains. « Le grutage peut également être effectué 24 h/24 h grâce aux outils de manutentions automatiques », assure Marc Bazenet. Le camion, placé dans des marquages est détecté via un système de capteurs. La grue choisit alors les caisses à lever. Le président du cluster précise : « À aucun moment, on ne remplace le travail d’un manutentionnaire portuaire. On rend possible une fonction qui n’existait pas, notamment la nuit, où il serait plus difficile de trouver du personnel ».
Le service RFR espère émerger bientôt dans le paysage logistique parisien. Le président du Cluster Logistique Urbaine IDF compte sur un déploiement du service vers la fin d’année.
1 caisse de 20 m3 avec 3 tonnes de marchandises, c’est :
• 2 à 5 camions remplacés par un seul porteur et 2 à 5 caisses mobiles
• 1 semi remorque peut charger 3 caisses de 20 m3
84 % de CO2 en moins
84 % de bruit en moins
56 % de congestion en moins
87 % d’accident en moins
Source : TK’Blue Agency
Le Cluster Logistique Urbaine a été créé par la Chambre de Commerce et d’Industrie des Hauts-de-Seine en décembre 2012, pour faire suite à l’appel à projets « Émergence et développement des pôles économiques du Grand Paris ». Entre problématiques environnementales, contraintes urbaines et réglementaires, l’objectif était de créer aux portes de la capitale « un modèle optimisé et durable de transport de marchandises vers et dans les communes de la zone dense métropolitaine ». D’après les estimations, le transport de marchandises produit près de 10 % des émissions de dioxyde de carbone, un chiffre qui devrait tripler d’ici à 2050. Le cluster souhaitait donc renouer les liens logistiques entre le fleuve et la route avec son projet.
L’idée de la caisse mobile 20 m3 a été validée par deux labellisations en pôle de compétitivité (Nov@log), une nomination et deux prix de l’innovation (SITL, PDUIF et River Dating 2014). Sa conception se veut une innovation « open source » et reste une première mondiale.
Après deux ans d’existence ans, le cluster s’est constitué en association à but non lucratif afin d’être indépendante. Il vit aujourd’hui des cotisations de ses membres.