Le règlement CE 853/2004 détermine les températures maximales admises pour le transport des denrées réfrigérées et congelées. Hors des intervalles réglementaires, il y a « excursion de température ». Celle-ci peut provoquer la perte de la marchandise et son refus par le destinataire. Hors agroalimentaire, près d’un produit de santé sur deux est sensible aux excursions de température. Globalement, les pertes liées aux ruptures de la chaîne du froid dans le transport pharmaceutique ont coûté 35 milliards de dollars à l’échelle mondiale en 2018. Qu’il s’agisse d’alimentation ou d’autres marchandises sensibles, le respect des normes et des bonnes pratiques de distribution (BPD) impose la surveillance et la traçabilité de la température.
Le suivi du froid est fréquemment une option ajoutée à une « télématique remorque ». Dans cette catégorie, on trouve par exemple l’Eko-Cold du télématicien rennais Ekolis. Quant aux carrossiers du froid et autres fabricants de groupes frigorifiques, ils proposent généralement des solutions télématiques intégrées. Toutefois, celles des carrossiers sont souvent fournies par une tierce partie. C’est le cas pour Kässbohrer, qui monte l’équipement Transics (Wabco). En revanche, l’envergure mondiale des fabricants de groupes Carrier Transicold et Thermoking leur permet d’amortir le développement de leurs propres systèmes. Les sondes montées indépendamment du carrossier ou du frigoriste sont parfois appelées « tags », certaines sont totalement autonomes car alimentées par une pile ou par une batterie rechargeable. La fréquence de la transmission de leurs données ainsi que le réseau de données qu’elles emploient déterminent la durée de leur fonctionnement autonome.
Le « contrôle des températures dans les moyens de transport et les locaux d’entreposage et de stockage des aliments surgelés destinés à l’alimentation humaine » est l’objet du règlement CE 37/2005. Pour le froid négatif, les enregistreurs doivent être conformes à la norme NF EN 12830 éventuellement complétée par la norme NF E 18-150. Le ministère de l’Agriculture dresse une liste non exhaustive des enregistreurs de température de l’air à utiliser. On y trouve une cinquantaine de fournisseurs depuis AeroData jusqu’à Woodley Electronics. Elle peut être téléchargée sur la page Web agriculture.gouv.fr/securite-sanitaire-des-aliments-tout-sur-la-chaine-du-froid. Pour chaque équipement, cette liste précise les types de sondes, leur exactitude ainsi que leur procès-verbal de référence. Il est généralement délivré par Cemafroid, Cemagref, LNE, LCIE ou par le TÜV.
La demande croissante de traçabilité et la diversification des marchandises transportées sous température dirigée incitent les prestataires à développer l’offre. L’une des tendances consiste à favoriser le plug’n play. Installé à Bressuire (Deux-Sèvres), Strada a choisi cette voie pour son tag lancé au premier trimestre 2020 en version EN 12830. Disposant d’une autonomie pouvant atteindre dix ans et conservant en interne jusqu’à 4 000 points de mesure (trois jours), il communique sans fil avec le récepteur Strada installé en cabine. Dans ce cas, c’est le boîtier du tracteur qui remonte les informations de la sonde de température vers les serveurs. Elles sont intégrées au reste de l’offre du télématicien (TMS, gestion de missions, e-CMR). En cas de dépassement des seuils, les alertes sont envoyées au chauffeur par l’appli StradaPilot ainsi qu’à l’exploitation à travers le back-office de gestion de flotte StradaTracking. En option, cette solution peut inclure la détection d’ouverture de portes. Elle intégrera les données des groupes Carrier au second trimestre 2020. « Nous sommes dans une démarche de co-innovation avec nos clients transporteurs qui sont experts de leurs besoins. Notre veille est permanente dans les domaines de l’IoT et de la blockchain. Ce sont les besoins du terrain qui détermineront leurs applications à la logistique du froid », déclare Xavier Lebeault, directeur général de Strada.
MySirius et les sondes Lora Spy composent la solution IoT de JRI. Elle a les avantages du suivi temps réel et ceux de l’économie induite par la faible consommation du réseau LoRa. Le distributeur Transgourmet l’a déployée à l’échelle nationale afin de remplacer d’anciens thermotraceurs qui exigeaient une manipulation hebdomadaire afin de lire les données qu’ils avaient enregistrées. Cet ancien système ne permettait qu’un contrôle a posteriori et se montrait très consommateur de main-d’œuvre. Il a été remplacé par des objets connectés. Ceux de JRI se caractérisent par l’emploi du réseau LoRa (via Objenious, de Bouygues Telecom). Communiquer par LoRa ne nécessite que peu d’énergie. Cela accorde aux capteurs de température une autonomie de deux ans qui correspond à la fréquence des opérations obligatoires d’étalonnage. Adoptées par DB Schenker, Delanchy, Sofrilog et les Transports Lapeyre, entre autres, les sondes JRI (Lora Spy ou Nano Spy) sont simplement fixées à la paroi de la caisse. Elles profitent de la protection offerte par les arceaux du groupe frigorifique. Elles relèvent la température et la transmettent à intervalles réguliers vers une plateforme. Celle-ci est consultée en mode SaaS sur le portail MySirius par l’utilisateur final. Il est également possible d’alerter le chauffeur ou quelqu’un d’autre par SMS. Un tel système a l’avantage de pouvoir être installé et retiré rapidement d’un véhicule de location. Parmi ses options, on trouve l’utilisation par un nombre illimité d’utilisateurs, la sauvegarde des mesures, des API d’exportation vers des logiciels métiers, la géolocalisation, la sauvegarde et la mise en ligne des certificats d’étalonnage, et bien sûr, les alertes par mail, texto ou appel téléphonique. Au minimum, le service comprend la remontée automatique des mesures, une garantie d’intégrité des mesures (cryptées, intègres, non falsifiables) et la gestion des alertes. La conservation de données en blockchain assure leur intégrité. Il est envisageable d’ajouter les informations de température aux données réunies en blockchain et chargées d’assurer la traçabilité des marchandises sensibles. Parmi ses avantages, la blockchain renforce la transparence et accélère l’identification de la source d’une contamination dans l’industrie agroalimentaire. L’enjeu est de taille car avant la blockchain, deux semaines étaient nécessaires pour identifier cette source, selon le responsable de la sécurité alimentaire de Walmart. Grâce à la blockchain, les consommateurs et les acteurs du transport pourront accéder à l’ensemble des informations relatives à ces produits, y compris une éventuelle rupture de la chaîne du froid. La blockchain apparaît donc comme un outil créant la confiance, y compris auprès du consommateur final.
Le transport sous température dirigée est souvent réparti entre « froid positif » et « froid négatif ». La réalité réglementaire est beaucoup plus subtile. Qui dit « température dirigée » ne dit pas nécessairement « froid ». Ainsi, l’acheminement de plats cuisinés ou de repas en liaison chaude exige au moins + 63 °C. Pour les œufs de poule, la température doit être constante et supérieure à + 5 °C afin d’éviter la condensation. La réglementation est parfois imprécise puisque c’est une température n’affectant ni les caractéristiques de sécurité sanitaire, ni la viabilité, qui est demandée pour les mollusques bivalves et produits de la pêche vivants. Quant aux fromages affinés et au lait pasteurisé, leur température est déterminée par le fabricant ou par le conditionneur.
Pour les produits congelés (froid négatif) et selon le règlement CE n° 853/2004, on distingue en général trois seuils de température. Les glaces, crèmes glacées, viandes hachées, préparations de viandes, produits de la pêche non vivants et cuisses de grenouille non transformées doivent être maintenus à, au plus, -18 °C. Les viandes d’ongulés, leurs abats, les volailles, le petit gibier sauvage et les préparations culinaires élaborées dans un commerce de détail tolèrent au plus -12 °C. Enfin, -9 °C est admissible pour les poissons entiers congelés en saumure et destinés à la fabrication de conserves. En froid positif, ce sont les produits de la pêche non vivants qui requièrent le plus de vigilance puisqu’ils doivent être conservés à + 2 °C ou à température de la glace fondante. Cette dernière a un coût et un impact sur la charge utile. Les viandes hachées ou séparées mécaniquement exigent également + 2 °C. Les abats d’ongulés et les préparations culinaires élaborées dans un commerce de détail se transportent à + 3 °C. Les volailles, les morceaux de découpe de viande d’ongulés, les préparations de viandes et le lait cru nécessitent une température maximale de + 4 °C. Au seuil réglementaire de + 7 °C, on ne trouve que la viande d’ongulés sous forme de carcasses entières ou de pièces de gros.