« Hormis la responsabilité civile circulation, volet obligatoire de l’assurance de la flotte de véhicules qui couvre les risques de vols, de bris de glace et autres dommages sur les véhicules, toutes les autres garanties sont optionnelles, même si certaines comme la responsabilité civile professionnelle ou celle sur les marchandises transportées sont des pratiques courantes et donc en général contractées par la quasi-totalité des entreprises de transport afin de se prémunir des dommages occasionnés à des tiers et à l’entreprise elle-même », prévient d’entrée Jean-Louis Malé, agent général MMA et gérant de Transmut, société de courtage d’assurances, spécialisée dans le secteur du transport. Si, du strict point de vue juridique, peu de couvertures sont ainsi obligatoires ou néanmoins objets d’une pratique générale, les PME et TPE du transport ont intérêt à souscrire des garanties optionnelles complémentaires. Certains contrats peuvent se révéler utiles, voire indispensables au regard de l’activité de l’entreprise.
Cette garantie concerne les risques d’avarie, de vol, de casse, d’incendie… auxquels les marchandises sont exposées pendant leur transport. Elle est assujettie à deux textes : celui de la réglementation nationale du transport (Loti) sur le contrat-type entre un transporteur et son client chargeur qui fixe les responsabilités de chaque partie et celui de la Convention relative au transport international (CMR) qui fait de même lorsque l’activité de l’entreprise dépasse les frontières nationales. Cette assurance détermine un certain seuil d’indemnisation sur la valeur du poids de la marchandise ou bien à la palette ou encore au colis. « La prime d’assurance qui couvre les opérations de transport dans les limites du contrat-type s’élève en moyenne à 0,2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise », glisse Patrick Ginet, P-dg de Ginet courtage d’assurances spécialisé dans le transport. Mais lorsque la valeur du bien transporté dépasse la valeur de la marchandise couverte par le contrat-type, on sort de l’assurance marchandises classique. « Dès lors que le chargeur déclare la valeur de la marchandise auprès du transporteur, c’est qu’il estime que cette valeur va au-delà de celle garantie par le contrat-type. Il faut alors que le transporteur se couvre sur la valeur déclarée en souscrivant une assurance optionnelle Ad Valorem », explique Jean-Louis Malé. « Le chargeur peut confier sa marchandise en ordre d’assurance. On bascule alors dans l’assurance dommage, la marchandise étant garantie en dommage », poursuit-il. Les transporteurs peuvent ainsi se couvrir dans cette catégorie de garantie. « Mais environ 40 % des transporteurs encore ne prêtent pas attention à la valeur de la marchandise déclarée par leurs clients chargeurs et ne l’assurent donc pas », remarque-t-il. Ce n’est pourtant pas le cas des Transports Ruiz (11) positionnés sur le lot complet et le vrac solide. L’entreprise se « blinde au maximum » sur le risque marchandises transportées. « On a négocié avec nos compagnies d’assurance une garantie complémentaire qui couvre systématiquement une plus grande valeur que le contrat type. Il faut dire que la garantie dédiée qui découle du nouveau contrat-type est faible », témoigne Patricia Ruiz, sa responsable gestion. L’entreprise est régulièrement amenée à transporter des biens d’une valeur exceptionnelle pour quatre de ses clients. « On paie une prime d’assurance annuelle équivalente à 1 % de la valeur globale transportée », ajoute-t-elle. De leur côté, les Transports Salva (66) spécialisés dans le général cargo et la citerne pulvérulente, se couvrent aussi sur des opérations spot. « Il nous arrive de transporter 5 à 6 fois par an des marchandises dont la valeur dépasse celle couverte par le contrat-type, comme une machine industrielle spéciale ou un chargement de lavande fraîche d’une valeur de 150 000 €. A chaque fois, on prend une assurance Ad Valorem dont on répercute le coût à notre client », indique Jean-Louis Salva, son gérant. De même, pour les Transports Carrier (01) spécialisés dans le transport de déchets. « On paye une prime d’assurance complémentaire qui représente 1 % de la valeur de la marchandise assurée dont on répercute le coût au chargeur », confirme Patrick Carrier, gérant des Transports Carrier. « Les chargeurs ont cependant tendance à minimiser la valeur de leur marchandises pour ne pas payer une assurance supplémentaire », regrette Franck Tison, gérant de Mamta Transport (33) spécialisé dans le général cargo. Pour les Transports Clareton (34), spécialiste du transport frigorifique de produits alimentaires (fruits & légumes, produits de la mer…) qui se couvre également de façon épisodique sur la valeur déclarée hors contrat-type de la marchandise, l’assurance Ad Valorem atteint néanmoins un plafond d’indemnisation à hauteur de 330 000 €. « La garantie couvre grosso modo quelques-unes de nos opérations de transport en camions complets, au départ de Bordeaux, de bouteilles de vins qui représentent une valeur de 300 000 € à 400 000 € et celles d’espadons destinés au caviar d’une valeur de 300 000 € que l’on livre au moment des fêtes de fin d’année », expose Alexandre Clareton, son dirigeant.
Cette couverture facultative se distingue de la responsabilité civile professionnelle de l’entreprise. Celle-ci est une obligation qui impose à l’entreprise de réparer les dommages causés à une victime de son fait, de celui des personnes dont elle doit répondre ou des choses dont elle a la charge. La responsabilité civile du dirigeant fait l’objet d’un contrat distinct pour le couvrir contre sa mise en cause pour faute, négligence et le plus souvent pour mauvaise gestion de son entreprise. On parle souvent de responsabilité civile des mandataires sociaux de l’entreprise pour englober la responsabilité de plusieurs dirigeants associés si c’est le cas. « Les dirigeants ou mandataires sociaux ont une obligation de résultat dans la gestion de leur entreprise et en matière de sécurité du personnel. Ils engagent ainsi leur responsabilité et leurs biens personnels. Le contrat d’assurance dédié prend en charge les conséquences financières si les dirigeants sont condamnés », indique Éric Tichet, responsable de la branche Transport d’Axa France. « C’est une garantie qui devrait être obligatoire au regard du risque pénal et pécuniaire auquel est confronté le chef d’entreprise. Nous nous sommes évidemment couverts en cotisant une prime d’assurance de 1 000 € par an qui nous permettra d’être remboursés sur les frais juridiques engendrés en cas de jugement de notre dirigeant », assène Patricia Ruiz. En revanche, Franck Tison de Transport Mamta s’apprête seulement à s’assurer. « Je me renseigne sur la garantie à prendre. C’est essentiel pour protéger mes biens personnels. Car comme tout dirigeant, je ne suis pas forcément coupable mais toujours responsable. La responsabilité civile personnelle va me permettre d’être plus serein pour manager mon entreprise », avoue-t-il. Quant à Jean-Louis Salva, il a mis le paquet. « Je cotise 3 000 € par an chez Axa pour ma responsabilité civile personnelle. Mais celle-ci me servira bien en cas de problème », révèle-t-il.
Si une entreprise est soumise à autorisation préfectorale pour exercer son activité, elle doit souscrire un contrat spécifique pour couvrir les atteintes à l’environnement. Les garanties de ces atteintes (extensions de responsabilité civile professionnelle ou contrats spécifiques comme l’assurance responsabilité environnementale) sont indispensables aux entreprises dont l’activité peut nuire à l’environnement (pollution de l’air, de l’eau, des sols et nappes phréatiques, atteintes à des sites protégés…). Ces assurances s’appuient sur le principe du « pollueur-payeur ». Le dirigeant doit réparer le préjudice constaté, causé par sa société. Suivant les contrats, l’assurance couvre la dépollution, les coûts d’évaluation des dommages, la réalisation d’études pour déterminer les actions de réparation et les frais administratifs ou judiciaires. « Avec une réglementation qui s’est durcie, les entreprises de transport s’exposent de plus en plus à ce risque d’atteinte à l’environnement, notamment face à la multiplication des recours d’association de protection de l’environnement. La responsabilité du transporteur dans ce domaine a été longtemps sous ou mal assurée. Il faut savoir qu’une simple citerne de lait qui se déverse dans un cours d’eau est considéré comme une pollution », explique Morgan Lecompte, directeur commercial IARD du courtier April Entreprise qui offre une couverture sur mesure dans le domaine. Cette responsabilité civile d’atteinte à l’environnement n’est cependant pas très répandue. Pourtant, « ces contrats reviennent en général pas très cher, de l’ordre de 2 000 € par an pour garantir une enveloppe d’un million d’euros de dépollution », estime Jean-Louis Malé de Transmut. Les Transports Salva se sont ainsi assurés en contractant « une clause dédiée pour le risque de pollution occasionnée par nos citernes pulvérulentes », selon Jean-Louis Salva. Les transporteurs ont aussi intérêt à s’assurer contre le risque de pollution de leurs propres sites, lié par exemple à une fuite de leur cuve de carburant ou à l’épanchement de produits dangereux. « On s’est couvert contre le risque de fuite de carburant via notre responsabilité civile immobilière, car la cuve s’intègre dans la structure du bâtiment », souligne Franck Tison de Mamta Transport.
Ce risque environnemental peut également être couvert par la responsabilité civile professionnelle si l’entreprise n’a pas de site industriel ou d’entreposage et donc n’est pas soumise à une autorisation préfectorale pour les risques de pollution. « Nous sommes couverts de ce risque car il est inclus dans notre assurance de responsabilité civile sur nos véhicules », appuie Patricia Ruiz. De même, Transports Carrier s’est prémuni de ce risque « car il est intégré à l’assurance classique sur les marchandises transportées ».
Cette assurance couvre le risque d’accident, d’incapacité ou de décès d’une ou plusieurs personnes clé de l’entreprise et compense le préjudice subi si un tel événement survenait. Toute personne ayant un rôle déterminant dans le fonctionnement de l’entreprise peut être désignée comme homme-clé, qu’il s’agisse d’un dirigeant ou d’un collaborateur salarié. Le bénéficiaire de cette assurance est l’entreprise, et non pas la famille ou les ayants-droits de l’assuré. « C’est une sorte d’assurance-vie contractée par l’homme-clé, le plus souvent le dirigeant, dont le capital décès/invalidité porte sur des sommes allant de 150 000 € et 300 000 € destinées à être versées à l’entreprise pour préserver la pérennité de son activité. Mais ces sommes dépendent bien sûr de l’âge et de l’état de santé de la personne désignée », précise Patrick Ginet de Ginet Courtage d’assurances. « Pour une couverture de 500 000 € au profit de l’entreprise, le montant de la cotisation annuelle sera d’environ 2 000 euros pour un assuré âgé de 40 ans et 2 500 € à 45 ans. Le capital de couverture peut aller jusqu’à 1 M€ sans s’exposer à des formalités plus contraignantes telles que des rapports médicaux élargis et/ou des questionnaires financiers. Souscrire trop tard peut être préjudiciable notamment en cas de dégradation de l’état de santé de l’homme clé qui peut voir sa souscription majorée, voire partiellement ou totalement refusée par les assureurs », prévient Afif Nefiha, directeur commercial Assurance de personnes d’April Entreprise. « De son avis, « peu d’entreprises se couvrent sur le risque homme-clé ». Certaines pourtant adhèrent à ce type de prévoyance comme les Transports Clareton. « Mon assurance décès/invalidité est prise en compte par véhicule. Cela dépend du nombre de véhicules. Il nous faut donc cotiser une prévoyance à raison de 20 € par mois par véhicule pour nos 50 unités. On verse donc 1 000 € par mois de prévoyance pour que l’entreprise reçoive un capital de 3 M€ en cas de décès/invalidité », détaille Alexandre Clareton. Le groupe de transport Colinet (25) spécialisé dans les déchets alimentaires, a même assuré plusieurs hommes-clé de l’entreprise. « Je me suis assuré ainsi que mes cadres, responsables d’exploitation et d’atelier, à raison d’un versement de cotisation de 1 500 € à 2 000 € par an et par personne pour un capital de couverture de 300 000 € », confirme Christian Colinet, son président. De même, Patricia Ruiz a assuré son époux, dirigeant des Transports Ruiz, sur un capital d’indemnisation de « plusieurs centaines de milliers d’euros », pour une prime d’assurance qui lui coûte 3 000 € par an.
Cette garantie protège l’employeur contre le risque social qui peut se traduire par des réclamations de salariés suite à un licenciement, une démission, une rupture conventionnelle, une discrimination ou un travail dissimulé. « On propose un pack responsabilité employeur qui prend en charge les condamnations de l’entreprise aux prud’ hommes, qui l’accompagne en amont en anticipant les litiges par un conseil juridique social et qui prévient les risques psychosociaux tels que les TMS, le burn-out, ou le harcèlement moral, en réponse à l’obligation du code du travail », expose Laurent Dys, directeur général associé de Corporate Assistance, leader dans le courtage d’assurances du risque social. Le courtier adossé à de grandes compagnies comme AIG ou Axa revendique 1 500 clients transporteurs. Pour une cotisation de 5 € par mois et par salarié, il rembourse les frais d’avocat et les dommages et intérêt des condamnations prud’homales des entreprises. « On gère 100 à 150 prud’ hommes par an. Il faut savoir que le montant moyen des condamnations est de 30 000 € et que 65 % des entreprises sont condamnées. Or, grâce à notre assistance, 35 % seulement des entreprises qui nous sont affiliées sont condamnées », se targue Laurent Dys. Encore une fois, si les chefs d’entreprise sont intéressés par cette assurance, ils sont toujours réticents à se couvrir, selon Corporate Assistance. C’est le cas des Transports Carrier. « On a eu à gérer, il y a 5 ans, un dossier aux prud’hommes qui nous a coûté cher, ce qui ne m’a pas pour autant convaincu de m’assurer. Je ne crois pas à cette garantie », lance Patrick Carrier, son gérant. Christian Colinet préfère s’entourer d’un accompagnement juridique de conseil et prévention permettant à son entreprise d’éviter en amont les prud’hommes. Mais pour une prime d’assurance de 2 000 € par an, les Transports Ruiz se sont en revanche couverts. « Nous avons pris une protection juridique contre ce risque occasionné par un salarié mais aussi par un fournisseur », relève Patricia Ruiz. De leur côté, les Transports Clareton se sont couverts a minima en cotisant 300 € par an pour une garantie de remboursement de frais d’avocat de 20 000 €.
Cette garantie concerne la protection sociale des dirigeants, notamment des gérants qui sont des travailleurs non-salariés. Ces derniers, qui ne cotisent pas à pôle Emploi, ont intérêt à prendre une telle assurance en cas de perte d’activité ou de dépôt de bilan. « Cette couverture ne fonctionne pas si le dirigeant est actionnaire de son entreprise. Il y est éligible s’il est mandataire social, gérant majoritaire ou co-gérant. Le montant de la souscription est équivalent à celui de la cotisation des salariés, soit 7 à 8 % du revenu », éclaire Patrick Ginet. « Mon époux gérant a pris une assurance de la sorte, fondée sur un pourcentage du revenu annuel. Il me semble qu’elle est un peu moins chère que la cotisation salariale », nuance Patricia Ruiz.