Datés du 25 avril, les décrets relatifs au temps de travail des conducteurs « marchandises » et au contingent d'heures supplémentaires sont parus au Journal Officiel du 28, soit quatre jours après leur adoption par le Conseil des ministres. Le dernier tenu sous gouvernement Jospin... Leurs dispositions devaient normalement entrer en vigueur le 1er mai à l'exception de celles applicables aux conducteurs de messagerie et aux convoyeurs de fonds qui ne s'imposeront qu'à compter du « premier jour du 4e mois suivant publication » à savoir le 1er août. Le temps pour les messagers de prendre les dispositions nécessaires à la réintégration de leurs personnels concernés dans le droit commun des 35 heures. Si la promulgation de ces textes met fin à la situation de vide juridique due à l'annulation partielle du décret du 27 janvier 2000, leur élaboration n'aura pas été sans mal. Lancé tout début février, le processus de réécriture du texte invalidé a nécessité la mise en place d'un groupe de travail technique constitué de représentants patronaux et syndicaux. Lesquels ont ensuite été reçus séparément par les services du ministère des Transports. Le résultat se présente donc comme un subtil compromis entre les exigences des organisations d'employeurs - un dispositif le plus proche possible de celui instauré par le décret invalidé - et celles de quatre syndicats de salariés qui demandaient un retour pur et simple au Code du travail pour l'ensemble des conducteurs. D'où la quasi-impossibilité pour le Conseil d'Etat, chargé de « valider » le projet, d'apporter des modifications conséquentes sans remettre en cause l'ensemble de l'édifice. Néanmoins, le décret relatif aux durées maximales de travail s'est vu apporter quelques correctifs. La plus importante touche à la définition du conducteur de messagerie. Toute référence à l'activité (code NAF) de l'entreprise est abandonnée. Initialement retenu par les services du ministre des Transports, ce critère avait été vivement combattu par TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) qui lui préférait celui de l'absence de découchers. Le 13 mars, l'UFT (Union des fédérations de transport) proposait une troisième version fondée sur la combinaison des deux premières. In fine, le conseil d'Etat a tranché en faveur d'une définition (voir ci-dessous sa rédaction définitive) qui ne considère que l'activité des personnels. Une décision qui ne lève pas l'ambiguïté attachée à la notion d'affectation « à titre principal » des conducteurs à des tournées de messagerie...
Concernant le passage progressif aux 35 heures des conducteurs régionaux non messagers - le terme de « courte distance » passe à la trappe - le texte définitif se fait moins précis que le projet. L'objectif d'atteindre la durée légale n'est plus mentionné en tant que tel, remplacé par « la perspective de réduire les temps de service » sans plus de précision. Comme prévu, le calendrier et les modalités de ce retour au droit commun seront déterminés en fonction des résultats d'une évaluation annuelle portant sur les conditions de travail. En attendant, le contingent d'heures supplémentaires applicable à ces personnels passe à 180 heures par an et par salarié. Le temps de service hebdomadaire est fixé à 39 h (35 h + 4 h d'équivalence) ou 169 h mensuelles et la durée de service maximale hebdomadaire à 48 h par semaine isolée ou 208 heures par mois. Pour les conducteurs longue distance ou « grands routiers », le temps de service s'affiche à 43 h par semaine (35 h + 8 h d'équivalence) ou 186 h par mois. La durée maximale est maintenue à 56 h sur une semaine isolée, 50 h hebdomadaires en moyenne sur un mois (ou 220 h mensuelles) et le contingent d'heures supplémentaires à 130 h. Quant aux repos compensateurs (RC), ils sont désormais calculés selon le droit commun ce qui, chiffre le ministère, se traduira par une augmentation « de 1 à 5 jours selon les cas ». Selon les premières estimations, un grand routier devrait ainsi bénéficier d'environ 24 jours de RC par an contre 20 jours pour son collègue « courte distance ». Parallèlement, l'accord de branche conclu le 5 mars sur la rémunération des temps de service a été officiellement signé le 23 avril. L'UFT, l'Unostra et la CFDT attendant de voir le sort réservé au projet de décret avant de s'engager définitivement sur le paiement majoré de toutes les heures à partir de la 35e. Pour tous les personnels roulants, la majoration est de 25% de la 36e à la 43e heure incluse (de la 153e à la 186e en cas de décompte sur le mois). Elle est portée à 50% à partir de la 44e (à compter de la 187e pour un décompte mensuel). Ces dispositions, qui s'appliquent à toutes les entreprises quel que soit leur taille, entrent en vigueur aux dates fixées par le décret. L'extension de l'accord est demandée par ses signataires. Si ce cadre réglementaire satisfait globalement les organisations patronales, ce n'est pas le cas de F.O. Lequel syndicat annonce qu'il contactera le nouveau ministre des Transports dès sa nomination pour « lui faire part de ses craintes sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce décret et sur les évolutions sociales nécessaires dans cette branche d'activité », relève notre confrère Transport Village. F.O fut, avec la CFDT, à l'origine de l'annulation du premier décret Gayssot.
Conformément à la définition retenue par le décret, les conducteurs de messagerie sont « les personnels roulants affectés, à titre principal, à des services organisés de messagerie, d'enlèvement et de livraison de marchandises ou de produits dans le cadre de tournées régulières nécessitant, pour une même expédition de domicile à domicile, des opérations de groupage et de dégroupage, et comportant des contraintes spécifiques de délais de livraison ».