Le 19 mars, Jean-Claude Gayssot s'est refusé à avancer une date précise de réouverture du tunnel du Mont-Blanc aux poids lourds. « Après trois ans de fermeture, cela ne peut pas se faire en un jour. Nous discutons et travaillons à une solution », s'est défendu le ministre des Transports français. Une décision définitive était pourtant attendue ce jour-là, à l'issue de sa rencontre avec son homologue italien Pietro Lunardi*. « Le gouvernement s'est engagé à rouvrir le Mont-Blanc aux camions avant le 25 mars », a d'ailleurs rappelé le représentant de la France. L'accord de Livourne conclu le 16 février dernier entre les deux États prévoit en effet la reprise du trafic lourd dans les 15 jours suivants la réouverture aux véhicules légers. Laquelle a eu lieu le 9 mars. Côté français, la confusion règne. « Il ne faut plus attendre », affirmait Jean-Claude Gayssot le 5 mars, annonçant que le tunnel pourrait rouvrir aux poids lourds « à partir du 15 mars » (cf. L'OT 2160). Le 15 mars, la préfecture de Haute-Savoie laissait entendre qu'une ouverture aux camions pourrait intervenir trois ou quatre jours plus tard. Le lendemain, le ministre des Transports déclarait qu'aucune date n'était fixée : « Les discussions continuent entre Français et Italiens. Les services doivent se tenir prêts pour une prochaine réouverture ». Le gouvernement italien, qui souhaite un retour aussi rapide que possible des poids lourds dans le Mont-Blanc, s'impatiente. Le 19 mars, il s'est même dit prêt à saisir les autorités européennes si la France persistait à bloquer la situation.
« Nous devons faire avec les poids lourds ce que nous avons décidé. Pour moi, la réouverture est toujours valable pour le 25 mars », a protesté Pietro Lunardi. Ce dernier juge « inacceptable » la proposition de limiter l'accès au tunnel aux camions à deux essieux de moins de 19 tonnes évoquée le 13 mars par son homologue français. Jean-Claude Gayssot reprenant ainsi une suggestion des maires de la vallée de Chamonix qu'il venait de rencontrer. Exclure les véhicules articulés serait pourtant contraire au règlement de circulation (décret du 14 février publié au Journal Officiel du 16) approuvé par les gouvernements français et italien (cf. L'OT 2159), qui définit les catégories de véhicules autorisés dans le Mont-Blanc. Si cette restriction était adoptée, 95 % des poids lourds se verraient interdire l'accès au tunnel. La circulation y serait réduite à quelque centaines de camions par jour. « C'est pratiquement l'ensemble du trafic international qui serait touché », s'insurge l'AFTRI (Association française du transport routier international) dans un communiqué du 14 mars. « La situation du pavillon routier français ne permet pas aux professionnels concernés d'être mis à l'écart d'un axe dont ils sont en fait très dépendants pour acheminer les échanges commerciaux vers l'Italie et l'Europe de l'Est », poursuit l'AFTRI. Celle-ci exige du ministère des Transports « l'ouverture du tunnel à tous les véhicules, sans restriction ni discrimination ».
« Cette décision pieuse, sans doute inspirée par un louable principe de précaution, entraînerait une augmentation du nombre de véhicules de plus petite taille pour le même volume de fret transporté », argue la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF). Ce qui conduirait à « une insatisfaction unanime sur les plans de la sécurité et de la pollution. Les ensembles articulés, qui sont spécialement adaptés au trafic international, ne comportent pas de risques accrus par rapport à de plus petits gabarits ». TLF demande donc qu'une concertation soit engagée avec les professionnels du transport permettant « l'élaboration de décisions réfléchies et sans nuisances cachées ». « Dans ce contexte d'interdiction des plus de 19 t, la hausse des tarifs du tunnel du Fréjus n'est plus justifiée », constate-t-elle également. Dans une lettre adressée à Lionel Jospin le 20 mars, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) réclame, elle, l'intervention du Premier Ministre « pour fixer au plus vite la date et les conditions précises de la réouverture de l'ouvrage aux poids lourds ».
Si le projet de Jean-Claude Gayssot rencontre l'opposition des organisations professionnelles de transport, il semble, en revanche, recueillir l'approbation des « anti-camions ». « L'option zéro camion n'est pas raisonnable. C'est pourquoi nous serions prêts à accepter cette proposition », indique l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB), qui regroupe 150 associations opposées au retour du trafic routier international dans le tunnel. En cette période préélectorale, Jean-Claude Gayssot tente de satisfaire toutes les parties concernées. En annonçant, le 13 mars, un retour des poids lourds à titre expérimental, il se rangeait à la position défendue par Yves Cochet. Le ministre de l'Environnement réclamait en effet « une période de rodage de plusieurs mois » avant d'autoriser le trafic lourd (cf. L'OT 2161). Ce compromis n'a pas empêché 1 500 habitants de la vallée de Chamonix de manifester le 16 mars. Quant à ceux de la Maurienne, ils refusent une limitation du trafic lourd au Mont-Blanc. Une solution qui, selon eux, ne permettrait pas de décongestionner le Fréjus.
* Jean-Claude Gayssot et Pietro Lunardi ont assisté le 19 mars, en Savoie, au lancement de chantiers de ferroutage transalpin et des travaux de la future liaison ferroviaire Lyon-Turin.