Nouveau ministre, nouvelle étape. La désignation du nouveau ministre, réputé bon gestionnaire et politique habile, a mis fin à une longue période de blocage politique et institutionnel. Deux scrutins législatifs (décembre 2015 et juin 2016) n’avaient pas permis la formation d’un gouvernement et son investiture par le parlement. Au final, Mariano Rajoy, leader du Parti populaire (droite), demeure aux commandes.
Les professionnels du TRM espagnol ont accueilli le nouveau ministre, ancien maire de Santander, avec un mélange de satisfaction et de prudence. L’Association du transport international routier (Astic), qui regroupe les entreprises qui travaillent à l’international, a regretté qu’un portefeuille dédié aux Transports n’ait pas été créé. De plus, les dossiers qui attendent le nouveau ministre sont nombreux et le transport routier n’est pas sur le haut de la pile. Certains sujets ont, en effet, un caractère d’urgence comme, par exemple, la relance des infrastructures, la réforme de la manutention portuaire ou la situation de certaines concessions autoroutières en faillite.
Fait marquant, l’unanimité est totale sur le dossier de l’écotaxe poids lourd. Pour réduire le déficit public, le ministre de l’Économie, Luis de Guindos, a proposé d’instaurer ce dispositif ; il est aussi question de majorer la fiscalité sur les carburants. L’ensemble des organisations professionnelles a vivement protesté. Si l’activité du TRM a progressé en 2016, les entreprises surveillent de très près l’évolution des prix et des coûts. Dans un contexte caractérisé par une pression croissante des chargeurs afin de réduire les coûts de transports, une augmentation de la pression fiscale aurait un impact négatif évident sur les marges.
Facteur aggravant, le secteur, traditionnellement morcelé en plusieurs organisations, n’a pas des attentes homogènes. « Pour nous, le dossier prioritaire est celui de la fiscalité des travailleurs indépendants », affirme Jorge Somoza, secrétaire général de Fetransa, l’organisation professionnelle qui rassemble des travailleurs indépendants et des PME. En 2015, le plafond de revenus pour pouvoir bénéficier du régime dit des « modules »(1), bien plus avantageux que celui de l’estimation directe, avait été porté à 125 000 € pour les exercices 2016 et en 2017. « Nous demandons le maintien de ce plafond à partir de 2018 », précise Jorge Somoza, qui rappelle que « les travailleurs indépendants représentent 70 % des entreprises de transport en Espagne ».
Fenadismer, qui regroupe des PME du secteur, met en avant ce qui a été l’un de ses principaux chevaux de bataille au cours des derniers mois : la défense du seuil de 3 véhicules pour l’accès à la profession, qui vient de faire l’objet d’un recours de la Commission européenne auprès de la Cour de justice européenne. « L’implantation de la régulation actuelle d’accès au secteur en 1999 a permis à la flotte espagnole de se positionner comme une puissance au niveau européen dans le classement du transport international. Elle est passée de la 4e place en 1999 à la 2e actuellement, juste derrière la Pologne », souligne Juan José Gil, secrétaire général de Fenadismer. Sa remise en cause affecterait la compétitivité des transporteurs espagnols.
La Confédération espagnole du transport de marchandises (CETM), la principale organisation du secteur, a une position similaire et le gouvernement espagnol s’est engagé à défendre le seuil des 3 véhicules. Une position qui semble désormais intenable. Pour Jorge Somoza, « le règlement européen est très clair : les opérateurs peuvent disposer d’un ou de plusieurs véhicules immatriculés dans l’État membre d’établissement ». D’autres sujets sont, en revanche, plus consensuels. C’est le cas de réglementation de la Loi d’organisation des transports terrestres (LOTT) de 2013. Lors du Congrès de la CETM à Bilbao, en octobre dernier, Carmen Librero, secrétaire générale des Transports au ministère de l’Équipement, a indiqué qu’« une version préliminaire avait été rédigée ». Autre sujet « consensuel » : la demande de transposition de la directive sur les travailleurs détachés. « Un quart du transport international, à l’export comme à l’import, est réalisé par des sociétés de transport des pays de l’est de l’Europe. Dans beaucoup de cas, il s’agit de sociétés espagnoles délocalisées » précise Juan José Gil. La profession verrait d’un bon œil l’instauration du salaire minimum pour les conducteurs étrangers. Lors du congrès de la CETM, Joaquin del Moral, directeur général du transport terrestre au ministère de l’Équipement, a annoncé que le gouvernement espagnol avait proposé à la Commission une modification des critères de définition du concept de l’établissement afin de lutter contre les « entreprises boîtes à lettres ». Dont acte.
(1) Les modules sont les critères qui servent de base au calcul de l’impôt sur le revenu des indépendants : taille de la société, personnel employé, superficie du local. À défaut, c’est un taux uniforme de 20 % qui est appliqué.