La phase commerciale se précise

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D’un coté, des start-up défrichent les modèles économiques de la livraison aérienne par drone, quitte à s’associer avec des ténors de la messagerie expresse ou de la distribution. De l’autre, Google, Amazon et Uber passent à l’action.Dossier réalisé par Erick Haehnsen & Éliane Khan / Agence TCA

Cette histoire va se passer dans un futur très proche. Votre fille compte participer à un match de football cet après-midi. Catastrophe nationale brute : votre jeune chien vient de déchiqueter une de ses chaussures à crampons Puma Evo Power. Qu’à cela ne tienne, il suffit de commander une nouvelle paire sur Amazon. Elle sera livrée en 30 minutes dans le jardin de la maison par Amazon Prime Air. Préempté manuellement dans les rayons de l’entrepôt, le colis sera automatiquement chargé dans un drone qui décolle à la verticale jusqu’à une hauteur de 150 m et livre jusqu’à une distance de 25 km. Le drone sait éviter les obstacles aussi bien à terre que dans les airs. Sur la tablette familiale, un message indique que la livraison est sur le point d’arriver. La mère de famille place sur la pelouse un repère, un A comme Amazon. Le drone vient se poser sur le repère, expulse le colis et repart vers l’entrepôt. « Des livraisons plus rapides, la réduction du trafic routier et de la pollution induite, l’accès à des zones complexes, la réalisation de livraisons précises et un confort accru rendent les drones très attractifs pour les livraisons sur le dernier kilomètre », explique Joe Praveen Vijayakumar, vice-président du cabinet d’analyse Frost &Sullivan qui a sorti une étude sur le sujet en février 2019. Laquelle prévoit que 2,2 millions de drones de livraison devraient être employés en 2025 dans le monde.

Des start-up à l’origine

Ce sont les start-up qui ont défriché le secteur. Comme la californienne Zipline qui, depuis 2016, cumule plus de 25 000 missions de distribution de médicaments au Rwanda et au Ghana à partir de l’application smartphone des médecins de brousse. Citons également les françaises Air Marine, Atechsys ou TwinsHeel ainsi que Drone Delivery Canada ou encore Eva Labs au Portugal. Cette dernière mise sur le drone Valkyr (livrable dès juin 2020) qui, avec une longueur de 190 cm et une envergure de 5 m, embarque 18 moteurs pour une charge utile de 15 kg et une autonomie de 100 km. Vitesse : jusqu’à 180 km/h. La PME s’appuie également sur la V-Station, une station de la taille d’un conteneur maritime qui joue le rôle d’un véritable aéroport pour 24 drones, capable de faire décoller un engin toutes les deux minutes. La recharge des batteries des drones est assurée soit par Grid, soit par batteries soit encore par une pile à combustible à hydrogène.

De l’autre côté de l’échiquier, on trouve les plus grands rouleaux-compresseurs de la technologie. À savoir deux GAFA, Amazon et Alphabet (propriétaire de Google) ainsi que la licorne Uber. Sans oublier bien sûr les géants de la distribution (Walmart), de l’industrie (Airbus Industries, BMW, Renault-Nissan-Mitsubishi) et du transport (DPDgroup, DHL, FedEx Express, La Poste, UPS…). En août 2018, l’américain Wing Aviation a décroché la certification de transporteur aérien de la part de l’Administration fédérale de l’aviation civile des États-Unis (FAA) – un an avant Amazon (août 2019). Mais la filiale d’Alphabet a donné au secteur de la livraison par drone son plus grand coup d’accélérateur en officialisant en octobre dernier le premier service commercial de livraison par drone aux États-Unis. Un service lancé à Christiansburg, en Virginie, en partenariat non seulement avec FedEx Express mais aussi avec Walgreens (distributeur de petites fournitures médicales et médicaments) et Sugar Magnolia (friandises, papeterie…). Précisons que les drones de Wing peuvent transporter une charge maximale de 1,4 kg à une vitesse allant jusqu’à près de 100 km/h. Ce premier essai aux États-Unis fait suite à d’autres projets pilotes réalisés par FedEx en Australie et en Finlande. Quant à DHL Express, il s’est associé en mai dernier au constructeur de drone Ehang pour couvrir le marché chinois.

De son côté, Amazon, qui a démarré ses travaux de recherche sur la livraison par drone en 2013, prépare la riposte. « Notre dernier modèle de drone Prime Air […] entièrement électrique peut voler jusqu’à 15 miles (env. 24 km, NDLR) et livrer des colis de moins de 2,5 kg aux clients en moins de 30 minutes. Et, avec l’aide de notre réseau logistique, nous nous attendons à faire évoluer Prime Air en livrant les colis par drone aux clients d’ici quelques mois, a annoncé Jeff Wilke, PDG d’Amazon Worldwide Consumer, en juin dernier à la conférence re : MARS d’Amazon (Machine Learning, Automation, Robotics and Space) à Las Vegas. C’est un modèle hybride. Il peut effectuer des décollages et des atterrissages verticaux comme un hélicoptère et passer très facilement en mode avion. » Amazon sait qu’il doit convaincre les clients au sujet de la sûreté de fonctionnement de ses machines. Pour ce faire, le géant du e-commerce compte mettre l’intelligence artificielle à contribution. « Nos drones doivent être capables d’identifier les objets statiques et en mouvement venant de n’importe quelle direction. Nous utilisons divers capteurs et algorithmes avancés, tels que la vision stéréoscopique multi-vues, pour détecter les objets statiques comme une cheminée. Pour détecter les objets en mouvement, comme un parapente ou un hélicoptère, nous utilisons des algorithmes propriétaires de vision par ordinateur et d’apprentissage machine, reprend Jeff Wilke. La cour ou le jardin d’un client peut comporter des cordes à linge, des fils téléphoniques ou des fils électriques. C’est l’un des défis les plus difficiles à relever pour les vols à basse altitude. » Grâce à ses technologies de vision artificielle, Amazon pense y parvenir. Reste que ces éléments varient d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre et nécessitent d’adapter les logiciels de vision artificielle qu’embarquent les drones.

Certifications FAA

La FAA a accordé en octobre dernier à UPS la certification Part 135 Standard qui lui permet de livrer les hôpitaux de Mountain View en Californie avec les drones du constructeur californien Matternet. Cette certification complète ouvre à l’expressiste la possibilité d’étendre ses opérations de compagnie aérienne pour la livraison par drones à tout le pays. « Nous avons fondé Matternet avec la conviction que nous devons créer une nouvelle couche de transport capable d’utiliser des réseaux de drones pour livrer à la demande des articles urgents. Et ce, pour une fraction du temps, du coût et de l’empreinte écologique de tout autre mode de transport », estime Andreas Raptopoulos, PDG de Matternet. Composé de drone Matternet M2 et de la plate-forme Matternet Cloud, le système logistique du californien transporte des colis pesant jusqu’à 2,5 kg sur des distances allant jusqu’à 20 km en opérations hors de la visibilité directe (BVLOS). Précisons que Matternet est la première entreprise au monde à être autorisée à exploiter pleinement les réseaux logistiques de drones dans les zones à forte densité de population en Suisse, à Zurich en mars 2017. Toujours en Californie, la FAA a donné durant l’année 2019 son autorisation à Uber pour tester son nouveau service de livraison de drones qui sera assuré par Uber Eats à San Diego cette année. Fin octobre, l’entreprise a dévoilé la nouvelle architecture de son drone qui, à l’instar de son projet de taxi volant, utilise des ailes tournantes à six rotors pour décoller à à la verticale puis voler ensuite comme un avion. La capacité de chargement du drone se limite à un repas pour deux. Conçu pour effectuer un trajet de livraison maximum en huit minutes, y compris le chargement et le déchargement, son altitude de croisière sera de 150 m au plus et sa portée totale de vol de près de 30 km à vide et 20 km avec un chargement. Il pourra résister à des vents de 50 km.

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