En Europe, 75 % des vols surviendraient sur des aires ouvertes à tout vent et non surveillées. Or, les entreprises de transport routier de marchandises sont confrontées à une pénurie d’emplacements sécurisés. En France, depuis quatre ans, la demande a pris son envol notamment sur le corridor nord-sud. Ce phénomène pourrait progressivement se résorber grâce aux nombreux projets de parkings sécurisés sur lesquels réfléchissent aussi bien les opérateurs privés que les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
À commencer par APRR, qui compte deux parkings dans le quart nord-est, à Langres sud (230 places) et en Seine-et-Marne (200 places). La société concessionnaire d’autoroutes projette d’enrichir son offre avec la création de six autres parkings sécurisés, en extension d’aires de repos existantes. Dans cette perspective, deux études ont été menées l’été dernier. Les résultats ont été publiés en décembre. La première a été menée en face-à-face auprès de plus de 400 conducteurs (dont 94 % de salariés) de 19 nationalités différentes. La seconde étude a été réalisée en partenariat avec trois fédérations de transport (FNTR, TLF et Unostra) auprès de 400 chefs d’entreprise. 25 % d’entre eux demandent à leurs conducteurs d’utiliser des parkings sécurisés ; 41 % parfois et 34 % non. Principales raisons, 86 % veulent sécuriser le chargement, 69 % veulent limiter le vol de carburant et 65 % sécuriser les chauffeurs. Du côté des conducteurs, l’étude montre que 48 % d’entre eux utilisent régulièrement les parkings sécurisés, 25 % parfois et 27 % non. La majorité, soit 75 %, invoque le besoin de se sentir en sécurité, 58 % pour protéger leur chargement et 53 % pour éviter le vol de carburant. Concernant la non-utilisation des parkings sécurisés, 67 % des entreprises estiment l’accès trop cher, 54 % invoquent le manque de parkings sécurisés et 30 % l’absence de valeur des marchandises.
Le questionnaire porte aussi sur la définition d’un parking sécurisé. Pour les entreprises de transport, celle-ci repose (par ordre de grandeur) sur des équipements de sécurité, un éclairage des parkings suffisant et une vidéosurveillance du site. Concernant les services souhaités, les entreprises citent d’abord les sanitaires et les douches (85 %), la restauration assise (63 %), la réservation et le paiement de l’emplacement à distance (59 %), la connexion WiFi (52 %), les espaces de repos (40 %) et l’assistance technique d’urgence (26 %). De leur côté, les conducteurs mettent en avant la connexion WiFi (55 %), les espaces de repos (39 %) mais aussi la réservation et le paiement à distance de l’emplacement et des services, la laverie avec séchoir et la restauration assise.
De quoi nourrir les réflexions d’APRR qui a adapté son offre en proposant notamment un repas complet à 10 euros à Langres sud. « Nous savons également qu’il nous faudra, à terme, traiter la question de l’hébergement du fait de la future réglementation européenne qui interdira aux conducteurs de prendre leur temps de repos hebdomadaire dans leur camion. Mais il faudra trouver un modèle économique sachant que les conducteurs étrangers n’ont pas toujours les moyens de s’offrir un repas au restaurant », soulève Frédéric Dune, directeur des relations économiques et territoriales chez APRR et gérant de la société Park+. La question de la restauration et de l’hôtellerie sera débattue par les membres de l’Association française des parkings sécurisés poids lourds qui vient tout juste d’être créée. « L’association est ouverte à tous les opérateurs. À ce jour, nous regroupons huit sociétés exploitantes de parkings sécurisés de Dunkerque à Béziers pour 2 000 places de stationnement », indique Frédéric Dune.
De son côté, Vinci Autoroutes compte cinq parkings sécurisés sur l’A7, l’A9, l’A63 et l’A46. Les premiers datent de 2004. Ils ont été conçus avec l’État à titre expérimental, en réponse aux besoins des entreprises de transport. Depuis trois ou quatre ans, la société concessionnaire d’autoroutes est confrontée à une demande soutenue des poids lourds et enregistre une fréquentation en hausse. « L’État nous a d’ailleurs demandé de réfléchir à la création de sept parkings, qui représenteraient 400 places au total à l’horizon de deux à trois ans si les travaux démarrent dès 2021-2022, sachant que nous avons reçu la commande de l’État en novembre dernier », rapporte Amelia Rung, directrice du développement de Vinci Autoroutes, qui rendra sa copie avant l’été. Trois sites sont en projet sur le réseau ASF et quatre autres sur le réseau Cofiroute, près de la région parisienne. Les études en cours vont aider à définir le coût et la durée des travaux car, en fonction du foncier disponible et des difficultés techniques, les prix peuvent varier. À la demande de l’État, Vinci Autoroutes va répondre à l’appel à projets de l’Union européenne. Les demandes de financement doivent être déposées fin février. Avec ses sept parkings en projet, la société concessionnaire d’autoroute (SCA) vise le niveau argent avec la présence, entre autres, de services de douche, sanitaires, WiFi et zone de repos. Sans oublier les distributeurs automatiques de boissons sur le parking. Les services tiendront compte de la présence majoritaire des conducteurs étrangers, espagnols, italiens et ceux des pays de l’Est qui ont des moyens limités. Il sera possible de réserver des places en temps réel, à la différence de son offre existante de parkings sécurisés dont les bornes ne sont pas encore en mesure de remonter le nombre de places occupées à un système de gestion central. « Nous étudions la possibilité de rénover nos parkings de sorte que les entreprises de transport puissent mieux préparer leur parcours en réservant des places sécurisées », indique la directrice du développement. Payable majoritairement par TIS-PL et carte bancaire, l’offre de parkings sécurisés est également portée par des acteurs autres que les SCA. Citons le parking sécurisé SecuritPark (90 places) situé à La Crèche (79), au croisement de l’A10 et de l’A83. Créé en 2009 à l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie des Deux-Sèvres, qui en demeure propriétaire, il a doublé de taille l’an dernier pour atteindre 90 places. Une extension qui s’est accompagnée d’un renforcement de la sécurité et des services. Près de 10 000 m2 ont été ajoutés, intégrant des blocs sanitaires (douches et WC) ainsi qu’un abri pique-nique équipé de tables. Au niveau de la sécurité, l’espace est clôturé par un grillage de 2,40 m. À l’occasion de cette extension, Securitpark a modernisé les installations de vidéosurveillance et d’enregistrement et optimisé l’éclairage et les circulations routières. Le succès de l’opération est au rendez-vous puisqu’elle enregistre depuis deux mois plus de 30 % de fréquentation. « Avec cette extension, nous allons passer au stade supérieur de la certification Tapa [Transport Asset Protection Association] », se réjouit Karine Pailler, directrice de l’aménagement du territoire et des équipements à la CCI. De quoi conforter, s’il en faut, les entreprises de transport, sachant que Securitpark est déjà certifiée niveau 3 sur 5 pour la sécurité et 2 étoiles sur 5 pour le confort par l’association Esporg (European Secure Parking Organisation). Cette dernière s’étant orientée vers le nouveau standard européen, EU Parking Standard de la Commission européenne (CE), publié début 2019, Securitpark a prévu d’entamer une nouvelle démarche de certification en vue de décrocher le niveau platine.
En matière de confort et de loisirs, la palme reviendra sûrement au parking sécurisé Truck Étape Béziers (34). Payable par différents moyens dont TIS-PL, cartes bancaires et cartes pétrolières (DKV, UTA et Idhes), il a été ouvert il y a quinze ans par ASF avant d’être repris il y a trois ans par Fal, un opérateur de restaurants et de parkings en France et en Espagne. Il s’agit d’un site de 350 places labellisé Esporg 5 étoiles pour ses services associés (dont le prêt gratuit de vélos pour aller en ville) et trois cadenas pour la sécurité. « Nous travaillons avec la société de certification Dekra afin d’obtenir le niveau or EU Parking Standard », indique Antoine Lecea Berastegui, P-dg de Fal. Ce dernier projette d’ouvrir un site de 200 places à Perpignan et un second, plus avancé, à Toulouse où il devrait proposer 120 places à proximité de l’A61 fin 2020. « Nous offrirons les même prestations qu’à Béziers avec notamment la buanderie et le prêt de vélos », détaille le président. Avec le cabinet Sigma, ce dernier s’attelle à déployer le WiFi sur l’intégralité du site de Béziers, dont les places pourront être réservées en temps réel dès avril prochain, sachant qu’il met en place avec d’autres confrères une centrale de réservation au travers d’applications smartphone et Internet.
En France, de plus en plus de transporteurs ouvrent aussi les portes de leurs parkings privés à leurs confrères en transit. En témoignent PKM Logistique (voir reportage), qui vient d’ouvrir un site à Clairoix (60). De son côté RDV Transports vient d’emménager en bordure de l’autoroute A16-A26, sur l’axe Paris-Londres-Bruxelles et à proximité des embarquements Transmanche (Calais). Une situation stratégique qui compte déjà deux autres parkings sécurisés. À savoir, C4T et Polley Secured Lorry Park du transporteur et logisticien éponyme. C’est en novembre dernier que le groupe RDV Transports a emménagé sur la zone de transport et logistique de Transmarck-Turquerie où il a ouvert, entre autres, un parking sécurisé de 39 000 m2 avec garage, station de lavage et gazole. Situé dans une zone sensible du fait de la présence de migrants, le site se protège des tentatives d’intrusion grâce à des clôtures grillagées de 3 m de hauteur surmontées de barbelés. Quant à l’entrée du parking, elle est sécurisée par un contrôle d’accès poids lourds et piétons avec des caméras qui lisent les plaques afin d’actionner l’ouverture du portail. « Sept secondes suffisent pour l’ouvrir et le refermer », fait valoir Jean-Pierre Devigne, président de RDV Transports. Le parking est placé sous la surveillance d’agents de sécurité et de maîtres-chiens présents 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Enfin, dans un souci d’écarter les risques de vol, les remorques sont séparées des tracteurs dans deux zones distinctes qui comprennent chacune 166 places. Côté services, les conducteurs disposent de douches et de sanitaires, une cuisine ainsi que d’une salle équipée de tables et de chaises pour prendre leurs repas. De quoi créer du lien social.