L'harmonisation dans l'impasse

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Sauf sur quelques dossiers symboliques, l'harmonisation fiscale en Europe est un leurre. Les transporteurs devront donc continuer à gérer les disparités sur la TVA, les taxes sur le gazole et sur l'accès aux infrastructures. Une carence qui bloque l'harmonisation des règles de concurrence.

«Attribut de la souveraineté nationale, la politique fiscale participe à la politique économique de chaque pays ; l'action européenne n'est donc que subsidiaire et elle a pour but, non pas d'uniformiser les systèmes nationaux de prélèvements obligatoires, mais de les rendre compatibles, » affirme la Commission européenne. La gestion de la fiscalité sur les carburants par l'Union européenne se fait donc sur cette base minimale. La sixième directive communautaire en matière de TVA prévoit ainsi que les produits pétroliers sont soumis à un taux normal minimum de 15 %. A l'heure actuelle, ce dernier varie entre 15 % (Luxembourg) et 25 % (Danemark et Suède). La France se situe dans le milieu de la fourchette. En ce qui concerne les droits d'accises (taxes spécifiques sur le carburant), la législation communautaire prévoit également un taux minimal, fixé par la directive 92-81 (245 Euros pour 1000 litres de gazole, soit 1,61 FF par litre). Mais là encore la disparité est grande entre les pays qui sont au plancher (Portugal, Grèce et Luxembourg) et ceux qui ont décidé de se situer à un niveau beaucoup plus élevé (le record appartient au Royaume-Uni avec 777 euros pour 1000 litres). « On peut estimer que la charge fiscale totale pour les carburants représente 50 à 60% du prix final pour les pays les moins taxateurs (Espagne, Grèce, Luxembourg, Portugal) pour atteindre jusqu'à 75 % au Royaume-Uni, » note la Commission dans un Livre Blanc sur les transports.

Tollé autour des dérogations

Mais la législation européenne prévoit plusieurs types de dérogations à ces règles comme celle éxonérant totalement les carburants utilisés en navigation aérienne ou cabotage maritime en eaux communautaires. Elle prévoit aussi la possibilité pour certains Etats membres d'introduire un dossier individuel auprès de la Commission, afin d'appliquer des exonérations non prévues par les textes. « C'est en vertu de cette possibilité que le Conseil des ministres des Finances a accordé, jusqu'à la fin de 2002 une dérogation autorisant la France, l'Italie et les Pays-Bas à appliquer un taux réduit de taxation du gazole, sous forme d'un mécanisme de remboursement partiel en faveur des exploitants de poids lourds, » explique Stéphane Levesque, délégué route à TLF.

Obtenu à l'unanimité des Etats membres (c'est une obligation de la directive de 1992), cette dérogation a très rapidement suscité une polémique. Les ministres allemands et espagnols des Finances sont montés au créneau pour alerter la Commission sur les risques de concurrence déloyale que fait peser une telle décision. « Un comble pour le ministre espagnol, tempête la FNTR, quand on sait que le niveau des taxes françaises, même une fois pratiquée la ristourne, demeure encore largement au dessus de l'étiage espagnol. » Et alors que le dossier des dérogations semblait acquis, une nouvelle étape est franchie en avril 2001 par l'Allemagne qui demande à la Commission européenne d'ouvrir une enquête sur ces réductions. « Par cette procédure, la Commission veut vérifier que le mécanisme ne créé ni discrimination, ni distorsion de concurrence », explique Stéphane Levesque.

L'enquête ne devrait guère avoir de conséquences pratiques, puisque Bruxelles considère que ces dérogations peuvent se justifier par des considérations à très court terme. L'objectif majeur de Bruxelles est évidemment ailleurs : dans la recherche d'un mécanisme cohérent et durable. Ce dernier permettrait de sortir de cet imbroglio qui consiste à faire appel au régime des dérogations afin de décanter des situations de crise générées par les hausses brutales du cours du pétrole brut. Un mécanisme qui permettrait également d'harmoniser vers le haut et non vers le bas. « Il convient en effet de décourager la tentation d'amortir la hausse des prix par une réduction de la fiscalité, note la Commission dans son Livre Blanc sur les transports. C'est même l'inverse auquel il conviendrait de procéder dans le cadre d'un véritable rapprochement à la hausse des droits d'accises sur les carburants ». A priori, ce dernier principe ne peut que séduire les transporteurs français qui se situent déjà dans les tranches hautes des droits d'accises (la France est à 95 % au dessus du minimum communautaire).

Mais cette volonté est-elle réaliste ? En fait, la marge de manoeuvre de la Commission est extrêmement étroite, voire nulle. « En 1997, un projet de directive relatif à la fiscalité des produits énergétiques a été présenté par la Commission, rappelle Stéphane Levesque. Ce projet a ouvert la possibilité d'une taxation différenciée du gazole en fonction du type d'usage, professionnel ou non. Après quatre ans de discussions, le texte n'est toujours pas adopté et la Commission reconnaît que les Etats membres rencontrent des difficultés à approuver ce projet. » A la FNTR, l'optimisme n'est pas non plus de mise. « Notre grand regret est que la présidence française ait laissé passer ce dossier du carburant utilitaire, déplore Guillemette de Fos, directrice communication de la FNTR. L'Etat est maintenant mis directement devant ses responsabilités. Car en tout état de cause, si rien n'est obtenu au niveau européen avant 2003, il faudra qu'il trouve quelque chose. »

L'Eurovignette ou l'harmonisation manquée

L'Eurovignette est une redevance d'usage des infrastructures réservée aux pays qui ne disposent pas d'autoroutes à péage. Mise en place par une directive européenne de 1993, elle a pour but de permettre un financement équitable des infrastructures par les poids lourds dans l'ensemble de l'Union. Six pays sont maintenant liés par un accord international et gèrent en commun le système de perception de l'Eurovignette : Allemagne, Belgique, Danemark, Luxembourg, Pays-Bas et Suède. Le barème est fonction de la durée, du tonnage et de la qualité environnementale du moteur (Euro 0, 1 ou 2). Les prix varient pour un véhicule aux normes Euro 2, de plus de 12 t et de 4 essieux, de 8 € la journée à 1250 € par an (une Eurovignette achetée dans un pays est valable dans les autres). Ailleurs, on applique le principe d'un droit d'usage direct sur les infrastructures payantes.

Mais le système est loin d'être le parfait exemple de l'harmonisation européenne. « Il faut d'abord remarquer que deux pays, le Royaume-Uni et l'Autriche n'ont pas adhéré à ce mode de gestion, précise Stéphane Levesque, de TLF. Ils disposent de leur propre système, proche de l'Eurovignette, mais avec des barèmes différents. Ensuite, en Belgique, les autorités locales assimilent cette taxe à un impôt. L'achat de l'Eurovignette ne peut alors se faire que dans les trésoreries, avec des chèques en euros, tirés sur une banque belge ». Simple ...

Enfin, le cas des transporteurs frontaliers, soumis quotidiennement à un double système de taxation (Eurovignette et péage) n'a toujours pas été réglé.

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