Le marché européen pour la livraison par drone est en ordre de marche. C’est du moins ce que laisse augurer la création en 2019 du cadre réglementaire européen pour l’utilisation des drones. Les deux textes publiés par l’Union européenne visent à sécuriser l’usage récréatif et professionnel des drones en les classant en trois catégories d’exploitation. Dans un premier temps, seuls sont concernés par la réglementation les drones à usage récréatifs et professionnels entrant dans la catégorie d’exploitation dite Open. A partir du 1er juillet, le règlement prévoit que les aéronefs devront notamment se conformer à certaines obligations. Par exemple voler à vue et à une hauteur de 120 mètres maximum. Pour les drones appartenant à la catégorie dite Spécifique, qui concerne des appareils présentant des risques plus élevés, la réglementation n’est pas encore aboutie. Elle prévoit toutefois l’obligation de voler à moins de 120 mètres de hauteur et de se conformer à des scénarios de vol. En France, l’approbation de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) est requise pour le drone et l’exploitant. La réglementation est toutefois encore incomplète, elle devrait aboutir en 2022. Idem pour la catégorie dite certifiée qui concerne des aéronefs destinés au transport de marchandises et de personnes. « La réglementation va prévoir quels types de matériels devront être utilisés et dans quel cadre quelles seront les formations nécessaires aux pilotes », résume Bastien Alorent, délégué général de la fédération professionnelle du drone civil (FPDC).
« Dans ce contexte, les constructeurs de drones et les autorités travaillent de concert pour établir les bases de la réglementation et les conditions nécessaires pour transporter par drone des colis allant de 1 à 50 kg », indique Alain Dupiech, porte-parole du constructeur de drone civile, Survey Copter. Cette filiale d’Airbus Defence and Space vient de mener une expérimentation pour démontrer la faisabilité de ce type de livraison avec les opérateurs privés du parc logistique e-Valley. Il s’agit d’un projet titanesque de 320 hectares qui s’élève à Cambrai (Nord) sur une friche militaire. La première pierre a été posée en novembre dernier. Financé par le groupe BT Immo Group, ce parc verra la construction de 550 000 m2 d’entrepôts destinés notamment aux e-commerçants. 1 300 emplois sont prévus à terme. Les quatre premiers bâtiments d’une surface de 240 000 m2 seront livrés fin 2020-début 2021. « Notre ambition est de devenir la première plateforme quadrimodale au monde qui sera desservie par le rail, la route, le fluvial et le drone », rapporte Fabrice Galloo, directeur du développement d’e-Valley. Implanté sur l’ancienne base aérienne 103, le site se situe à proximité de plusieurs autoroutes (dont l’A1, A2 et A26), du chemin de fer, ainsi que du canal Seine-Nord.
L’expérimentation a été menée avec un drone à voilure fixe de 3,30 mètres d’envergure. Équipé d’un moteur thermique, il peut voler à 3 000 mètres d’altitude sur une distance de 50 kilomètres et transporter une charge allant de 5 kilos pendant 6 ou 7 heures. « Nous travaillons avec Airbus et la DGAC pour définir des couloirs aériens le long du canal Seine-Nord de sorte à rejoindre Paris en 30 minutes », poursuit le directeur de développement. Ce dernier imagine que, dans quatre ou cinq ans, des drones à voilure fixe décolleront des pistes aéroportuaires tandis que des drones quadricoptères s’envoleront depuis les toits des bâtiments. L’expérimentation qui vient d’être menée avec la filiale d’Airbus le conforte dans cette idée. « Nous avons démontré notre capacité à gérer le drone en vol. Il pouvait se maintenir vigoureusement au dessus des chemins qui ont été prédéfinis de sorte que le drone ne survole pas d’école ou d’hôpital et qu’il reste au pourtour du canal, des chemins de fer ou des autoroutes et de zones non habitées », explique Alain Dupiech le porte-parole de Survey Copter. La collaboration du constructeur de drones avec la DGAC va aller un cran plus loin. Il s’agit de définir la réglementation qui va régir la conception des drones de livraison. « Les études porteront notamment sur le système automatique de vol qui devra intégrer les paramètres sécuritaires tels que la vitesse, l’altitude, le vent, etc. », rapporte le porte-parole.
Gageons que la poursuite de cette expérimentation sera suivie de près par Atechsys, le constructeur des drones utilisés en France par DPD, la filiale de La Poste, pour ses deux lignes de livraison par drones sur des zones isolées. La première qui se déroule dans le Var, relie Saint-Maximin-La-Sainte-Baume à une pépinière d’entreprises située à Pourrières. Sur trois ans de fonctionnement, elle comptabilise déjà 3 700 km répartis en 190 vols automatiques d’une durée de 20 minutes accomplis sous la surveillance d’un opérateur. La seconde ligne ouverte cette année dessert le village de Mont-Saint-Martin (38) perché à 760 mètres d’altitude en 8 minutes contre 30 à 40 minutes par la route. Cette liaison innove avec un décollage de l’appareil à partir d’une plateforme intégrée dans un camion standard. « C est unique au monde », fait valoir Moustafa Kasbari, le président d’Atechsys basée à Pourrières (83). Cette PME de 23 salariés a développé et breveté un système qui assiste le livreur dans sa mission. Une fois que son drone a décollé du camion, nul besoin de l’attendre. Le livreur peut continuer sa tournée pendant que le drone continue sa mission. « Lorsque le drone est prêt à revenir à sa base, il envoie un message au camion pour lui demander de s’immobiliser de sorte à se poser sur son socle avant que le camion reprenne sa route », explique Moustafa Kasbari qui travaille par ailleurs avec d’autres opérateurs comme Airbus Helicoptere et Thales. Ou aussi Sanofi, Chronopost et CDiscount. La course à la livraison par drone est lancée !