Malentendu ou intox ?

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Une promesse de rencontrer rapidement un ministre des Transports soucieux de dissiper « un malentendu », c'est ce qu'ont obtenu le 12 mars les syndicats de salariés qui bloquaient une vingtaine de dépôts pétroliers depuis la veille. La campagne de désinformation pratiquée par les représentants syndicaux quant au futur dispositif « temps de travail des conducteurs routiers » n'est pas parvenue à raffermir une modeste mobilisation des militants.

Engagé le 11 mars à l'appel des syndicats FO, CGT, CFTC et FNCR, le mouvement de blocage des dépôts pétroliers a fait long feu. L'intervention de quelques compagnies de CRS, la menace d'invoquer le délit d'entrave à la circulation et une simple promesse du ministre des Transports de rencontrer les quatre organisations auront suffi à lever la plupart des barrages le 12 mars au matin. La CGT s'essayant seule à maintenir un mouvement qui, en l'absence de la CFDT, n'a pas pris. Pourtant, Jean-Claude Gayssot ne s'est guère avancé vis-à-vis des syndicats de salariés : pas question d'ouvrir des négociations ainsi que ces derniers le demandaient et encore moins de retirer ses projets de décret sur le temps de travail des conducteurs routiers présentés le 6 mars. Selon lui, l'entrevue, programmée aux alentours du 20 mars, devrait seulement permettre de dissiper ce qu'il tient pour un « malentendu ». En clair, il s'agit de convaincre les manifestants que le nouveau dispositif constitue un « très bon compromis » et qu'il créé « un nouvel équilibre favorable aux salariés ». Ce que les quatre syndicats persistent à nier en exigeant l'annulation pure et simple des heures d'équivalence. Une attente à laquelle les pouvoirs publics ne peuvent répondre sans mettre à bas l'ensemble de l'édifice qu'ils ont eu tant de mal à bâtir. C'est en effet le doublement de ces heures non décomptées comme travail effectif - soit 8 heures en longue distance, 4 heures en courte distance - qui permet de maintenir les durées maximales de service aux mêmes normes que celles du décret annulé par le conseil d'Etat.

Désinformation.

Sur les barrages, certains responsables syndicaux évoquaient tout bonnement la suppression du paiement des temps d'attente. Interrogé par l'AFP, l'un d'entre eux chiffrait même la perte financière à 305 euros par mois (2000 F). A coup de communiqués, la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) et la CFDT, signataires d'un pré-accord sur le paiement des heures supplémentaires, ont tenté de désamorcer la bombe : « Toutes les heures travaillées seront payées même si elles ne génèrent pas toutes du repos compensateur. C'est la différence avec les équivalences d'avant 1996 », expliquait le syndicat ouvrier à l'attention de ses adhérents. D'ailleurs, argue-t-il, l'application de cette mesure se traduira par une revalorisation technique de 0,46% pour les rémunérations sur 200 heures. Cet engagement de rémunération, le ministère dit l'avoir imposé comme préalable à la prise de son propre texte. « Nous avons exercé un chantage: pas d'accord sur le paiement de toutes les heures, pas de décret », assure un conseiller du ministre pour les affaires sociales. Pour leur part, les syndicats non signataires du protocole font état « des promesses patronales jamais tenues ».

Le doublement des temps d'équivalence, qui n'ont pas statut d'heures supplémentaires, a pour effet de reculer le seuil de déclenchement des repos compensateurs (RC). En revanche, ces derniers seront désormais calculés selon les règles de droit commun. Pour la longue distance, dont la durée légale du temps de service est portée à 43 h hebdomadaires (186 h par mois), et à l'intérieur du contingent d'heures supplémentaires maintenu à 130 h, le droit à repos intervient à compter de la 50e heure (seuil de la 41e heure fixé par le Code du travail + 8 h) contre la 46e heure auparavant. Pour la courte distance (39 heures de durée légale soit 169 h par mois), dont le contingent d'heures supplémentaires est porté temporairement à 180 heures, il s'ouvre à compter de la 46e (41e+ 4) au lieu de la 44e. D'un taux de 50%, les RC passent à 100 % pour ceux engendrés par les heures effectuées au delà du contingent de 130 h applicable aux entreprises de plus de dix salariés. Exit le repos récupérateur qui, mis en place en 1994, visait à limiter les effets. Bref les RC arriveront plus tard, mais leur montée en puissance se fera plus rapide. En cumulé, ils pourront atteindre jusqu'à 30 jours par an contre 18 à 25 jours avec l'ancien décret, calcule le ministère. La CFDT évoque pour sa part un maximum de 24 jours par an.

Les entreprises de messagerie auront trois mois à compter de la publication du décret pour mettre au Code du travail leurs conducteurs concernés, c'est-à-dire ceux réalisant des « services de collecte ou de livraison de colis ne faisant jamais obligation aux conducteurs de prendre leur repos journalier hors domicile ». Telle est en effet la définition retenue par le projet de décret. In extremis, TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) a obtenu une restriction du champ d'application de cette mesure. Initialement, le retour au droit commun s'imposait à tous les personnels roulants employés par des entreprises relevant du code APE 634 A 4. Toutefois l'organisation maintient sa proposition: ouvrir une discussion pour définir les fonctions de ces conducteurs et aménager leur temps de service dans le cadre d'un protocole de la convention collective, annexes dont elle avait prôné la création lors de son dernier congrès.

Le ministère se fait discret quant au futur sort des conducteurs « courte distance ». Combien de temps les entreprises bénéficieront-elles d'équivalences et de 180 h annuelle d'heures supplémentaires ? « Aucun échéancier n'a été fixé pour un retour au droit commun », assure l'entourage du ministre. « Seule l'évaluation annuelle prévue par le projet de décret décidera du rythme à adopter ». Quant aux difficultés que pourrait poser aux transporteurs l'application d'un régime différent pour chaque catégorie de conducteurs, les pouvoirs publics évacuent tout simplement la question : « très rares sont celles qui opèrent dans les trois activités en même temps ».

Une vingtaine de points de blocage

Au plus fort du mouvement, le 11 mars en fin de journée, la CGT, CFTC, FNCR et FO comptabilisaient plus de 40 points de blocage contre moitié moins selon les relevés du centre d'information routière. Les actions sont concentrées pour l'essentiel sur la partie sud du pays: région marseillaise, Aquitaine (Bassens en Gironde), Languedoc-Roussillon (Frontignan et Sète dans Hérault) avec quelques poches en Normandie (Rouen) ou dans le Nord (Dunkerque). L'intervention des forces de l'ordre pour libérer certains sites a conduit les manifestants à un changement de stratégie, se traduisant par des opérations escargot, barrages à proximité des centres commerciaux et distributions de tracts. Un recours aux CRS fort mal accepté par les militants. Ainsi, relève la CFTC, « le même gouvernement n'avait pas jugé opportun de s'opposer au patronat routier qui avait procédé de la même façon en 1999 pour obtenir un allégement de ses charges ».

Ce que prévoient les textes

- Un projet de décret qui devrait être adressé d'ici quelques jours au Conseil d'État fixe les nouvelles normes en matière de temps de travail des conducteurs routiers ;

- Un projet de décret simple relève « à titre transitoire » le contingent annuel d'heures supplémentaires « zone courte » à 180 heures. Dans la perspective d'un retour progressif au droit commun (par réduction des équivalences et réduction du contingent d'heures sup), une évaluation annuelle sera réalisée ;

w Un pré-accord signé le 5 mars entre l'UFT (Union des fédérations de transport), l'Unostra et la CFDT prévoit la rémunération en heures supplémentaires de toutes les heures de service, équivalences comprises, au delà de la 35e. Avec majoration de 25 % à partir de la 36e heure par semaine (ou de la 152e par mois) et de 50 % au delà de la 43e (ou de la 186e par mois).

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