Le coeur du métier

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Aujourd'hui, le prestataire de services logistiques ne se contente plus de stocker. Il personnalise le produit, le présente, l'emballe, et s'installe même dans l'usine de son client pour intervenir sur la fabrication de la marchandise. Les manipulations sont variées, tout comme le sont les acteurs de ce marché florissant. Celui-ci pèse au moins 29 milliards de francs, chiffres d'affaires annuels cumulés des 100 premières entreprises en France en 1999. Certains prestataires de petite ou moyenne taille arrivent à tirer leur épingle du jeu sur des secteurs spécifiques. Mais les acteurs majeurs de la logistique en France gardent l'avantage sur un marché tourné vers l'Europe.

Ce qui différencie les entreprises logistiques aujourd'hui ? Leur savoir-faire et leur connaissance du produit de leur client, l'industriel. Celui-ci exige en effet de son prestataire qu'il touche de plus en plus à la marchandise. Il l'emballe, la transforme, et intervient même dans la chaîne de fabrication. « Ils ont tous les mêmes types d'activités, indique Marie-Françoise Courtin, président délégué général de la Fedimag (Fédération nationale des prestataires logistiques et des magasins généraux agréés par l'Etat). Les grosses entreprises attirent les fabricants qui comptent se développer en Europe. Leur surface financière importante leur permet d'intégrer rapidement un nouveau client, là ou des structures plus modestes devront embaucher et agrandir leur surface d'entreposage ». En revanche, les « petits » logisticiens arrivent à s'imposer sur des produits où ils se sont spécialisés, des « niches ». A l'image de Stock Express, qui, avec un chiffre d'affaires de 273 MF, affiche 60 % de parts de marché sur le secteur de la distribution de cassettes vidéo et DVD en France. Dans ce domaine, il traite 18 millions d'articles par an. « Lors d'un lancement vidéo, il est nécessaire de rendre les films disponibles au jour J, dans la totalité des points de vente et dans le même temps pour toutes les enseignes, explique Thierry Ranson, directeur d'exploitation de la société. Sur ce type de prestations, nous assurons un taux de réussite contractuel proche de 100 % ». Stock Express réalise 30 % de son chiffre d'affaires dans le secteur vidéo. Autre domaine porteur, l'habillement. La société a signé en avril 2001 un contrat sur cinq ans avec le fabricant de lunettes Oackley Europe. Depuis le mois de juillet, elle effectue l'approvisionnement de tous les magasins de la chaîne. Dans cet objectif, Stock Express a agrandi de 3000 à 5000 m2 sa plate-forme picking d'Evry, dédiée au même type de prestation réalisée pour les magasins Courir (filiale de Go sport). « Nous sommes capables de préparer 30 000 pièces par jour, expédiées sous 24 heures, explique Philippe Rigault, directeur de la relation client. Les magasins Courir passent leurs commandes de chaussures à l'unité. Il est rare que nous livrions une caisse pleine du même modèle. Nous sommes pratiquement les seuls en France à pouvoir gérer ces contraintes sur de tels volumes ». Les fabricants de produits de haut de gamme préfèrent souvent assurer eux-mêmes leur distribution, car il tiennent à une prestation sans faille. C'est le cas de Nike, par exemple. Dans cette industrie, les flux de marchandises connaissent une forte élasticité. « Les quantités varient de 1 à 7. Nous avons des pics de commandes en août, avant la rentrée scolaire, et le mardi, en prévision du mercredi, jour où beaucoup d'enfants vont faire les courses ». Sur sa seule plate-forme d'Evry, Stock Express s'est doté de deux responsables chargés d'organiser le site en fonction de l'évolution de l'activité, année après année. « Nous ne préparons pas les commandes comme nous le faisions il y a trois ans ».

Jusqu'où externaliser ?

L'ensemble des entreprises propose des solutions qui portent sur l'optimisation des approvisionnements, la réduction des stocks et des délais de livraison. Bien souvent, elles sont capables d'assurer le suivi des produits, ou traçabité, tout au long de la chaîne. En passant d'une solution intégrée à la sous-traitance, les services généraux du groupe AXA ont demandé à Stock Express de rationaliser la gestion des commandes des fournitures et de différents documents. L'objectif fixé était de réagir à tout ordre sous 24 à 48 heures. Résultat : le nombre de références à été divisé par cinq, le stock lourd et la surface de picking, par trois, et le coût logistique a été diminué de 40 %. « Notre métier consiste à déterminer, pour chaque produit, la rupture de stock et à définir avec notre client une "marge" de sécurité. Nous faisons en sorte que le nécessaire soit toujours disponible, tout en évitant les réserves inutiles. Nous avons vu des accumulations d'articles suffisantes pour satisfaire les besoins de l'entreprise pendant plusieurs centaines d'années », commente Philippe Rigault.

Des opérations d'approvisionnement ou de distribution qui étaient auparavant effectuées en interne sont aujourd'hui externalisées. Les industriels ont, depuis une quinzaine d'années, décidé de se reconcentrer sur leur coeur de métier. Pour réduire leurs coûts annexes et faire face à la concurrence, ils ont sous-traité le transport, puis le stockage, et, peu à peu, toutes les opérations qui dépassent le cadre strict de la fabrication du produit. Selon une enquête réalisée par l'Aft-Iftim auprès de 600 entreprises (1), 86 % d'entre elles sous-traitent tout ou partie de leur logistique. 70 % laissent le soin à un prestataire de gérer partiellement le stockage et l'entreposage de leurs produits, et 30 % l'externalise intégralement. Ce pourcentage varie sensiblement en fonction des secteurs concernés : 14 % dans le secteur automobile, 19 % dans l'agro-alimentaire, 25 % dans la chimie et 38 % dans les sociétés commerciales. 7 % des entreprises sous-traitent la manutention, 3 % la préparation des commandes, 3 % le conditionnement. Le transport étant externalisé à 85 %, ceux qui en vivent ont été les mieux placés lorsque les industriels ont décidé de sous-traiter d'autres opérations. Pourtant, les logisticiens actuels revendiquent un métier à part.

Un métier carré

« Le transporteur comme le logisticien gèrent des flux. Ce sont deux métiers voisins, mais de conception différente. Lorsque qu'une difficulté survient, le premier le règle sans s'arrêter, mais le second doit faire une pause afin de réparer », explique François Durieux, directeur commercial logistique du prestataire Heppner. Il arrive par exemple que la quantité de stocks physiques ne corresponde pas, lors de l'inventaire d'un entrepôt, à son équivalent administratif enregistré dans l'informatique. Le logisticien est alors forcé de cesser l'activité du site pour déterminer la faille.

« Notre prestation de base consiste à mettre à disposition de l'industriel une surface de stockage pour accueillir ses produits, dont nous gérons l'entrée et la sortie ». La problématique du logisticien consiste à garder le moins longtemps possible un article en entrepôt. Dans cette logique, il applique le principe FIFO, « first in first out », premier entré, premier sorti. Car si les marchandises ne « tournent » pas constamment, elles sont susceptibles de se dévaluer, voire de s'avarier. Chaque palette qui pénètre sur un site est localisée par une adresse. Son contenu et sa date d'entrée sont enregistrés sur la base de donnée informatique. Lors de la préparation d'une commande, le produit le plus ancien est automatiquement sélectionné. Automatisation, informatisation, ce sont les maître mots du logisticien. C'est ainsi qu'il se démarque du transporteur stockant quelques palettes pour son client.

Les petits plus

Autour du stockage et du magasinage, se greffent une pléthore de prestations complémentaires, les « petits plus » qui déterminent le choix de tel ou tel prestataire. Parmi elles, le co-packing. C'est une opération ponctuelle qui consiste à organiser des lots d'articles pour le compte d'un client donné, en général à l'occasion d'une promotion. Par exemple un ensemble de cassettes vidéos, accompagnées d'un CD, qui une fois emballés, constituent une unité de vente. « Pour Psion, nous regroupons un organiseur électronique, une mousse en cuir et un livre. Nous emballons le tout et le filmons ». En outre, beaucoup effectuent du conditionnement. On distingue l'emballage primaire - le flacon du médicament - de l'emballage secondaire - la boîte qui entoure le flacon.

Par ailleurs, les entreprises de logistique effectuent des opérations de co-manufacturing, ou « différenciation retardée ». Il s'agit d'une intervention sur le produit sans incursion dans le processus de fabrication : placer le coffre d'un ordinateur autour de l'unité centrale, insérer un pare-brise dans ses gaines de caoutchouc. Dans le secteur alimentaire, l'industriel peut demander à ce que son prestataire effectue de la préparation sur-alimentaire. Stef-TFE transforme ainsi des fruits en purée avant de les congeler, en vue de fabriquer de la glace.

Le post-manufacturing, aussi appelé perfectionnement actif, intervient sur le produit final. Il ajoute le détail qui va différencier un article d'un autre entre deux surfaces de distribution concurrentes. Il intervient par exemple dans l'européanisation des matériels électroniques. On compte en effet sept fiches électriques différentes selon les pays. Un ordinateur sera livré Royaume-Uni et en France accompagné de cordons et de claviers différents. Le prestataire logistique peut aller jusqu'à intervenir dans la fabrication du produit : c'est le kitting. Dans l'industrie automobile, cela peut correspondre à placer un pare-chocs sur une voiture.

Il arrive que le fabricant demande au logisticien d'effectuer ce type d'opérations au sein même de son usine où sur un site adossé à la production. C'est l'intervention sur site, prestation dédiée qui correspond aux besoins spécifiques d'un client. Géodis Logistics, par exemple, s'est installé dans l'usine Alcatel de Laval. Il effectue pour celui-ci de la mise à disposition de marchandises : il charge un logiciel dans les téléphones de la firme, puis les emballe. L'industriel limite ainsi les flux d'articles dans sa chaîne de production. Solectron, société high-tech, a également demandé à Geodis d'effectuer des prestations logistiques dans l'enceinte de son cite. Le prestataire se place ici au milieu de la fabrication, puisqu'il gère la réception de tous les composants, effectue leur contrôle qualité, avant d'approvisionner la chaîne de montage des cartes électroniques.

Les ténors

Filiale de Geodis, Geodis Logistics est considéré comme leader sur le marché national de la logistique, où il affiche un chiffre d'affaires de 2 972 MF en 1999. En France, la société compte plus de 700 000 m2 de surface d'entreposage, sur environ 100 sites. En Europe, elle est présente en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, au Benelux, en Pologne et en Hongrie. Ses activités logistiques sont très diversifiées. Elles couvrent le magasinage, la gestion de stock, la préparation de commande, le co-manufacturing, le co-packing.

Géodis Logistics réalise à lui seul 10 % du chiffre d'affaires cumulé des 100 premières entreprises du secteur en France, estimé à 29 milliards de francs en 1999 (2). Les dix principaux acteurs du marché en contrôlent plus de la moitié. Quand aux deux leaders, Geodis et Hays, ils en détiennent 20 %. L'observation de ce « Top 100 » sur les trois dernières années révèle un palier entre 300 et 400 MF de CA, que certaines sociétés ont du mal à franchir. Au delà de 500 MF, leur dynamique de croissance s'accélère, jusqu'au prochain seuil du milliard. Parmi les firmes affichant un CA inférieur à 500 MF, on compte un nombre important de filiales de groupes étrangers. Christian Salvesen, UPS logistics, Exel, Schenker-BTL, Tibbet & Britten, TDG Logistics. Dans cette catégorie d'entreprise, on trouve également des transporteurs comme La Flèche Cavaillonaise, Olano, Synchrony Logistique, Caillot, Breger, Mainco, et Bils Deroo. C'est ce dernier qui, depuis plusieurs années, affiche la plus forte croissance. La majorité des grandes entreprises régionales du transport qui se sont tournées vers la logistique ne dépassent pas les 100 MF de CA.

4PL : une vision élargie

Les prestataires étrangers représentent plus d'un quart du marché, et les britanniques seuls, près de 15 %. Toutefois, le poids de ces derniers reste lié à celui de Hays Logistique France, qui pèse deux fois plus que ses compatriotes réunis. La filiale française de Hays affiche un chiffre d'affaires d'environ 2,7 MdF, soit 34,5 % de celui de la maison européenne. La société emploie 4 400 personnes réparties sur 70 entrepôts. Elle dispose de 900 000 m2 de surface et est présente dans la distribution, la grande consommation, les télécommunications et l'industrie automobile. Hays accorde à cette dernière activité une attention particulière. Des contrats noués au cours de l'année 2000 avec Honda et Michelin commencent à consolider Hays sur ce segment de marché en France. Son activité sur le territoire national rassemble le stockage, la gestion de stock, la préparation de commandes, le co-packing et le co-manufacturing. En Europe, Hays dispose de 46 sites au Royaume-Uni, 50 en Allemagne, 10 au Benelux. Il est également présent en Italie, en Espagne, en Pologne et en Grèce, pour une surface totale d'entreposage de 1 400 000 m2.

A la fin de l'année 2000, la société a créé un nouveau service, baptisé 4PS, pour Forth party solutions. Ce nom dérive du terme 4PL, qui désigne une entreprise se chargeant de l'animation et de la gestion globale d'un réseau de prestataires logistiques et de leur clients. La division 4PS définit des solutions de supply chain complexes et en assure le suivi. Elle développe des partenariats entre les industriels, les intermédiaires et les distributeurs, à la fois au niveau des flux physiques et informatifs. Dans ce schéma, un fabricant peut très bien, par exemple, gérer le mouvement de ses stocks jusque dans les rayons des supermarchés, le transfert de propriété ne se réalisant qu'au moment de l'achat. On peut également imaginer que des industriels d'un même secteur, dans leur logistique européenne, partagent des moyens comme les entrepôts et les véhicules. Pour renforcer ses capacités, le prestataire a racheté, en juin dernier, le cabinet français Argon et ses 90 consultants. Celui-ci est spécialisé dans la logistique industrielle et commerciale. Hays a également passé une alliance avec i2 Technologies, éditeur de progiciels pour l'optimisation de la supply chain.

Stef-TFE : 95 % de produits frais

Avec un chiffre d'affaires de 1 584 MF en logistique, Stef-TFE arrive en troisième position des prestataires en France. Cette activité représente plus du quart de l'activité totale du groupe. Il est orienté vers le traitement des produits frais industrialisés (50 %), des fruits et légumes (34 %), des produits de la mer (12 %), et des surgelés (12 %). La société dispose d'un volume d'entreposage de 1 535 000 m3, de 123 sites et de 48 plates-formes frigorifiques. Le pôle logistique effectue les prestations de stockage et de gestion de stock, de préparation de commande et de livraison. Il propose également des activités plus spécifiques : congélation et surgélation de certains produits bruts, relevé des poids, étiquetage, co-packing, conditionnement. Misant sur la gestion des flux d'information, la société a, en 1999, créé Agrostar, filiale spécialisée dans des systèmes informatiques dédiés à la logistique du froid.

Stef-TFE est suivi par Giraud, avec un chiffre d'affaires logistique de 1347 MF (1292 en 2000), soit un tiers de l'activité du groupe, qui a filialisé cette spécialité en 2001 sous la dénomination Giraud Logistics. Ses dirigeant misent sur une progression de 25 % en 2001, et de 20 % en 2002. Cette année, Giraud Logistics a repris en Espagne la société Logex, (25 MF de CA), implantée à Pampelune et à Barcelone, ainsi que l'entreprise italienne IMA, installée à Turin, Milan et Fossano (70 MF de CA). Giraud Logistics est équipé de 55 entrepôts qui représentent 785 000 m2 d'entreposage. Elle distingue la logistique de services et la logistique des flux, qui pèsent chacune pour environ la moitié de son chiffre d'affaires. Il est actif dans le stockage-magasinage, à hauteur de 12 % de son CA, dans le transport (40 %), la gestion de stock (7 %), la préparation de commande (25 %), le co-manufacturing (3 %), le co-packing (5 %), l'installation sur site (2 %), le SAV (1 %), les matières dangereuses (1 %), la température dirigée (4 %). Giraud Logistics a récemment séparé ses activités en cinq branches : le conditionnement, l'outre-mer, la pharmacie, les hautes technologies et la grande distribution, ajoutée d'une division générale. Une façon de personnaliser ses prestations en fonction d'un type de client. « Notre savoir-faire consiste à nous adapter à sa culture, explique Hervé Lehembre, directeur ingénierie et exploitation de la société. A la tête de chaque division, nous avons placé une personne issue du domaine correspondant ». De l'avis de Christian Nicolas, directeur général de Giraud Logistics, la maîtrise du marché passe par celle des flux d'information. Treize systèmes parallèles coexistent actuellement. Au cours des trois ans à venir, la société a prévu de mettre en place un dispositif global de communication avec ses clients, à l'échelle européenne. Elle est présente au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, en Pologne et en Hongrie.

(1) Entreprises de 100 employés ou plus opérant dans quatre secteurs principaux : l'agro-alimentaire, le commerce, la construction automobile, et les industries chimiques.

(2) Estimé par notre confrère Logistique Magazine dans son classement «Le Top 100 des prestataires logistiques», publié en décembre 2000 .

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