Maurizio Longo : Selon des données macroéconomiques officielles, les importations entre la Chine et l’Italie représentent quelque 32 Md€ et les exportations, 14 Md€. La Chine est notre quatrième partenaire commercial. L’interruption partielle ou totale des activités de cargaison se répercutera immédiatement sur les activités des transporteurs puisque une baisse des échanges implique automatiquement une diminution du volume de transport et de distribution des marchandises. Nous avons effectué des simulations et nous estimons que cette baisse peut représenter jusqu’à 20 % du volume des activités totales des transporteurs. Les entreprises les moins solides en taille, main-d’œuvre, flotte et chiffre d’affaires, seront impactées plus fortement. Il faut contrôler ponctuellement la situation pour intervenir rapidement en cas de crise du TRM et c’est là que l’État doit agir.
M. L. : Il faudrait utiliser les instruments de la politique économique classique. Cela signifie d’abord mettre en place une cellule de crise pour brosser un état des lieux des entreprises selon les zones géographiques, leurs volumes d’activités, leurs dimensions, leur portefeuille. Puis réfléchir aux mesures compensatoires possibles. Je pense, par exemple, aux amortisseurs sociaux en cas de mises à pied, à un système de défiscalisation et des incitations à la reconversion professionnelle des entreprises à risques. Les entreprises qui subiront une diminution du volume de transport des conteneurs, par exemple, devront automatiquement revoir leurs domaines d’activité. Il faudra les aider car elles devront investir. Autre point important : l’endettement. Durant la grande crise économique, des aides ont été mises en place pour les entreprises endettées. Là encore, il s’agit de réfléchir à la mise en place de mesures ciblées.
M. L. : Depuis le début de l’épidémie, le transport maritime en provenance de Chine a été interrompu à Gênes. L’autorité portuaire locale estime déjà que le volume de trafic a diminué de 5 % en janvier. Cette baisse est liée aux difficultés qui frappent de plein fouet la chaîne logistique en Chine, en raison de l’interruption des activités de cargaisons de conteneurs dans les grands ports locaux. Nous savons par exemple que 40 à 50 % des conducteurs de poids lourds chinois ont interrompu leurs activités depuis le début de l’épidémie. Dans ce contexte, qui devrait ultérieurement s’aggraver compte tenu du nombre de cas enregistrés chaque jour, de rumeurs sur la fermeture de certains ports et de mesures de quarantaine encore plus radicale pour freiner l’épidémie, la situation risque d’empirer. Les transporteurs et les ports italiens se préparent déjà à l’onde de choc car les activités de production industrielle ont été interrompues notamment au niveau de la demande.
M. L. : A l’échelle nationale, la situation pourrait devenir dramatique pour les 13 ports italiens qui entretiennent des relations commerciales étroites avec la Chine. Je pense, par exemple, au port de Livourne, très impliqué dans les projets de routes de la soie et qui fait partie des sites à risques.
Les sociétés de transporteurs professionnellement liées avec ces 13 ports, acheminent chaque année quasiment 11 M EVP de marchandises. L’interruption du trafic devrait représenter un peu plus d’un million d’EVP. Le choc sera donc rude pour les transporteurs spécialisés dans l’acheminement des conteneurs, ce qui demande une grande spécialisation et implique par conséquent des difficultés énormes en termes de reconversion partielle ou temporaire. Les effets collatéraux ne seront pas définitifs mais ils vont avoir un impact important sur le moyen terme au niveau de l’avenir des entreprises.