Un drame comme celui du Mont-Blanc peut-il se reproduire ?
Sur les 39 tunnels routiers de plus d'un kilomètre en France, il y a aujourd'hui dix « Mont-Blanc » potentiels. Au cours de mon enquête, j'ai été très choqué par le fait que l'on a pas tiré les conséquences de l'accident. L'émotion a disparu. Du coup, chacun pense qu'une telle catastrophe ne peut se reproduire. Or, certains tunnels existants représentent une véritable menace pour la sécurité des usagers. Ceux de Tende, dans les Alpes-Maritimes et du Lioran, dans le Cantal, sont dans un état lamentable. La construction du deuxième remonte à 1842 ! Le tunnel de Tende, situé sur la RN 204 en direction de l'Italie, est, quant à lui, une bombe à retardement : son gabarit est tellement étroit que les camions peuvent s'y toucher. L'État doit désormais prendre ses responsabilités. Je vais prochainement rencontrer le ministre des Transport dans le cadre de la préparation de son projet de loi relatif à la mise en sécurité des structures de transport. Lequel pourrait comporter un volet tunnel routier.
Dans votre rapport, vous préconisez la réalisation de tubes unidirectionnels. Or, aucun des projets en cours ne prévoit ce type d'installation...
Mon rapport intervient peut-être un peu tard. Il est, en effet, regrettable que ni le projet du tunnel Ouest de l'A 86, ni le Somport n'aient prévu ce type de construction. C'est pourtant le meilleur moyen d'éviter les croisements de circulation. Si de tels travaux ne sont pas réalisables dans l'immédiat, on peut procéder par étape. Ainsi, à Toulon, un tube unidirectionnel a été construit. Le temps que le deuxième tube soit creusé, le trafic en sens inverse est reporté sur la route.
Vous mettez en avant le rôle des poids lourds dans les accidents de tunnel. Sont-ils les responsables ?
Les camions ne sont pas les éléments déclenchants des incendies de tunnel. J'ai simplement rappelé, statistiques à l'appui, que la présence des poids lourds constitue toujours un facteur aggravant lors d'un début de sinistre. De par la nature de leur chargement et du volume de leur réservoir, ces véhicules sont dotés d'un très fort pouvoir calorifique. Cela dit, les transporteurs routiers n'ont pas à payer les pots cassés d'une politique d'abandon des tunnels. Aucune volonté politique n'est intervenue pour sécuriser ces infrastructures. Quant au Centre d'Études des Tunnels (Cetu), son rôle se limite à plancher sur les ouvrages en cours de réalisation.
Selon vous, les camions devront-ils être autorisés à nouveau à circuler dans le tunnel du Mont-Blanc ?
Tant qu'il n'existe pas de solution alternative, les poids lourds doivent être admis dans ce tunnel lors de sa réouverture. Toutefois, des mesures de sécurité s'impo- sent, telles que l'escorte des camions transportant des matières dangereuses ou encore un contrôle systématique des véhicules à l'entrée de l'ouvrage.
Vous préconisez la création d'une nouvelle classe de produits dangereux. N'allez-vous pas un peu loin ?
Elle correspondrait aux matières alimentaires à risque, celles dotées d'un pouvoir calorifique important comme le beurre ou la margarine que transportait le camion belge lors de l'incendie. Il s'agit de trouver la bonne formule en terme de quantité transportée. Les camions emportant plus de 700 l de gazole doivent, quant à eux, être assimilés à des transports de carburant. La réglementation du transport de matières dangereuses, bien que volumineuse et complexe, est encore insuffisante.
L'approche des élections municipales ne risque-t-elle pas de susciter des prises de décision hâtives en matière d'interdiction de circuler ?
Le climat préélectoral entraîne toujours la surenchère. Le maire de Chamonix s'y prête volontiers en tenant un discours anti-camion jusqu'au-boutiste. Toutefois, son combat contre les poids lourds est antérieur au drame du Mont-Blanc. Lequel a, en fait, servi de caisse résonance aux revendications écologistes. La politique de sécurisation des tunnels est un enjeu national qui ne relève pas de la compétence des maires.
Comment encourager la multimodalité ?
Le temps des beaux discours est fini. Passons aux actes ! Dans cet objectif, je souhaite que l'on accompagne financièrement les transporteurs routiers vers le combiné ou le ferroutage. Il faut, dès à présent, réfléchir aux possibilités d'aides publiques. Le but est de rééquilibrer le rapport route/fer. De même, il serait assez simple de réactiver le mode fluvial pour le transport de marchandises qui ne nécessitent pas un acheminement urgent. Je ne suis pas un pourfendeur du transport routier. Il faut simplement éviter la politique des extrêmes : le tout routier ou le tout ferroviaire. Il me semble que le transport routier vit actuellement une transformation de ses mentalités. La multimodalité est un enjeu important pour les transporteurs. Ils en ont assez de voir leurs camions honnis sur les routes.