À peine les jeux olympiques terminés, l’Union TLF a été la première organisation à tirer un premier bilan de ces Jeux. Avec d’emblée un constat : « les livraisons urbaines ont pu se dérouler sans difficultés majeures malgré un niveau inédit de contraintes pour les professionnels ». Interrogés sur l’impact des JO sur leur activité, 54% des adhérents (une quarantaine a participé à l’enquête) ont témoigné d’un effet neutre, quand 33% ont évoqué un effet défavorable.
« Paris était vide ! »
Il faut reconnaître, contre toute attente, que ces dernières semaines ont été marquées par un gros trou d'air dans la fréquentation de la capitale, étonnamment calme. « Paris était vide !, s’exclame Guillaume Robert, directeur des Transports Bon (Vaudherland, Val d’Oise). Même aux heures de pointes, la circulation était fluide. » À croire que les Parisiens ont fui la capitale de peur de vivre un chaos total (trafic infernal, métro bondé à toute heure, risque d'attentat, afflux de touristes).
Voilà plusieurs mois que cette PME (60 salariés dont 54 conducteurs) qui partage ses activités entre le transport vrac et l’acheminement de déchets et de matières dangereuses (60 moteurs et 100 cartes grises) avait anticipé l’organisation des JO, le trafic en Ile-de-France représentant les trois quarts de son activité. « Mais rien ne s’est passé comme prévu ! », se lamente le transporteur.
« Nous nous attendions à transporter un grand volume de déchets et à rencontrer certaines difficultés dans les zones concernées par les restrictions de circulation. Nos clients nous avaient demandé de mettre en place des livraisons de nuit. Nous avons donc mobilisé quatre conducteurs sur les tournées nocturnes. Mais, Il y a eu beaucoup moins de travail que prévu. Quasi au dernier moment, nous avons dû tout annuler et autoriser nos équipes à partir plut tôt en vacances », raconte-t-il. Mi-septembre, Guillaume Robert n’avait pas encore dressé un bilan chiffré. « Je n’ai pas envie de me faire peur. Je ferai les comptes en octobre. Mais, ce qui est sûr, c’est que nous avons fait moins que les autres années ». Lequel estime la baisse à « au moins 10% ».
« C’est une grande perte ! »
Même son de cloche du côté d’Ilhem Badis, la directrice générale de Blondeau Déménagement localisé dans le 12e arrondissement de Paris, de ProConcept déménagement (Taverny – 95) et de Gauvin Déménagements (Partis 13), trois entreprises dont le trafic en Île-de-France est central dans les activités (60 à 70%).
Ici aussi, pourtant, l’anticipation a été de mise. Mais la patronne a dû composer avec les couacs de la plateforme numérique anticiperlesjeux.gouv.fr, mise en place courant mai. Beaucoup trop tard, selon elle. « La période estivale est la plus chargée avec 7 à 10 déménagements par jour et par structure. Les dossiers sont traités trois à quatre mois à l'avance. Et là, deux mois avant la période estivale et le lancement des JO, nous avions très peu d'informations et de directives. Pas de quoi travailler sereinement. Nous avons longuement attendu le lancement de cette plateforme. Mais, une fois en service, le site a connu des bugs et a été mis en maintenance pendant plusieurs jours. Pendant ce temps-là, en interne, nous avons renforcé notre ressource humaine : l’équipe administrative est passée de six à neuf salariés (contrats en CDD) pour pouvoir absorber la charge de travail. Sur la partie exécutive, l’équipe est montée à 40 voire 80 déménageurs par jour. Pour chacune de ces personnes, nous avions préparé l'éligibilité à circuler dans les zones impactées par les JO afin d’obtenir le fameux QR-Code. Ce qui a nécessité de nombreuses démarches administratives. »
Mais, ici aussi, le scénario ne s'est pas passé comme prévu. « 20 à 30 jours avant la date prévue, un grand nombre de projets ont été mis en stand-by ou annulés. Certains de nos clients ont craint des difficultés de circuler, un manque de visibilité, du stress. » D’après Ilhem Badis, cette période habituellement sportive s’est donc soldée par « une baisse significative » des activités. « Nous avons renforcé les effectifs, ce qui a coûté de l'argent. Au final, c'est une grande perte ! » La dirigeante attend novembre voire décembre pour dresser un bilan définitif. Pour l’heure, elle a lancé une stratégie de reconquête. « Aujourd'hui, je relance tous mes clients pour rattraper ce manque d’activité. »
« Ce qui a été mis en œuvre a porté ses fruits »
En revanche, chez XPO Logistics, qui avait mis en place une nouvelle stratégie de livraison dans Paris à l’occasion des JO/JOP, l'ambiance n'est pas aussi morose. « Ça s'est bien passé, ça s'est même très bien passé sur le plan organisationnel. Tout ce qui avait été mis en œuvre et anticipé a porté ses fruits », indique pour sa part Olivier Mirio, directeur commercial et marketing. Ce dernier salue d’ailleurs le travail préparatoire et collaboratif avec toutes les parties prenantes, dont la Préfecture et la Ville de Paris.
« Sur le terrain, il y a eu une très bonne collaboration, une bonne anticipation et beaucoup d'efforts de part et d'autre. » Il ajoute : « Nous avions donné à nos clients des consignes de sorte à décaler, anticiper, réduire, lisser les volumes. » Résultat : « Nous n’avons pas eu d'engorgements dans nos agences ni dans nos exploitations. »
Certes, Olivier Mirio fait état de certains imprévus mais qui ont pu être réglés efficacement : « Pendant les Jeux, plusieurs athlètes se sont plaints de la chaleur dans les logements du village olympique, qui n’étaient pas climatisés. À commencer par les sportifs de la délégation asiatique, pour laquelle des systèmes de climatisation ont dû être ramenés en urgence. Nous avons donc mis à disposition de notre client fabricant de climatiseurs une salle de réunion sur notre site logistique de Vémars, près de Roissy, pendant plusieurs jours. Elle s’est transformée en un espace permettant aux équipes de s'entraîner à monter le matériel. Puis, le jour de la livraison, pour opérer les derniers mètres, nous avons dû décharger colis par colis pour passer les portiques de sécurité. Nous avons fait preuve de réactivité et notre client était ravi. »
D’après lui, la collaboration des différents acteurs et l'anticipation ont permis de bien gérer cette période. Pour XPO Logistics, les Jeux ont aussi été l’occasion de poursuivre le déploiement des transbordements de marchandises depuis des véhicules lourds vers des vélo-cargos. « Ce qui a permis d’éveiller l'intérêt de certains clients sur ces solutions décarbonées, plus légères. »
Les "héritages" des JOP se dessinent
Du côté du Gatmarif (Groupement des activités de transport et de manutention de la région Ile-de-France), le bilan est plutôt mitigé. « Ça s’est globalement bien passé même si l'activité n'a pas été véritablement soutenue », observe son président Jean-Pierre Gaumet. Lui craint surtout la généralisation de certaines réglementations. Parmi ses sujets d’inquiétude : le projet de déploiement d’une Zone à trafic limité (ZTL) au sein de la capitale, dont l'application est prévue en octobre. Le Gatmarif a d’ailleurs annoncé avoir envoyé le 16 septembre dernier un recours gracieux auprès de la mairie de Paris.
De même, si la fin des Jeux Olympiques et Paralympiques ont marqué la levée des quelque 185 kilomètres de voies réservées, un autre dossier fait débat : la vitesse à 50km/h sur le périphérique parisien alors que la maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé début septembre que cette mesure, accueillie avec un certain scepticisme dans la profession, sera effective dans le courant du mois d'octobre. D’après Jean-Pierre Gaumet, la Préfecture de Paris n’aurait pas donné son feu vert. Le nouveau ministre des Transports François Durovray a, dès son premier jour de prise de fonction, indiqué qu'il n'était pas "convaincu" par le passage du périphérique parisien à 50 km/h et précisé qu'il s'entretiendrait avec le préfet de Paris.